L’islam peut-il devenir la première religion en France ?

Par Jean-Pierre Nucci, auteur d’un récit : Vingt-cinq ans deux carrières aux éditions Potentiel d’Action. De trois romans sur la famille: Monteggiani, La Guardiola et Bastarda aux éditions Mon Village. Deux romans historiques: Le Désert sans la Gloire, Le Choix du Sabre, chez Erick Bonnier éditeur.

S’il y a bien un sujet qui fait débat en France, c’est celui de l’islam. Quelques fois de manière abrupte, par la condamnation sans appel de sa pratique, souvent avec pondération pour mille raisons. Il se propage, c’est indéniable, à ce rythme-là deviendra-t-il la première religion ? On s’interroge sur ce fait avec inquiétude. La question est légitime, elle touche à l’identité.

Deux études de l’IFOP datant de 2010 et 2011 démontraient que si rien ne changeait, l’islam deviendrait en 2050 la première religion pratiquée en France. Les catholiques, encore majoritaires aujourd’hui, seront, si les faits se confirment, par-là même, minoritaires. Pour comprendre l’origine de ce retournement de situation, il n’est pas inintéressant de remonter à la source du christianisme.

Après la mort de Jésus, l’interprétation paulinienne des Évangiles a bouleversé la donne. Elle a purgé de la doctrine les interdits et consacré le baptême. Terminée la circoncision, finies les restrictions alimentaires, les inégalités, le bain consacrait l’entrée dans la communauté chrétienne. Avec Paul finalement, c’était pratique, on pouvait manger de tout, avec qui l’on voulait, quand cela nous faisait plaisir.

Malgré ce dépouillement, la mission d’évangélisation fut longue. Le christianisme s’imposa comme la première religion occidentale avec l’avènement de Constantin comme Empereur. En l’an 325 après Jésus Christ, le concile de Nicée, sous l’autorité de ce dernier, a jeté les prémisses du canon biblique. Par opposition, l’hérésiologie s’est vue consacrée. À partir de cette date, tous les actes et les pensées contraires à l’esprit canonique sont devenus blasphématoires et condamnables. Cette sévérité a été responsable de bien des malheurs. Loin du commandement de Jésus la veille de sa mort « Aimez-vous les uns les autres, comme je vous ai aimés », l’Inquisition médiévale d’abord et les guerres de religions ensuite ont fait des ravages. Il fallut un grand roi, Henri IV, pour y mettre un terme avec la promulgation de l’Édit de Nantes.

Plus près de nous, au xviiie siècle, le mouvement des Lumières a éclairé l’humanité sur la possibilité d’une autre voie. C’est sur cette base philosophique que la Révolution française a consacré le principe d’égalité. Depuis « les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits. » Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789.

Encore plus près, au début du xxe siècle, en France, la loi de 1905 sur la séparation de l’Église et de l’État a détaché le temporel du spirituel. La proximité du message christique avec la philosophie des Lumières et l’écriture du droit a, sans nul doute, facilité cette acceptation. Le pratiquant a reconnu dans la loi républicaine une partie de ses préceptes religieux. C’est ainsi qu’il est devenu au fil du temps un chrétien laïc : « Je suis croyant, mais non pratiquant. »

D’un point de vue strictement religieux, cette suite de décisions a conduit à l’affaiblissement de l’Église. La distance avec la foi et la raréfaction des rituels en sont les responsables. Je m’explique.

Par un retournement curieux de l’histoire, là où les chrétiens se sont dépouillés des signes d’appartenance à la foi, l’islam les a toujours revendiqués. Le port du foulard, la pratique de la prière, la consommation de la nourriture halal notamment. C’est sur cette base qu’elle progresse au détriment du christianisme.

Il serait ainsi aisé de croire qu’à partir de ce constat l’islam disposerait de toutes les armes pour vaincre in finenon seulement l’Église mais aussi la République. L’affirmer est allé un peu vite en besogne. Rappelons que l’intégration dans la société française, toutes religions confondues, par le recours au travail, à la mixité, à la reconnaissance sociale et l’enrichissement, atténue la croyance : « Je suis croyant, mais non pratiquant. » C’est ainsi que, sur environ 6 millions de musulmans, statistique publiée par l’Institut Montaigne en 2016, une faible proportion a opté pour la radicalité. Le reste, les plus nombreux, est républicain et fidèle aux valeurs philosophiques de la République. Mais qu’en sera-t-il dans vingt ans lorsque l’on sait que 80 % d’entre eux sont pratiquants ?

Il convient sur ce point, de rester vigilants et lucides.

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