Edito – avril 2017

Le sondage oublié

Par Jean Poletti

L’actuelle présidentielle est un mauvais scénario aux multiples rebondissements. C’est un peu comme à la Samaritaine, tous les jours il se passe quelque chose ! Triste vision aurait dit l’anthropologue Lévi-Strauss. Les exégètes de tous bords assaillent les plateaux de télévision pour livrer leurs analyses aussitôt démenties par les faits. Dans une bataille interne la droite a sorti les couteaux mais les Brutus au petit pied n’osèrent pas décapiter le César des primaires. Et après une surréaliste guerre des tranchées tous jouèrent le final d’embrassons-nous Folleville. Mélenchon et Hamon, s’ignorant superbement, s’échinent dans une guerre de tranchées, alors qu’ensemble la qualification eut été à portée de bulletin.

La campagne est atone. Au-delà du Pénélopegate et des emplois fantômes, c’est le rendez-vous démocratique et citoyen qui est fictif. Le peuple se fait voler cet instant à cause des écuries d’Augias qui ne furent jamais nettoyées. Sa riposte risque d’être foudroyante. Les deux partis dits de gouvernement tentent de s’accrocher à d’éventuelles bouées de sauvetage après avoir eux-mêmes brûlé leurs vaisseaux.

Un tombereau d’enquêtes noie l’opinion sous des indications, qui fluctuent au gré de la volatilité des personnes interrogées. On se croirait à une course hippique, ou nul ne sait vraiment qui est vraiment outsider et indétrônable favori. Mais il existe un sondage publié en son temps ou la qualité première d’un candidat était l’honnêteté ! Voilà qui a contrario indique la perception du peuple et de ses représentants. L’électeur ne recherche plus chez l’édile sa capacité à gouverner. Le talent ou la doctrine. Mais simplement d’être intègre. Cela n’indique-t-il pas dans l’inconscient collectif qu’un mandat électoral a trop souvent comme corollaire prébendes petits arrangements avec l’argent public. Et en incidence ignorance de l’éthique et de la morale ?

En poussant plus avant l’explication cela ne signifie-t-il pas que le peuple a l’impression diffuse de l’établissement d’une caste Républicaine, une sorte d’entre soi, constituant une aristocratie élective qui n’a que faire des contingences démocratiques et des récriminations du peuple qu’elle jure pourtant de servir.

Voilà sans doute la véritable cassure entre la société civile et ceux qui sont censés la représenter. La fracture s’élargit au gré des révélations. Elle est d’autant plus insupportable que certains profiteurs du système bâtissent leur carrière sur une image de droiture, et de probité.

Le bon sens populaire, dans sa suprême sagesse ne se laisse plus gruger par ces faux guides qui confondent allègrement délinquance en col blanc et mission régalienne. La pratique fut courante durant des lustres disent ceux qui se font prendre les doigts dans le pot de confiture. Piètre excuse. D’autres persistent dans une dénégation aveugle au prétexte qu’ils ne firent rien d’illégal.

La France, toute honte bue, se pare des atours d’une République bananière. La patrie de Droits de l’homme et des lumières atteint dans cette course Elyséenne un point de non-retour.

Plutôt que de pousser des cris d’orfraie sur le danger extrémiste et populiste, mieux vaudrait s’interroger sur les causes qui fondent un tel péril. Une véritable autocritique sociétale s’impose. Nul ne doit plus être témoin passif mais acteur concerné pour redonner au triptyque Liberté, Egalité, Fraternité une nouvelle vigueur.

La Corse, à son modeste niveau doit aussi être partie prenante de ce renouveau. Elle doit en finir avec ces rentiers du scrutin, ces carrières dont la vacuité n’a d’égale que la longévité. A pulitichella montre chez nous aussi ses limites. Elle craquelle, laissant apparaitre une nouvelle génération qui transcende les clivages.

Il aura suffi de dix minutes à Alain Juppé pour poser un diagnostic cruel mais vrai de l’actuelle classe politique. Il est encore temps de s’en inspirer.

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