U mele corsu hè scarsu

CORRE L’INCHIETUDINE IND’È SPLUTTAZIONE DI L’APICULTORI NUSTRALI MA, ANCU DI GRAZIA, MICCA U FATALISMU. L’ULTIME DATE UFFICIALE RACOLTE DA L’AOP MELE DI CORSICA MOSTRANU CH’IND’U LISTESSU TEMPU CH’ELLU CRESCE U NUMERU D’ADERENTI È DI BUGNE, CALA, PER CONTU SOIU, A PRUDUZZIONE, È QUESSA, DI MODU REGULARE, DAPOI U 2008. UNA SITUAZIONE PRUBLEMATICA ASSAI CHÌ IMPONE SFIDE NOVE, CUM’È A CI SPIEGA DENIS CASALTA, PRESIDENTE DI U SINDICATU DI A FILIERA.

Propos recueillis par Petru Altiani

Denis Casalta, comment expliquer la diminution progressive et constante de la production de miel de Corse ?

Comme tous les agriculteurs, les apiculteurs savent bien que la nature peut nous jouer des tours.

Dix ans en arrière, nous plaisantions en disant que « nous ne sommes pas à l’abri d’une bonne année » mais aujourd’hui plus personne ne plaisante. Les années se suivent et sont pires les unes que les autres.

Il est évident que quelque chose change dans notre environnement et nos abeilles semblent bien y être très sensibles au point de n’amasser aucun miel pendant ce terrible printemps 2020.

Avec les chiffres de la production apicole, il n’a pas été bien difficile d’obtenir de l’Odarc la mise en place d’un Comité scientifique et technique apicole (CSTA) dont la mission est d’étudier l’environnement de nos abeilles et de décrire les changements afin que les apiculteurs tentent d’y faire face. Notons que ce CSTA est la première organisation de ce type au niveau national.

Pour le moment, il convient de faire preuve de patience… quelques années seront certainement nécessaires aux premières conclusions.

Est-ce irréversible ?

Mais non il n’y a rien d’irréversible et si nous n’en étions pas convaincus nous fermerions immédiatement nos exploitations ! 

Quelles sont les conséquences pour les apiculteurs ?

Cette activité ancestrale a toujours permis un réel complément de revenus à nos anciens, et les exploitations apicoles de Corse, avec la construction de l’AOP Miel de Corse, étaient bien fières de vivre de leur travail alors que d’autres se trouvaient sous perfusion d’aides quelques fois massives.

Les études conduites par l’Institut technique et scientifique de l’Abeille et de la pollinisation (ITSAP) expliquent que le rendement doit atteindre 19 kg de miel par ruche pour que l’exploitation puisse faire face à ses propres charges d’exploitation sans pour autant rémunérer l’apiculteur.

Aujourd’hui, la baisse des rendements est telle que non seulement les apiculteurs ont du mal à se payer mais ils mettent leurs économies à contribution pour maintenir leurs exploitations.

En termes d’accompagnement ou de prévention, quelles sont les démarches conduites par le syndicat AOP Miel de Corse ?

Les premières missions de l’AOP Miel de Corse sont de défendre et de promouvoir le signe de qualité. Parce que nous étions convaincus que l’augmentation du niveau de compétences des apiculteurs pouvait être suffisante pour faire face à la baisse de production, en 2005, nous avons déployé une station de sélection et de multiplication de l’abeille corse. 

Cette « Station » est un véritable pôle de compétences et d’expérimentation au service de l’apiculture insulaire. Récemment, nous avons réorienté les missions de la station de l’AOP Miel de Corse vers plus de sélection et encore plus de soutien technique aux exploitations.

Ces difficultés de production et la rareté du miel impactent-elles son prix de vente ? 

Oui bien sûr, jusqu’en 2019 la raréfaction du Miel de Corse s’est accompagnée d’une hausse du prix du miel et l’un était capable de compenser l’autre. Globalement, le prix du miel a doublé en 15 ans pour atteindre aujourd’hui de 26€/kg à 32€/kg selon les conditionnements et les circuits de vente.

La production est-elle vendue en local ou exportée ?

La production de Miel de Corse est vendue majoritairement en local.

En effet, même si le miel de Corse a tous les arguments pour satisfaire les consommateurs les plus avertis, le niveau de production est tellement faible que la propension de la production qui pourrait être exportée rend difficile la conquête de nouveaux marchés au niveau national voire international. En 2020, les 146 apiculteurs de l’AOP Miel de Corse – Mele di Corsica ont produit 240 tonnes de miel avec leurs 21 400 ruches.

On voit émerger de nombreux mets à base de Miel de Corse AOP, tels que les macarons Kallisté de Pierre Hermet. Avec cet exemple comme d’autres, pourrait-on évoquer pour le miel corse la notion de produit de luxe ? 

Bien évidemment, les qualités gustatives du miel de Corse justifient son emploi dans les meilleures recettes. Nous devons poursuivre les études qui vont permettre à coup sûr de mettre en évidence les propriétés de nos miels (antibactérien, anti-inflammatoire, antioxydants) et des autres produits de la ruche et peut-être retrouverons-nous le miel de Corse aux côtés du miel de Manuka.

