Fédération du BTP de Corse-du-Sud

Un avenir cimenté d’inquiétudes

L’année qui s’annonce mettra la construction en berne. Tel est le constat de Jean-François Luciani. Le président de la Fédération de Corse-du-Sud du bâtiment et des travaux publics indique causes factuelles et structurelles qui mettent une corporation dans d’intenses difficultés.

L’année qui s’achève a épuisé le carnet de commandes. Elle permit globalement à la fédération de se maintenir à flots. Même si ce ne fut pas un bilan à marquer d’une pierre blanche. Et après ? Le choc risque d’être particulièrement rude affirme sans ambages Jean-François Luciani. L’assertion loin d’être gratuite, ou puisée dans un défaitisme exagéré, résulte d’une conjonction d’éléments qui nourrissent son analyse. Dans ce droit fil, il énumère notamment le prix exorbitant des matières premières qui se répercute sur les devis. Mais aussi la hausse conséquente des terrains à bâtir en regard de leur rareté. Sans oublier l’envolée des taux de crédits bancaires. Si de telles contraintes sont générales, elles prennent chez nous un relief particulier en regard de l’étroitesse du marché et du climat de violence marqué par des attentats ciblant immeubles ou maisons et des engins de chantier. 

À cet égard sans verser dans le jugement de valeur, Jean-François Luciani rappelle que la corporation a pour seule et unique mission de bâtir. Et d’ajouter que sa tâche exclusive est de mener à bien les commandes qui lui sont passées. Nul choix d’aménagement du territoire ou d’options politiques qui en découlent ne sont de sa compétence. Même s’il ne rechigne pas à affirmer qu’une réflexion globale, qui n’est pas du ressort de la profession, pourrait être initiée. En filigrane s’instaure un sentiment d’injustice quand des entreprises sont prises pour cibles. 

Défis à relever 

Pour l’heure le slogan quand le bâtiment va… n’a plus droit de cité. L’urgence est d’éviter que des dirigeants mettent la clé sous la porte, ajoutant ainsi des pertes d’emplois salariés. Les tribunaux de commerce sont malheureusement un signe patent d’une activité qui s’essouffle. Et comme si cela ne suffisait pas le dérèglement climatique et les périodes de canicule contraignent, ici aussi, le secteur du bâtiment à une vitale adaptation. Nouvelle méthode, organisation du travail à repenser, voilà en corollaire les défis à relever. Parallèlement de nouveaux matériaux vont progressivement supplanter ceux qui sont encore utilisés, à l’image du béton. Là aussi la mutation s’imposera à l’évidence, impliquant formations et pour tout dire de métamorphoser un métier.

Dans ce sombre tableau se dessine pourtant une faible lueur d’espoir avec la rénovation énergétique. Elle pourrait permettre aux entreprises de retrouver, fut-ce en partie, ce qu’elle semble avoir irrémédiablement perdu dans le marché traditionnel. Toutefois ce changement d’orientation réclamera du temps. Le marché est encore à ses balbutiements, et nul doute qu’il ne sera pas avant longtemps un palliatif suffisant pour permettre d’enrayer la spirale négative que subit de plein fouet une corporation. 

Se préparer, anticiper, évoluer, est bien évidemment la doctrine de la Fédération du BTP de Corse-du-Sud qui tente malgré tout de sauvegarder ce qui peut l’être tout en s’ouvrant à une ère nouvelle. Sera-t-elle bénéfique ? Elle veut bien en accepter l’augure tout en sachant que rien n’est moins sûr. 

L’année de tous les dangers 

Des perspectives aléatoires à une réalité prégnante, Jean-François Luciani martèle que le prochain exercice sera à tous égards périlleux. N’ayant nulle prise sur la conjoncture, la fédération l’aborde avec anxiété. Le marché se réduit comme peau de chagrin, tant au niveau public que privé. Au-delà de toute projection et analyse un fait est patent. Il se suffit à lui-même « Pour l’année 2024, nous sommes confrontés à un effondrement des mètres carrés à construire. »

Ce marasme impliquera-t-il des cessations d’activités ? Sans jouer les Cassandre, Jean-François Luciani ne peut, en son for intérieur, pas l’exclure. Miser sur une turbulence limitée dans le temps semble être le seul et unique socle sur lequel se reposer. Mais cela est aléatoire et s’apparente à un crédo que nulle rationalité ne peut conforter. 

Jean-François Luciani, que nul ne peut accuser de catastrophisme, a cette fois un argumentaire qui laisse percer un profond pessimisme. « La profession qui a dans le passé déjà traversé des épisodes difficiles n’en a toutefois jamais connus de cette ampleur. »

Acte de bravoure 

Et d’ajouter en forme de péroraison qu’il aurait cru naguère inimaginable de prononcer « Travailler dans la construction est devenu un acte de bravoure. »

Un propos que reprend sans réticence et en chœur l’ensemble des adhérents de la Fédération du bâtiment et des travaux publics de Corse-du-Sud.

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