L’esprit d’entreprendre

L’ESPRIT D’ENTREPRENDRE 

À l’âge de vingt-et-un ans, Camille Sabiani relève le défi de reprendre l’entreprise, Pub Conseils créé par son père, il y a 25 ans. Entre doute, volonté de réussir et transmission familiale, son univers aujourd’hui est celui de l’entreprenariat qu’elle vit à 200%.

Propos recueillis par Anne-Catherine Mendez

Une jolie fille aux yeux clairs fait soudain son apparition, souriante, l’air sûre d’elle, « bonjour, je suis Camille, je viens pour l’interview ». Longue silhouette en jupe noire, baskets aux pieds, on la croirait encore étudiante, loin des préoccupations du monde du travail, hésitant encore entre une prochaine virée entre copines ou un dîner en amoureux. Cette première impression n’est pas tout à fait conforme à la réalité… portrait d’une jeune chef d’entreprise déterminée dans ses choix professionnels.

Camille, vous avez vingt-et-un ans et déjà à la tête d’une entreprise, n’est-ce pas trop lourd pour vous ?

Je n’ai pas eu le choix (elle éclate de rire)… Non plus sérieusement après mon bac, j’ai poursuivi mes études en « BTS Management des Unités Commerciales » à Bastia, je voulais un diplôme rapidement et dans une filière professionnelle. Les longues études sans savoir quoi faire, ce n’était pas mon truc. Ensuite, j’ai souhaité intégré une « licence entreprenariat » à l’université de Corse, car je savais au fond de moi, que l’entreprise que papa avait créée en 1990 ne pouvait pas rester sans repreneur, et la meilleure candidate à la reprise, ce ne pouvait être que moi ; ma sœur est encore lycéenne et à des années-lumière de ce genre de préoccupation. Quand vous avez la chance d’avoir au sein de votre famille, un tel patrimoine, il ne faut pas le laisser filer. Mon père a mis toute son énergie pendant 20 ans dans cette entreprise, et à la retraite, l’aventure devait-elle s’arrêter ? Il en était hors de question ! Ma licence, je l’ai donc suivie en alternance pendant un an, à la fois dans notre société et à la fois en cours à l’université. Cette expérience a été des plus formatrices et m’a convaincue dans mon choix.

Comment s’est passée la transmission ?

Déjà en étant dans l’entreprise en alternance, cela a été plus facile. Mon père pouvait s’appuyer sur quelqu’un de confiance pour l’aider dans ses tâches au quotidien. En dehors de Pub Conseils, dont l’activité principale est à la fois un réseau de panneaux routiers, de la fabrication d’enseignes, et du marquage sur tout support pour les supermarchés, il dirige également une maison d’édition, et franchement cette activité, aujourd’hui, le passionne beaucoup plus. Donc petit à petit, il a commencé à me déléguer une partie de nos chantiers. Grâce à mes cours, j’ai apporté des outils théoriques, je les ai adaptés à notre structure, je crois que j’ai su engager l’entreprise sur la voie de la modernité et de l’innovation. Mon père est toujours derrière moi mais au bout d’un an, de moins en moins. C’est vrai qu’à vingt-et-un ans, c’est beaucoup de stress, il faut tenir compte du moindre détail, de tous les facteurs de contingences externes et internes. Je suis à la fois en déplacement pour le suivi des chantiers, à la fois sur la partie administrative et à la fois sur la partie commerciale. Mes journées sont longues, parfois de 6h à 20h, il reste peu de temps pour penser à moi… Aujourd’hui, c’est simple, je n’ai plus de vie personnelle, une seule activité sur laquelle je ne transige jamais, le sport, ça m’aide à tenir…

Est-ce que le fait d’être une femme perturbe vos interlocuteurs ?

Non pas du tout, au contraire, ce qui les perturbe, c’est plutôt mon âge ! Enfin au début après quand la confiance est établie, il n’y a plus aucun frein. J’ai intégré, il y a peu le réseau des « Corsican Business Woman », je trouve que c’est important de s’entraider, de se soutenir, et d’échanger avec des femmes qui rencontrent les mêmes difficultés ou qui partagent les mêmes aspirations. Je suis toujours curieuse de ce que la relation humaine peut m’apporter. Je fais beaucoup de salons professionnels pour m’ouvrir aux nouvelles technologies, pour mieux comprendre le marché sur lequel évolue mon entreprise, j’essaie d’avoir des avis extérieurs avant de prendre une décision, c’est important pour moi, pour avancer du mieux possible.

Quels sont vos derniers projets ?

Le dernier projet de l’entreprise est un peu mon bébé à moi, j’ai envie de le voir grandir et d’apporter à mon entreprise la stabilité dont elle a besoin. C’est un concept innovant, qui nous a permis d’élargir notre clientèle en s’adressant aux propriétaires de bateaux de plaisance, et en leur proposant un antifouling et covering sous forme de film adhésif sans aucune toxicité, garanti 5 ans. J’ai d’ailleurs participé au dernier Salon nautique à Paris pour le présenter et les commandes démarrent. Pour cette activité, je me suis associée avec une entreprise bastiaise, dont la fille du gérant est dans la même situation que moi, et à deux c’est plus facile, les risques sont partagés. C’est super motivant ! D’ailleurs quand je me balade en France et en Europe, je suis même allée au dernier Web Summit à Lisbonne, je vous garantis que la Corse, ses entreprises, ses startups n’ont pas à rougir face à leurs concurrentes françaises ou européennes, il faut juste qu’on soit un peu plus nombreux à avoir l’esprit d’entreprendre. Moi (dans un grand éclat de rire), je n’ai plus de vie, mais je veux développer ce que mes parents m’ont transmis, je veux vivre sur mon île, ce sont mes repères, je sais que c’est possible, je sais que j’ai trouvé ma voie.

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