Quelles sont les variétés qui sont les plus prisées ? À quel moment se fait la récolte ?

Il n’est pas possible de répondre à cette question tant les miels sont différents. Pour ce qui me concerne, je dirais que le miel de maquis d’automne est certainement et de loin le plus intéressant même s’il demande à être plus expliqué que les autres.

Malgré ces difficultés, comptez-vous de nouvelles installations d’apiculteurs ?

Oui, l’apiculture continue de séduire les jeunes et l’installation de ces nouveaux exploitants est notre fierté. Mais les difficultés sont telles depuis quelques années que nous encourageons ces jeunes à mettre toutes les chances de leur côté en avançant doucement.

Quelle évolution a connu le nombre d’apiculteurs dans l’île ? 

En 1931, Alphandéry apporte les premières précisions statistiques dans son « Traité complet d’agriculture » mettant en avant une diminution de l’activité apicole : « En 1862, la Corse possédait 26 442 ruches. En 1900, nous n’en trouvons plus que 13 000. Le dernier recensement accuse une production de 105 tonnes de miel avec 8 556 ruches dont 1 000 à cadres. » Cet effondrement de la production était lié à une épidémie d’acariose qui a dévasté le cheptel.

Puis l’apiculture insulaire va faire l’objet d’un renouveau qui débute en 1976 avec la mise en place d’une formation professionnalisante suivie par 14 stagiaires au Centre de promotion social de Corte, pour l’obtention du Brevet Professionnel Agricole, option apiculture. Une moyenne de quinze stagiaires par an sera ainsi formée jusqu’en 1985. La formation reprendra en 2002 avec la mise en place d’un BPREA option apiculture au CFPPA de Borgo.

De manière globale, l’activité apicole s’est développée et la Corse compte plus d’apiculteurs en activité par rapport à il y a 10 ou 20 ans.

Comment la possession de ruches s’organise-t-elle ?

D’après les derniers chiffres officiels parus en 2020 liés aux déclarations de ruches 2019, la Corse comptabilise 403 détenteurs de ruches pour 24 675 colonies, dont 38% sont en Corse-du-Sud et 62% en Haute-Corse. 68,50% possèdent entre 1 et 49 ruches, 20% possèdent entre 50 et 149 ruches, 10% possèdent entre 150 et 400 ruches et seulement 1,50% possèdent plus de 400 ruches.

On notera ainsi qu’en 2021, l’AOP Miel de Corse regroupe 40% des apiculteurs et 86% des ruches insulaires !

À noter également que lors de l’obtention de l’AOP en 1998, il y avait 58 apiculteurs habilités pour 7 300 ruches. En 2021, nous comptabilisons 160 apiculteurs pour plus de 21 000 colonies.

Quels sont les projets du syndicat AOP Miel de Corse ?

Depuis de nombreuses années, nous avons travaillé au développement de la filière apicole insulaire en nous appuyant sur notre signe de qualité. Aujourd’hui, il nous semble primordial de poursuivre dans cet axe, en effet sans l’AOP Miel de Corse la filière ne serait pas structurée telle que nous la connaissons actuellement. 

Les projets sont nombreux. Il s’agit naturellement de poursuivre l’organisation de formations et l’appui technique aux exploitations afin de gagner en compétences techniques, indispensables pour essayer de limiter les impacts saisonniers négatifs et conserver un cheptel de qualité. Cet axe comprenant l’accompagnement des installations. D’autre part, nous souhaitons réaliser des expérimentations et des travaux de sélection de plus grande ampleur via notre station de sélection. L’amélioration de nos connaissances sur les miels de Corse et les autres produits de la ruche, particulièrement au niveau de leurs propriétés, figure également parmi nos priorités. Nous avons à cœur d’œuvrer pour la reconnaissance du miel de Corse et d’accompagner les apiculteurs dans la structuration d’une démarche collective de commercialisation pour la vente à l’extérieur de l’île. Et surtout renforcer notre signe de qualité en maintenant les contrôles chez les apiculteurs afin de garantir aux consommateurs un miel dont l’origine et la qualité sont certifiées.

Quelle est l’action la plus urgente ?

Notre mission la plus urgente est que nous devrons également trouver auprès de l’Europe, avec l’aide des instances régionales, les aides pérennes qui nous permettront de maintenir nos exploitations jusqu’à un éventuel retour à la normale.

Rappelons que si les ruches sont bien les nôtres, les abeilles butinent et pollinisent un territoire commun. Sans les abeilles des apiculteurs, il ne sera pas possible aux quelques colonies dites « sauvages » qui subsistent çà et là dans quelques troncs d’arbre de polliniser notre île et ainsi de préserver notre biodiversité.

Si les abeilles sont des sentinelles de l’environnement, les apiculteurs en sont leurs gardiens.

Savoir + : https://mieldecorse.com/

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