En finir avec LE MALAISE TOURISTIQUE

Alors que la Corse accueillait ses derniers touristes lors des vacances de la Toussaint, un certain nombre de reportages sur France 3 Corse ViaStella et une interview de la présidente de l’ATC dans Corse-Matin tentaient de faire le point sur la saison estivale. Il est intéressant de voir ainsi quelles perceptions ont les différents acteurs de la saison écoulée, aussi bien les politiques que les professionnels.

Par Jean-André Miniconi

Ainsi la première question qui se pose chaque année est toute simple. Quel a été le niveau de la fréquentation touristique ? On se souvient de l’intervention de la ministre déléguée au Tourisme, Olivia Grégoire, qui fin août à l’occasion de la présentation du bilan touristique annonçait que la saison avait été excellente tout en soulignant que «Cela n’a pas été parfait dans toutes les régions… notamment chez nos amis corses.» Elle annonçait alors une baisse de 5% dans les traversées maritimes et de 15% dans les hôtels insulaires. Elle essayait même de donner un début d’explication à cette désaffection en mettant en cause, entre autres, les tarifs trop élevés et une communication ayant pu avoir un effet «répulsif» sur les vacanciers. La présidente de l’ATC affirmait en écho que finalement la Corse avait peu ou prou à 30000 passagers près accueilli le même nombre

de personnes qu’en 2022. Concédant toutefois que les professionnels se plaignaient d’une baisse de leurs réservations et donc de leur chiffre d’affaires et de leur trésorerie. Et
c’est là que le bât blesse. Ce n’est pas
parce qu’on a une fréquentation peu
ou prou stable avec des variations, que
le secteur touristique en profite. C’était sûrement vrai avant, où la fréquentation était directement corrélée à l’activité des professionnels du tourisme. Ce n’est plus vrai actuellement, car avec l’explosion de l’économie informelle, la manne touristique est désormais partagée entre l’industrie traditionnelle et les nouveaux entrants n’ayant pas toujours pignon sur rue. Et c’est bien pour cela que les professionnels sont montés au créneau en début de saison.

La stratégie low cost

Il faut bien avouer que le début de saison a été catastrophique en matière de fréquentation, et ce n’est pas une arrière-saison un peu plus importante qui peut compenser le manque à gagner qu’ont subi les acteurs du secteur depuis le mois d’avril. Au passage, et pour être tout à fait honnête, la saison était compromise depuis le début avec le désengagement de certaines compagnies comme Air France et Easy Jet. Pour l’aéroport d’Ajaccio, l’offre de sièges offerts a diminué de 10% (-163 000 sièges) par rapport à 2022. Easy Jet avait baissé sa programmation de 90μ000 sièges, soit 25% de moins qu’en 2022. Pourquoi? Simplement par ce que Easy Jet a eu de meilleures conditions ailleurs. Les compagnies low cost construisent évidemment leur modèle économique sur la maîtrise des coûts mais aussi sur les «incentives» que leur proposent les organismes régionaux (gestionnaire d’aéroports, agence de tourisme,) en charge du développement touristique pour créer et pérenniser des lignes. Dit autrement, il faut payer pour faire venir les low cost. Cette baisse de l’offre a permis aux compagnies d’optimiser leur remplissage avec à la clé une augmentation des billets d’avions, d’où la perception d’une destination chère par des touristes n’étant pas habitués à ce niveau de prix pour une destination hexagonale. Pourquoi est-on passé au travers ? Pour madame Bastiani que l’agence n’a aucune responsabilité dans le déroulement de la saison vu la pauvreté de ses moyens d’intervention. En revanche, elle a un rôle à jouer dans la planification du secteur touristique qui plus est dans le cadre de la future autonomie. Les remèdes possibles? Élargissement de la saison et développement des marchés étrangers d’une part, régulation d’Airbnbd’autrepart.C’estexactementce que demandent les professionnels depuis des années.

L’équation Airbnb

Le développement des marchés émetteurs comme l’Allemagne ou l’Autriche, qui ont des vacances décalées par rapport aux nôtres, nécessite à la fois une politique de promotion de la destination Corse et la passation de contrats financiers avec des compagnies aptes à desservir ces pays. Pour l’instant, seuls Air Corsica, Volotea et Easy Jet pourraient prêter attention à l’exploitation de ces lignes. Cela veut dire aussi, que le politique doit assumer résolument cette stratégie d’incitation financière auprès des compagnies low cost. La régulation d’Airbnb et de toutes les plateformes de ce type y compris dans d’autres secteurs comme la location de véhicules, est une problématique mondiale. Plusieurs villes ont déjà réglementé plus ou moins sévèrement les locations touristiques depuis quelques années. En Corse, nous sommes à la traîne de manière inexpliquée. Cependant, des communes du Cap Corse ont pris le taureau par les cornes en mettant en place plusieurs mesures contraignantes comme l’enregistrement ou le changement d’usage. Bastia s’y met timidement quand Ajaccio est aux abonnés absents. Que la région prenne la main sur les meublés de tourisme, c’est certainement souhaitable et cela enlèvera la pression aux maires. Cependant, il faut faire vite. On ne peut pas attendre encore 2 ou 3 ans. Il faut que la régulation se fasse dès

l’année prochaine.

Nombrilisme au rencard

Une fois de plus, le constat est fait que l’activité touristique n’est pas organisée. À quand une politique régionale et un plan de développement efficient ? Le monde avance,nousn’avonspaslesmoyensde nous regarder le nombril et de faire passer les intérêts particuliers avant l’intérêt général.

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