Éléonore Pancrazi – La voix du succès

À 29 ans à peine, la jeune mezzo-soprano trace un parcours sans faute. Diplômée de la prestigieuse École Normale de Musique de Paris, la chanteuse qui compte déjà à son actif plusieurs prix prestigieux a reçu cette année le trophée de la révélation lyrique aux Victoires de la Musique Classique dans la catégorie « Artiste Lyrique ». Si la reconnaissance de ses pairs la flatte et la conforte dans ses choix, sa plus belle récompense reste aujourd’hui la reconnaissance du public.

Par Karine Casalta

Née en 1990 à Ajaccio, Éléonore a été bercée depuis l’enfance par la musique classique et les airs d’opéra. Le chemin pour devenir chanteuse lyrique n’était pour autant pas tout tracé. Car depuis Corte où sa famille est installée et où elle a passé ses jeunes années, cette ambition pouvait paraître démesurée. C’était sans compter sur sa force de caractère et le soutien à toute épreuve de sa famille. Fille de mélomanes passionnés par l’art lyrique – à l’origine du Festival des nuits d’été de Corte créé en 2005 dans le jardin de la maison familiale – la jeune mezzo soprano a grandi entre des parents qui ont toujours poussé leurs enfants à s’élever par la culture. C’est ainsi qu’Éléonore, ses deux frères et sa sœur sont très tôt initiés à la musique et à l’opéra.

Le goût du spectacle

Mise au piano et au violon toute jeune sans grand succès, c’est au travers de sa voix que sa fibre artistique va se révéler. Un coup de cœur à l’âge de dix ans va faire naître les prémices de sa vocation pour la scène. La petite fille depuis toujours attirée par la danse et le théâtre, se prend de passion pour La Périchole une opérette d’Offenbach mise en scène par Jérôme Savary qu’elle découvre à la télévision et visionne en boucle en vidéo, allant jusqu’à écrire au metteur en scène pour lui faire part de son rêve de voir ce spectacle en live sur scène. Un rêve bientôt exaucé puisque Jérôme Savary viendra avec sa troupe jouer l’opérette l’année suivante au théâtre de Bastia. Quelques années plus tard, la qualité de sa voix sera soulignée par le baryton Marc Scoffoni avec lequel elle improvise un duo à l’occasion d’un « bœuf » donné lors d’une soirée du Festival des nuits d’été. Ce n’est pourtant qu’à 16 ans qu’elle débutera véritablement ses études de chant. Poussée par sa mère et sa marraine à quitter Corte où elle vit une scolarité difficile et a du mal à trouver sa place parmi des élèves dont beaucoup rejette sa personnalité, elle déménage à Ajaccio pour cultiver son talent. Peu enthousiaste au départ, cette période ajaccienne va, dit-elle, marquer les plus belles années de sa jeunesse, assombrie cependant par le décès de sa marraine à laquelle elle était très attachée. En plus des cours de théâtre, découverts à Corte, qui la passionnent, elle s’inscrit au Conservatoire de musique, danse et théâtre Henri Tomasi. Elle y rencontre la professeure de chant Véronique Giacomoni, qui après l’avoir auditionnée, détecte son potentiel et l’accepte en cours, faisant une exception à la règle de ne prendre que des élèves plus âgés dont la voix est stabilisée. « Dès que j’ai commencé les cours de chant, j’ai su que je voulais en faire mon métier, malgré les mises en garde de mon entourage sur la difficulté du parcours. »

Ardente et déterminée

« Dès que j’ai eu mon baccalauréat, je n’ai ainsi eu qu’une hâte, quitter la Corse et trouver un professeur de chant à Paris. » À son arrivée dans la capitale, si elle est quelque peu dépaysée par la taille et le rythme frénétique de la ville, elle découvre la joie de pouvoir assouvir sa boulimie de spectacles. « J’ai pris des abonnements dans toutes les salles de concerts et vu des opéras presque tous les jours ! » Elle multiplie aussi les cours particuliers pour travailler sa voix et son solfège. Progressant extrêmement vite, elle poursuit par la suite son apprentissage à l’École Normale de Musique de Paris où elle se forme en chant, harmonique et solfège. À peine âgée de 22 ans, elle obtient en 2013 une licence de concertiste à l’unanimité, avec les félicitations du jury. Elle commence aussi véritablement à chanter de manière professionnelle et participe à différentes productions en parallèle de ses études. Initiée à la scène durant le Festival familial à Corte, elle y fait ses premiers pas en 2010, interprétant successivement durant plusieurs années les rôles de Zerlina (Don Giovanni), Berta (Le Barbier de Séville),et Papagena (La Flûte Enchantée). Mais son premier grand rôle sera celui d’Hansel dansHansel et Gretelde Humperdinck, une production de la Péniche Opéra, sous la direction de Takenori Nemoto. Sa prestation lui vaut une très bonne critique dans Le Monde et lui offre alors une véritable opportunité de s’affirmer sur scène. Elle enchaîne ensuite en 2013 avec le rôle titre de Carmen (Bizet) qui l’entraîne au Japon avec le même chef d’orchestre. La même année, elle rejoint le Studio de l’Opéra de Lyon puis intègre bientôt la troupe de la comédie musicale La Belle et la Bêtequi lui assure un an de cachets tout en lui offrant la formidable opportunité de se produire sur la scène du Théâtre Mogador à Paris.

L’épanouissement artistique

Sélectionnée après de multiples auditions pour ses qualités vocales et théâtrales, elle n’en oublie pas moins que sa véritable vocation est l’opéra. En 2014, elle est admise à l’Académie de l’Opéra-Comique de Paris, qui enfant l’a tant fait rêver et dit-elle « m’a donné la chance d’apprendre beaucoup sur le répertoire français ». Son éclectisme artistique et la richesse de son timbre lui permettant d’aborder tous les répertoires, les engagements se succèdent. Mais sa carrière va véritablement s’accélérer après sa rencontre avec son agent Dominique Riber, qui œuvre ardemment pour la mettre en lumière et lui trouve de nombreuses productions en France et à l’étranger. Enchaînant les prix et les succès sa carrière est aujourd’hui bien lancée. Saluée entre autre cette année par le prix de la Révélation Lyrique aux Victoires de la Musique Classique, Éléonore se réjouit de cette récompense décernée en partie grâce au vote d’un public corse qui l’a largement soutenue. Mais elle se satisfait surtout pleinement aujourd’hui du bonheur de pouvoir vivre d’un art qui la passionne en faisant un métier qui l’a tant fait rêver !

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