EDITO – Avril 2015

La grande illusion

Par Jean  Poletti

La  Corse n’en finit plus de s’engoncer dans le marasme. Désormais  le taux de chômage  progresse  deux fois plus vite que la moyenne nationale. Vingt cinq mille demandeurs d’emplois. Voilà le terrible constat ! La litanie des chiffres converge de manière implacable  vers  la paupérisation de la société insulaire.  Trop longtemps sans doute, le discours dominant refusa d’évoquer la réalité. Dans une sorte de déni  d’évidence, les élémentaires doctrines économiques  furent occultées. Dissimulées. Comme on cache la poussière sous le tapis.  Dans une coupable erreur de jugement, on opposa frontalement  essor et  environnement. Tandis que les deniers publics servaient de palliatifs à l’absence de dynamisme.  Ainsi se cristallisa une sorte de libéralisme ne devant son existence  qu’aux transferts budgétaires de l’Etat. Aides multiples et variées dans le secteur privé, emplois publics. Bref nous vivions sous perfusion financière.  En pensant que cette  manne ne se tarirait jamais.

Témoins passifs

La crise  mondiale frappa. Paris devint pingre et rechigna à signer des  chèques. La Corse, qui avait vécu sur ses rentes, se trouva  démunie. Faute d’avoir su imaginer une véritable stratégie de développement.  Les exemples d’une telle impréparation abondent.  A commencer par la sempiternelle interrogation  quel tourisme pour la Corse ? Ou encore le nébuleux  dossier des transports maritimes.  Finalement, une prospective raisonnable renvoyant à des concepts simples, tels l’emploi et le logement, ne fut jamais mise sur un piédestal.  En lieu et place se développèrent des notions antagonistes et paralysant tout progrès.  Ainsi le débat  fit-il longtemps rage entre un intégrisme vert,  prônant un sanctuaire  juridique, et ceux  qui aspirait à bétonner sans limites.  Ces deux forces, mutuellement réfractaires,  alimentèrent  les philippiques ne laissant aucun espace à un projet  qui allie le possible et le souhaitable.  D’autant qu’au sein de la classe politique une telle dualité irréconciliable  fut prétexte a une grande prudence. Pour ne pas dire à botter en touche.

Principe de réalité

Le débat institutionnel, pour important qu’il soit, prit parfois l’aspect d’un palliatif aisé. Evitant à maints égards d’évoquer des sujets sociétaux à l’image du  chômage endémique, l’absence criante de logements et une véritable  stratégie de mieux être  collectif. Toutes les explications du monde, les meilleurs graphiques et savantes  analyses ne pourront  accréditer l’idée  qu’une ile si  riche  en  potentialités soit en panne.  Oui,  la Corse a décroché. Et comme sur le Titanic, alors qu’elle sombre,  l’orchestre continue de jouer.  Et tel de nous parler d’un nouveau statut fiscal,  l’autre d’une adéquation entre l’offre et la demande. Ici l’évocation d’une péréquation entre le micro régions. Là des nécessaires pôles d’excellences. Tout cela est fort prisé dans les derniers salons ou l’on cause. Mais concrètement le citoyen, le petit  entrepreneur, les nouveaux pauvres,  ne décèlent pas l’ombre  d’un début de solution.  Et si le principe de réalité prenait enfin le pas sur une dialectique qui confine à la grande illusion ?

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