De l’anonymat à la célébrité

Alexis Manenti

Étoile montante du cinéma français, nommé pour le prix de la « Révélation masculine aux Césars 2020 », le comédien de 37 ans actuellement à l’affiche des Misérables, film coup de poing de Ladj Ly, récompensé à Cannes en mai dernier par le Prix du Jury, a déjà près de 20 ans de carrière derrière lui. Un long parcours semé de rencontres et d’expériences qui l’ont conduit aujourd’hui jusqu’au succès.

Par Karine Casalta

« J’ai commencé à tourner à 17 ans, là j’en ai 37. Un parcours assez long durant lequel j’ai beaucoup appris. Avec Kourtrajmé, on a aussi beaucoup travaillé avec Vincent Cassel qui nous a beaucoup aidés, beaucoup appris sur le milieu du cinéma et comment se confronter à ce métier, ne pas lâcher et être le plus persévérant possible ! »

C’est en effet à la fin des années 90 qu’Alexis Manenti a fait ses premiers pas devant la caméra avec le collectif audiovisuel Kourtrajmé, créé par Kim Chapiron, Toumani Sangaré et Romain Gavras, qui réunit des artistes de tous horizons (photographes, compositeurs, apprentis décorateurs…) et de toutes origines sociales et culturelles. Installés dans la banlieue de Montfermeil, ils tournent alors avec peu de moyens –quelques caméras DV, un ordinateur et un logiciel pour le montage – de nombreux courts métrages entre fiction et réalité.

L’enfant de l’Est… et de Corse

C’est dans ce contexte, qu’Alexis est appelé par Romain Gavras, un ami d’enfance, pour endosser le rôle de Dimitriu Bulatovic, un voyou roumain ; un personnage qu’il incarnera à plusieurs reprises durant près d’une dizaine d’années. Et un rôle qu’il doit en partie au fait qu’il parle couramment le serbo-croate, une langue apprise avec ses grands-parents maternels. Le comédien, dont la famille paternelle est corse, originaire de Piana, a en effet ses racines maternelles en Croatie. Sa mère, née à Rijeka en Croatie, a grandi à Belgrade en ex-Yougoslavie, avant d’arriver en France pour étudier la psychanalyse. C’est là, qu’elle rencontre le père d’Alexis, alors archéologue, qui deviendra également psychanalyste. Cette discipline concentre par ailleurs un certain intérêt familial puisque la grand-mère d’Alexis, Josée Manenti, fut une des premières femmes en France à s’intéresser à la psychanalyse et a collaboré avec le psychiatre français Jean Oury à la création de la clinique de La Borde, un établissement psychiatrique sur les principes de la psychothérapie institutionnelle, totalement avant-gardiste pour l’époque.

Riche de ces deux cultures, Alexis, aîné d’une fratrie de deux garçons, a grandi à Paris, choyé par des parents très à l’écoute, offrant à leurs enfants une éducation empreinte de liberté et de curiosité intellectuelle. C’est dans ce contexte que durant son adolescence, marquée par la mort de son père en 1998 alors qu’il n’a que 16 ans, et cherchant sa voie, il va explorer notamment avec Kourtrajmé les premières facettes du métier d’acteur. Sans vocation particulière, il entame néanmoins après son Bac des études d’histoire, puis de psychologie, avant de s’inscrire à des cours de cinéma au « laboratoire de l’acteur » sans être réellement fixé sur son désir de faire du cinéma. « Je n’ai jamais vraiment voulu être acteur, pendant plusieurs années c’était même plus du tout ce que je voulais faire ! »

De l’ombre à la lumière

Il tourne toutefois différents courts métrages, jusqu’à se voir proposer son premier rôle au cinéma dans Mea Culpa réalisé par Fred Cavayé où il donne la réplique à Gilles Lellouche et Vincent Lindon, enchaînant avec Voir du pays écrit et réalisé par Delphine et Muriel Coulin, puis peu après Le divan de Staline, de Fanny Ardant, avec Gérard Depardieu. Ce n’est qu’à partir de ce moment-là qu’il commence à envisager sérieusement une carrière de comédien. Si les rôles s’enchaînent par la suite, c’est véritablement son rôle de flic de la BAC dans Les Misérables, réalisé par Ladj Ly, qui va le placer dans la lumière, lui offrant par ailleurs d’être sélectionné dans la catégorie « Révélation masculine des Césars 2020 ». Reprise d’un court métrage réalisé plusieurs années auparavant avec Kourtrajmé, le film qu’il a co-écrit connaît un succès phénoménal jusqu’à être nommé aux Oscars dans la catégorie « Meilleur film étranger » ; « On est très surpris de l’ampleur du succès du film, mais ce n’est pas un hasard, c’est le fruit d’un vrai travail, d’une vraie énergie qui y a été investie. »

Acteur confirmé, Alexis est aujourd’hui tourné vers un avenir cinématographique plein de promesses. On le retrouvera ainsi prochainement dans Les Années 10 de Thierry de Peretti, Poissonsexe d’Olivier Babinet, ou encore dans The Eddy, la nouvelle série événement Netflix signée de Damien Chazelle, le réalisateur de La La Land pour ne citer que ceux-là. Sans compter plusieurs projets d’écriture de scénarios, un exercice auquel il compte bien continuer à s’atteler. Une corde de plus à l’arc de cet acteur talentueux qui n’a pas fini de se révéler.

Les commentaires sont fermés, mais trackbacks Et les pingbacks sont ouverts.