Kevin Yafrani

LE BONHEUR EN CUISINE

À la tête de sa propre société, le jeune chef, qui présente chaque
mois dans notre magazine des recettes originales et savoureuses, propose aussi ses talents culinaires pour des prestations gastronomiques, en régalant ses clients à domicile pour tout type d’événements, du repas entre amis, en famille,aux mariages, baptêmes, anniversaires ou encore évènements professionnels. Passionné de cuisine, il a su se tracer une route culinaire singulière, forgée à la dure pour surmonter l’obstacle d’un diabète qui l’handicape depuis l’enfance.

Par Karine Casalta

C’est pourtant dans une tout autre voie que Kevin s’était engagé avant de tomber dans la marmite, en s’orientant vers un double cursus anglais-Psychologie à la faculté à Corte . Mais le décès de son père en 2009, qui va précipiter son retour à Ajaccio, va l’inciter aussi à trouver une formation qui lui permettra de rester étudier au sein de la cité impériale, pour demeurer aux côtés de sa mère. Les émissions de cuisine telles que Master Chef et Top Chef qui font alors leur apparition à la télévision, lui donnent alors l’idée de se tourner vers une formation en cuisine, un domaine qui l’attire et qu’il peut suivre sur place au CFA.

UNE INITIATION FAMILIALE

Car son enfance lui a permis de se familiariser avec l’art culinaire. En effet, bien qu’en terme d’alimentation il était, dit-il, un enfant difficile, il a appris depuis tout petit la cuisine avec ses parents, et avec son frère, qui ayant choisi lui aussi cette même voie testait sur lui ses expériences culinaires. «Petit, je n’aimais pas grand-chose en dehors des petits pois que j’allais cueillir dans le potager de mon père, qui cultivait ses propres fruits et légumes. Ce n’est réellement qu’en fac à Corte que j’ai vraiment commencé à tout goûter et à ouvrir mon palais à d’autres horizons.» Devenu peu à peu amateur de bons petits plats, il prend en effet, durant ses études, l’habitude de cuisiner pour lui et ses amis lassés du restaurant universitaire. «Ma première table clandestine!», dit-il en riant.

Bien décidé à faire cette passion son métier, il décide donc de se lancer et s’inscrit en CAP. Le jeune homme c o m m e n c e ainsi son apprentissage en alternance dans des restaurants tels que le Palm Beach à Porticcio puis à l’Altru Versu à Ajaccio, auprès des chefs réputés Julien Allano et David Mazzacqui.

UNE TÉNACITÉ À TOUTE ÉPREUVE

Une formation qui à son grand regret sera cependant malheureusement précocement interrompue en raison du diabète dont il souffre. Ses employeurs redoutent en effet que sa maladie, entraînant une grande fatigue, l’empêche d’assurer les tâches qui lui sont confiées et entrave la bonne marche de leur restaurant. Diagnostiqué dans l’enfance, ce diabète, l’avait-on prévenu, pourrait écarter certains projets: «Mon médecin m’avait toujours dit, entre autre, que je ne pourrai pas faire de métier manuel, ni me faire tatouer. » Pourtant, c’est avec fierté qu’il arbore aujourd’hui ses tatouages et qu’il exerce le métier de ses rêves. Car plus que l’entraver, son handicap lui a permis au contraire de développer un esprit de combativité. «J’ai pris ma revanche, je fais aujourd’hui un métier manuel qui me plaît et me passionne, qui m’épanouit et me permet de vivre ! » Ainsi heurté de front par cet obstacle, il se sent lâché mais décide néanmoins de s’accrocher pour passer tout de même son CAP: «J’ai donc arrêté de travailler en restaurant, et j’ai passé mon CAP en candidat libre, que j’ai obtenu haut la main, et en

