Coworking

Travailler autrement

Pour travailler heureux, travaillons groupés. C’est le principe du coworking qui propose plus qu’un espace de travail, un véritable environnement tout confort pour les travailleurs indépendants et les entreprises. L’objectif : réduire les coûts bien sûr mais aussi favoriser les échanges et les synergies entre ces usagers. En Corse, plusieurs espaces ont ouvert leurs portes, entre villes et villages.

Par Caroline Ettori

Des espaces qui cassent les codes et le cadre du travail, voilà le principe du coworking. Né en Europe, à Berlin, il y a maintenant un peu plus de 20 ans, c’est la Silicon Valley américaine qui, très rapidement séduite, s’approprie et déploie à grande échelle le concept. Le premier espace, The San Francisco Coworking Space, est lancé en 2002 par Brad Neuberg, programmeur américain souhaitant proposer une nouvelle forme d’espace de travail. Plus sociable que celle des business centers et bureaux traditionnels et plus productive que celle du travail à domicile. Tout un programme !

Pionnier impérial

À Ajaccio, le pionnier du genre, Empire Cowork, accueille les professionnels autonomes depuis près de 3 ans. Situé au Pôle de Suartello, une zone hautement stratégique et toujours en expansion, le bâtiment de 900 m² offre plus qu’un openspace. « Nous proposons une trentaine de bureaux de différente taille, deux salles de réunion, un espace détente, une cuisine mais également des services d’impression, de domiciliation, de téléphonie… », précise Anne-Claire Gautier, animatrice de l’espace. Question porte-monnaie, les porteurs de projet et jeunes pousses peuvent être séduits, les tarifs s’adaptent en fonction des besoins et des services souscrits. « Bien sûr que l’aspect économique est important mais je crois que nos usagers cherchent encore autre chose, de plus convivial, de plus fonctionnel. Nous sommes et serons attentifs à ces détails, nous organisons d’ailleurs régulièrement des petits déjeuners et d’autres événements pour provoquer les échanges, les contacts entre eux. »

Coworking des champs

Changement de décor. Direction le village de Speloncato en Balagne. Pierre Ridolfi a fait le pari du rural, inspiré par l’initiative Bastia Coworking qui a depuis baissé son rideau. « Nous avons créé Imaginà Coworking Balagna il y a un peu plus d’un an en association avec la mairie. J’ai apporté le projet à la commune et nous avons pu l’installer dans un bâtiment public. » L’espace, inédit, peut accueillir 12 personnes à l’année, 9 résidents ont déjà pris leur quartier dans les locaux et 7 sont référencés comme “nomades”. L’espace a vraiment explosé en août dernier, tout s’est passé très vite ! »

Et le coworking dans le rural, c’est aussi une autre manière, une bonne manière de retenir ses habitants. Voire d’en attirer de nouveaux. « Ceux qui sont là à l’année vivent au village ou dans la région, à Calvi, L’Île-Rousse ou dans d’autres villages voisins. Quand on parle de coworking, on a tendance à imaginer des personnes qui évoluent dans la communication ou l’informatique. Or, pas nécessairement. Nous accueillons un paysagiste, un notaire, un ingénieur dans la traction animale. Nous sommes loin des clichés. Mais attention, ils sont peut-être encore plus exigeants que les usagers urbains. S’ils font l’effort de venir jusqu’à Speloncato, nous devons leur offrir un service irréprochable. Pas question qu’il manque ne serait-ce qu’un stylo ! Et cela dépasse largement l’espace de coworking. Par exemple, le bar est désormais ouvert à l’année. Nous participons à une réelle économie circulaire. » Un coworking militant en quelque sorte. « Nous sommes une association qui avons élaboré un projet qui nous ressemble. C’est notre force. Le modèle serait difficilement transposable à l’identique. »

Repenser le travail

En 2010, on recensait 21 000 personnes travaillant dans ces espaces en France. En 2018, elles étaient 1,7 million. Un nombre toujours en croissance dans les plus de 600 espaces de coworking du territoire. Là aussi, un nombre en constante augmentation. C’est la notion même de travail qui est à repenser. Tout comme la vision patrimoniale du bureau.

Émilie Seugé, freelance, fondatrice et animatrice du blog by-women.org fréquente régulièrement La Petite Coworkeria créée par Marie-Ange Filippi dans le centre-ville d’Ajaccio. « Quand on est indépendant, on a souvent plusieurs activités en lien avec différents lieux. C’est bien aussi de pouvoir rassembler un peu ses idées, son énergie en un point chaleureux, autre que la maison. Et pourquoi pas, faire naître de nouveaux projets, de nouvelles dynamiques avec les autres usagers. »

Selon Marie-Ange Filippi, le travail évolue et les nouvelles générations impulsent de nouvelles attentes. « Le bien-être et la mobilité sont désormais des facteurs de choix décisifs. Nous sommes en recherche d’espaces de vie et de stimulation intellectuelle. Cette transformation tend à s’installer, se stabiliser, se structurer. On veut se sentir chez soi tout en étant dans des conditions professionnelles avec des services performants. Le coworking est donc un concept qui dépasse le simple espace physique et regroupe des dimensions économique, sociale et culturelle. Il s’agit de participer à l’émergence d’une nouvelle façon de travailler, moins contraignante, plus collaborative, plus efficace. En ligne de mire se tient aussi la volonté d’être pleinement acteur d’un territoire et d’impacter modestement mais positivement notre environnement urbain. »

Implantée dans le quartier de l’octroi La Petite Coworkeria se pense comme un lieu de passage et d’échanges, un point de rencontre, un lieu hybride où se mêlent workshop, apéros studieux, ateliers thématiques et même expositions. « C’est un lieu de vie à taille humaine, loin des projets fous et bâtiments démesurés », souligne sa jeune fondatrice. S’insérer dans un circuit de l’innovation certes, tout en renouant avec l’esprit de proximité. Autant dire un tour de force. « Nous avons fait le choix de la flexibilité pour privilégier la rencontre et le dialogue. Mais également celui de privilégier les produits locaux pour les boissons et en-cas proposés tous les jours. » Une démarche qui relève tout autant d’un processus de solidarité. Marie-Ange Filippi confirme : « Très souvent, ces espaces s’inscrivent dans l’économie sociale et solidaire. Même si nous avons un objectif de rentabilité, nous essayons à travers notamment d’événements à destination des usagers et même entre nous, de favoriser les valeurs de partage et d’entraide. » De quoi balayer le blues du lundi matin. Ou presque.

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