Tribune : Algorithme, mon amour

Les algorithmes régissent profondément nos vies sans bruit. C’est le cas depuis Euclide. Aujourd’hui,   ceux de Google recherchent et sélectionnent notre information,  ceux de Criteo poussent les publicités en fonction de nos préférences, ceux de Facebook trient les publications de nos amis. Certains pourraient crier à la manipulation, dénoncer l’asservissement.

Pourtant l’algorithme n’est qu’un outil mathématique auquel on ne comprend rien, au mieux pas grand-chose à moins d’être un informaticien chevronné. On ne sait ni vraiment qui l’a mis au point, ni comment il fonctionne.

Parfois, on peut même se demander à quoi il sert quand on s’arrête à une partie de sa définition : « ensemble d’instructions servant à la résolution d’un problème ». On suppose simplement qu’il doit en savoir un rayon sur ce que qu’on fait sur Internet. On se rassurera en pensant qu’il ignore encore quelques-uns de nos petits secrets. Quoi que !

Les robots journalistes

Ces dernières semaines les media se sont fait le relai d’une application aussi intéressante qu’inquiétante Il y a plus de 10 ans, le M.I.T avait mis au point un système de génération automatique d’articles de presse.

En clair, plus besoin de journaliste pour écrire un article. Plus de fautes d’orthographe. Plus de revendications et de grèves. Depuis cette approche expérimentale et ces promesses d’efficacité autant que d’économies, les robots journalistes « prennent corps ». En mars dernier, l’algorithme mis au point par un journaliste de Los Angeles Times a produit un article particulièrement précis sur les circonstances du tremblement de terre qui a secoué la Californie du Sud. Le quotidien américain reconnait qu’il lui arrive de plus en plus fréquemment d’avoir recours à un robot pour traiter des faits divers. Le principe est simple. Les journalistes reçoivent chaque jour un fichier de la police recensant l’ensemble des arrestations. L’algorithme est alors chargé d’analyser les données et d’identifier les professions ou les caractéristiques des personnes interpellées. Il rédige les premières lignes de l’article, il ne suffit plus qu’’à l’enrichir.

On l’appelle Guardbot

Les anglais du Guardian, se sont aussi dotés d’un robot rédacteur surnommé Guardbot. Un peu plus exigeants que leurs confrères américains, ils lui ont assigné la tâche d’écrire des papiers avec des angles précis. Et là l’algorithme cale. Il se révèle incapable de dépasser le stade de la description tirée de données factuelles. Mais pour combien de temps ? Les promoteurs de ce que l’on appelle la science narrative prédisent un développement important aux robots journalistes et vont jusqu’à prédire, sans rire,  dans un avenir proche, le Pulitzer décerné à un robot. Les recherches menées au Chicago Tribune le laisse craindre.

Un algorithme commence par mémoriser un article écrit par un vrai journaliste puis va chercher d’autres articles sur le même sujet publiés par d’autres media. Il les trie, sélectionne ceux qui apportent un contenu différent et construit un article complet. Les chercheurs soulignent que le lecteur ne fait pas la différence entre l’article agrégé par le robot et un papier écrit par un vrai journaliste.  Reviens Albert Londres, ils sont devenus fous ! Toi qui disais  qu’il faut porter la plume dans la plaie, voilà une profession soumise aux théorèmes et à l’algèbre.

Eloge de la paresse

Autre application particulièrement stupéfiante, la détection de révolutions !  Un algorithme développé par le Pentagone vise à détecter les tensions géopolitiques et  les conflits. Il est aux espions que ce le robot rédacteur est aux journalistes. Concrètement, il est capable de traiter, de croiser et d’analyser des centaines de milliers de données et d’en tirer, selon ses créateurs, des hypothèses plus fiables que celles des agents de la CIA.  A une petite nuance près, il n’a pas été capable de détecter les tensions en Ukraine. Ouf !

Quoiqu’il en soit, ces expérimentations  qui séduiront pour certaines d’entre-elles les plus paresseux d’entre nous, n’en sont pas moins passionnantes. Rêvons un peu. Un algorithme peut-il aider les hommes politiques à trouver des solutions, à commettre moins d’erreurs, à redresser les cotes de popularité, à inverser la courbe du chômage, à faire revenir Valérie sans faire partir Ségolène ? Arrêtons là les supputations. Ça pourrait donner de drôles d’idées à certains.

Et quand  l’imagination est au pouvoir, rien ne peut dire ou elle s’arrêtera.   A moins  qu’un algorithme  ne soit crée pour   éviter ce genre de situations. Car  l’homme qui est un animal pensant a le sempiternel chic pour créer de superbes outils avant de se  rendre compte qu’il convient d’en élaborer d’autres dévolus à en juguler les performances. Une sorte  de  vis sans fin que sut  matérialiser un certain Leonard de Vinci.

*Ex-conseiller en cabinet ministériel

par Vincent de Bernardi*

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