2011, j’ai créé ma propre société de chef. » Il commence ainsi à cuisiner à domicile pour quelques clients tout en cumulant en parallèle d’autres boulots pour subvenir à ses besoins. Jusqu’en 2019 où il décide alors de se consacrer à la cuisine à temps plein. « Je me suis donné un coup de pied aux fesses pour me donner les moyens de faire pleinement ce que j’aimais. J’ai passé ainsi avec succès mon brevet professionnel, j’ai obtenu par la suite une certification en sommelier caviste, et suivi une formation niveau bac +3 en gestion des PME. »

L’ART DE MAGNIFIER LES PRODUITS

Il crée par la suite son entreprise de fabrication de cookies, La Cookyteria, qui propose une carte de cookies gourmands, sucrés et salés sur Ajaccio et les alentours. Peu à peu, son travail, son acharnement et la créativité sans limite qu’il met dans sa cuisine, vont payer. Il se fait connaître et développe son réseau grâce au bouche-à-oreille. Ainsi à la tête de deux entreprises, ses activités de chefs à domicile et de créateurs de cookies se complètent et lui permettent de travailler toute l’année. Sollicité en direct ou au par le biais de diverses conciergeries, il réalise des prestations culinaires pour ses clients, à qui il propose une cuisine gourmande et gastronomique avec des recettes uniques et savoureuses, créées sur mesure selon leur personnalité et leurs goûts. Qu’il adapte aussi, fort de sa propre expérience, aux problématiques éventuelles de chacun sans jamais rien sacrifier à la saveur. Le chef s’attache à mettre en valeur les produits de qualité que lui fournissent les producteurs et maraîchers auprès desquels il se fournit, mais aussi à faire faire des découvertes à ceux qui font appel à lui, voire les réconcilier avec certains goûts ou certains ingrédients. Une cuisine inventive, marquée par le terroir corse et teintée d’une influence japonisante qui forge son identité culinaire. « J’aime emmener mes clients vers une ouverture gastronomique, vers d’autres continents, d’autres ingrédients, et surtout leur faire redécouvrir des goûts qu’ils pensaient ne pas aimer, pour mieux les surprendre. »

UNE PASSION QU’IL AIME FAIRE PARTAGER

Toujours inspiré par la figure paternelle, sa cuisine s’inscrit dans une démarche de simplicité tout à la fois sophistiquée, avec pour modèle quelques grands chefs tels que Glenn Viel qu’il admire profondément, mais aussi Romain Meder et Alain Passard pour leur façon d’aborder le produit, ou encore Yannick Alleno pour sa précision et sa vision. Le chef se déplace ainsi à domicile pour assurer chez ses clients une prestation complète, allant de la préparation au dressage. «J’essaie d’imposer une dynamique conviviale de partage et de sympathie. » Un métier qui l’a conduit à faire de belles rencontres, tant avec des clients anonymes que célèbres, ponctuels ou réguliers, dont certains sont devenus des amis. Il peut ainsi se vanter d’avoir réjoui les papilles de personnalités telles que Baptiste Giabiconi, du chanteur Slimane, ou encore du journaliste et critique gastronomique François- Régis Gaudry, pour ne citer qu’eux. Passionné par son métier, il aime aussi le faire partager par le biais de chroniques culinaires qu’il propose occasionnellement sur France3 Corse ViaStella, ou dans notre mensuel Paroles de Corse, et fait également du show cooking lors de diverses manifestations gastronomiques telles que le Salon du Chocolat, ou comme en août dernier, une soirée accord mets/ vins avec Florent Martin, Meilleur sommelier de France et Meilleur Ouvrier de France. Rêvant de faire toujours mieux, le chef aimerait bien un jour participer à une émission culinaire telle que Top Chef ou Master Chef, histoire de tester son talent en se confrontant à ses pairs. Mais plus que tout, il rêverait d’être un jour à la tête de son propre restaurant. Un rêve pour l’heure difficile à réaliser, faute de financement malaisé à trouver en raison de son diabète. Mais il est à parier que son engouement et ténacité sauront l’aider à vaincre un jour ce nouvel obstacle ! Une affaire à suivre…

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