Le rire du sergent, parJean Poletti, Rédacteur en chef de Paroles de Corse

Les calembours du sapeur Camembert font des disciples dans le monde médiatique. Ces plaisanteries peuvent surprendre par leur vacuité, mais suscitent parfois le courroux lorsqu’ elles ciblent un drame. L’assassinat d’un haut fonctionnaire du Conseil général fut le fallacieux prétexte pour un petit prince cathodique de faire une digression indigne qui heurte l’entendement et piétine l’élémentaire respect. Gène diffuse des invités et chroniqueurs ? Qu’importe ! L’animateur, tel un cycliste la tête dans le guidon, poursuivit en danseuse sa coupable échappée, accentuant son coup de pédale, sans penser qu’il déraillait. Atmosphère poisseuse. Lourd climat. Rires forcés. Triste spectacle donnée sur une chaine du service public.
Nul ne pouvait s’empêcher de penser à ces fades saillies de salle de garde. L’imagination aidant, tels percevaient même les échos d’une chanson à succès évoquant le rire du sergent la folle du régiment, la préférée du capitaine des dragons. S’agissant de notre île, l’impétrant parait rompu à l’exercice. Voilà quelque temps, il tourna en dérision le guet-apens mortel d’un maire. Sacha Guitry disait que pour un bon mot il était prêt à tout, sauf à n’importe quoi ! A l’évidence ce précepte, coulé dans l’authentique humour, laisse de marbre son pâle émule.
Cette dernière simagrée s’inscrit dans une longue habitude. Presque une seconde nature lorsque des voix continentales évoquent la Corse. La liste ressemblerait à un inventaire à la Prévert s’il fallait relever toutes les inepties prononcées. De boutades éculées en jugements faussement doctes, que d’inepties. Parfois teintées de racisme, souvent d’inexactitudes, rarement intelligentes.
De Sénèque à Mérimée, en passant par Poniatowski, Raymond Barre et consorts, sans oublier un panel d’illustres inconnus, l’ile est le terreau privilégié des fleurs du mal. De Rousseau ces thuriféraires ne retiennent que le bon sauvage. Et un lieu où tout n’est que prébendes, fainéantisme, veuleries et complicité généralisée.
Oui, la Corse est malade, Nul doute qu’elle ploie sous le joug mortifère. Une population est largement victime, déboussolée. Sa jeunesse inquiète. Aussi plutôt que de lui donner le coup de pied de l’âne, ne conviendrait-il pas de sérier le bon grain de l’ivraie ?
Nul ne vilipenderait une sorte d’enquête Corse, celle qui évoque nos travers. Sans que cela devienne un réquisitoire injuste aux accents de responsabilité collective.
Mais déchirer un suaire de deuil pour faire une pitrerie, est nauséabond. Dans ce droit fil, mettre l’ensemble d’une communauté dans le même sac de la culpabilité est une flagrante injustice.
Et contrairement à l’assertion du parrain Don Corléone, c’est une proposition que nous pouvons refuser.

Jean Poletti

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