LA CREATION SENSIBLE ET INTIME DE PAULINE DELEPIERRE

Repéré lors d’une journée brûlante, sous un stand de l’une des Fiere di L’Isula, le savoir-faire en joaillerie de Pauline, jeune créatrice, se démarquait par sa singularité dans ce beau paysage de créations plurielles exposées alors. La première plongée dans son univers a donc eu lieu à ce moment-là, en pleine lumière, sur la place Paoli. Ce fut un coup d’éclat. Pour mieux tenter d’identifier ses pièces et ses collections, la curiosité s’est ouverte sur le parcours de cette artiste, sur ses choix, ses aspirations et sur toutes les influences qui l’ont amenée à créer sa marque de bijoux, Madame Marquise.

Par Laura Benedetti

Depuis une dizaine d’années en Corse, Pauline, âgée de 26 ans et originaire d’Agen, vit à Calvi où elle a ouvert son atelier, il y a maintenant 3 ans. Après un Bac en Arts Appliqués, elle a obtenu deux CAP en bijouterie-joaillerie et en sertissage ainsi que deux Brevets des Métiers d’Art dans ces deux spécialités. C’est à la fin de sa formation qu’elle décide de s’installer à son compte et de s’ancrer à Calvi pour en faire son lieu de création. Elle fonde Madame Marquise, sa signature. Et nous confie: «Le nom de ma marque est né d’une longue réflexion. En regardant un livre sur les pierres précieuses, il m’est apparu que celle que j’aimais plus particulièrement, était la taille «marquise». J’aime son nom et tout ce qu’elle renvoie, l’idée que le bijou traverse le temps et les époques, de la marquise à la femme actuelle. Lors d’échanges, car je trouve toujours enrichissant de partager mes idées, le terme «Madame» est apparu comme une évidence. Ainsi Madame Marquise est née. »

La sensibilité en héritage

Pour ce qui a été de sa façon d’appréhender sa pratique artistique, Pauline nous dit: «De par le métier de ma mère, qui est designer graphiste/illustratrice, j’ai été sensibilisée à l’art depuis mon enfance. Je partageais avec elle de bons moments où l’on se rendait aux cours du soir de peinture et de gravure. J’en garde de très bons souvenirs. Des instants de création dans lesquels je découvrais de nouvelles techniques, telles que la pointe sèche sur plaque de zinc, la gravure sur linoléum et aussi la peinture à l’acrylique. J’aimais aussi dessiner dans mes carnets de croquis après l’école, pour le plaisir et à la recherche de nouvelles idées aux thèmes proposés.» Si Madame Marquise est quelque part une question d’héritage sensible et sensoriel, Pauline affirme un tour de main très personnel avec une créativité qui respire l’intimité. Ses pièces de joaillerie sont tout en finesse et équilibre comme des éléments structuraux. Son travail est en réelle symbiose avec la matière qui s’apparente à de la couture à la main. Brut et radieux. «Je prends plaisir à créer des pièces uniques que l’on n’a pas l’habitude de voir et qui pourront ainsi devenir des coups de cœur. J’aime retenir des mots-clés au travers d’échanges lors d’une commande, ils seront le moteur de mes futures propositions et me permettront ainsi de dessiner différents projets de bijoux. La personne pour qui j’ai créé pourra ensuite me confirmer ou se laisser séduire par une autre création. Je trouve également intéressant de donner une seconde vie aux vieux bijoux et de les transformer ou de réutiliser l’or pour en créer de nouveaux.», nous livre-t-elle; une manière de saisir la substance qui résiste et insiste à la fois, dont finalement, au cours de l’échange, on comprend qu’elle fait écho à sa
propre personnalité : « Mes plus grands défis dans mes créations sont de pouvoir me réinventer au
travers de nouvelles créations, d’explorer de nouveaux univers en travaillant de nouveaux matériaux, pierres, textures…»

Une joaillière de l’intime

Pauline détient une soif d’inspiration infinie. Ouverte, indéfinie, paysagère, émotionnelle, sa palette est large: «Je trouve de l’inspiration dans tout ce qui m’entoure, dans la nature, aussi bien le monde végétal, qu’animal et minéral à travers les formes, les textures, les lignes, les lumières, la transparence, les mouvements…

Mon carnet de croquis me permet de prendre des notes et de dessiner afin de mémoriser mes idées. Par ailleurs, je reste sensible à l’actualité artistique au travers de voyages de visites de musées, d’expos… Je trouve aussi enrichissant de découvrir le travail d’autres artistes et artisans qui m’interpellent par leur travail au travers les couleurs, courbes, mouvements, phosphorescence ou encore jeu d’accumulation». Et poursuit: «J’aime regarder le travail des artisans joaillers aux univers très différents et variés ; contemporain, art déco, masculin, féminin, mixte… et j’admire celui des grandes maisons, de leurs pièces de Haute Joaillerie.» Sa création est souvent sur-mesure, unique ou en très petites séries, à laquelle vient se greffer, se déposer une histoire intime sur tous types de bijoux, Or 750/1000 et Argent 925, destinés aussi bien aux femmes qu’aux hommes. In fine, ce qui se révèle de ce travail à la beauté sobre, c’est sa force à appréhender ce qui en résulte, le bijou, comme un élément du quotidien, quasi domestique, minéral et familial, intime et sentimental. La palette de pièces signées Madame Marquise déploie un langage artisanal épuré qui prend sens et vie au fil du temps tout en amenant à voir le bijou porté quotidiennement sous d’autres latitudes. Celles d’un art de vivre? Sans doute. Libre et ouvert.