Edito – Septembre 2015

La campagne des cent jours

Par Jean Poletti

Rencontres sous les châtaigniers, à l’ombre du soleil et des indiscrétions. La politique ne connut nulle trêve estivale. Entre tentatives d’union et esquisses de dissidences, l’ile surfa aussi sur la vague territoriale. Le compte à rebours est engagé. Tout se bouscule. Les postures affichées par certains durant de longs mois fondent comme neige au soleil pour une place d’éligible. Certains, toute honte bue, désavoués par le suffrage universel, font malgré tout le pied de grue pour être acceptés sur une liste. D’autres ruent dans les brancards. Partout ou presque les portes claquent et les affrontements internes se multiplient. Rien ou presque ne transpire vraiment. A écouter les annonces officielles ou les fuites savamment distillées tout baigne. Comme dirait le vendeur de fruits et légumes c’est de saison ! Sauf qu’on peut aussi nager en eaux troubles ou être tenté de croquer la pomme de la discorde.

L’observateur parfois se perd dans ces candidatures multiples et variées. Mais en corollaire il admet sans réticence que le jeu démocratique exclut la sur la couture du pantalon et la sempiternelle allégeance aux princes, barons et caciques. Chez nous plus qu’ailleurs le célèbre adage unis dans la diversité brille au fronton des scrutins. Libéraux, nationalistes et gauche en font aujourd’hui comme hier l’éclatante démonstration. Pourtant cette fois la donne est différente. L’urgence frappe à la porte. Les indicateurs économiques et sociaux sont dramatiques. Pas de panique. A les entendre tous ou presque possèdent les remèdes pour sortir l’ile de sa fâcheuse situation. Les concepts jaillissent, tels les incendies sur l’amadou de l’imagination. Et bien évidemment tous en chœur de clamer qu’il faut impérativement faire gagner son camp. Avec les premières brises de l’automne et la chute des châtaignes les cueilleurs de voix battront la campagne. Qui n’a pas son programme ? En bannissant tout populisme, est-il usurpé d’espérer qu’au-delà des fractures politiques l’intérêt supérieur de la Corse soit sacralisé jusqu’à en devenir doctrine ? Là est sans doute l’attente citoyenne. Celle qui désormais n’écoute que d’une oreille discrète les marchands d’utopie.

L’île, tel un bateau ivre, s’est lamentablement abimée sur les récifs du non développement, ou règnent précarité, chômage et violence. Une jeunesse désemparée pousse en dramatique rituel la porte de pôle-emploi. Se loger est un luxe. La pauvreté devient héréditaire affirma récemment le docteur François Pernin, invité a un conseil municipal d’Ajaccio. Une phrase qui résume le gâchis corse. Tel Janus aux deux visages notre région riche en potentialités secrète la misère. Les fractures sociétales et une chape de pessimisme. Pourquoi ? Voilà l’interrogation cardinale. Celle qui vaut autocritique générale. Sans une telle introspection qui doit remonter loin dans le temps, projets et prospectives ne seront que châteaux bâtis sur des sables mouvants. Aux durées de vie n’excédant pas le temps d’un scrutin.

Cette rentrée sera tout à la fois semblable et différente des précédentes. Puisse-t-elle être aussi marquée du sceau de la responsabilisation des habitants. Face aux difficultés ils doivent dire haut et fort qu’ils ont plus que soupé l’insipide cuisine électorale. Qu’un projet pour la Corse, alliant solidarité et progrès, devient une évidence cruciale. Eux aussi doivent être acteurs de l’essor tant espéré et non victimes expiatoires sur l’autel de la passivité. Ils ont l’impérieux devoir de faire comprendre, à ceux qui aspirent à s’assoir dans des confortables fauteuils d’élus, que le temps du bulletin complaisant est terminé. Notre communauté n’a pas vocation à sombrer, fut-ce pavillon haut ! Voila le message à adresser aux candidats, avec menace de sanction des urnes s’ils n’obtempèrent pas.

La Corse est à la croisée des chemins. Ce terme galvaudé devient cette fois éclatante vérité. Ceux qui s’apprêtent à demander les suffrages en sont ils vraiment conscients ? Osons l’espérer. Une dernière fois. Car si le pire n’est jamais sûr, il devient maintenant envisageable.

Redonner espoir a la majorité silencieuse. Est-ce la mer à boire dans notre petite ile qui coule sous le marasme et croule sous les promesses ? Il reste cent jours pour rendre à la politique ses lettres de noblesse.

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