Christian Orsucci – Vin/20

En guise de bac à sable, il a eu pour terrain de jeux, des vignes et des cuves et suit, depuis déjà de nombreuses années, le chemin tracé par ses parents. Fils de viticulteurs installés sur la Plaine orientale, Christian Orsucci a su reprendre le flambeau d’une main de maître, soucieux de faire perdurer le patrimoine parental.

Propos recueillis par Anne-Catherine Mendez

Plus qu’un travailleur acharné, c’est aussi un passionné de la terre, dont la vision moderne et éclairée a permis de redorer l’image des terroirs de la côte est de l’île, berceau historique du vin corse.
À la tête de la cave d’Aléria depuis 2013, il a à cœur, avec l’ensemble de ses partenaires coopérateurs, de mettre en avant le savoir-faire des générations précédentes, sans hésiter à imprimer leur patte en s’adaptant aux problématiques de leur époque. Entre tradition et modernité, c’est avant tout l’histoire d’une belle transmission, celle d’une passion commune pour la vigne et son trésor.

La Cave d’Aléria est-elle le 1er producteur de vin en Corse ?

Oui absolument. La Cave d’Aléria commercialise 110 000 hectolitres de vin, 70% en IGP, 30% en AOP produits sur 1 600 ha de vignes. Notre objectif aujourd’hui est de monter en qualité en respectant l’environnement et faire en sorte que, même s’il y a une baisse de production, les viticulteurs s’y retrouvent dans la valorisation de leur produit.

En tant que président de la Cave d’Aléria, comment faites-vous pour valoriser le vin de Corse ?

Nous travaillons en étroite collaboration avec le Comité inter- syndical des vins de Corse. L’idée est de donner l’image la plus noble possible de la viticulture corse. Celle-ci a des atouts très importants malgré son faible bassin de production : nous produisons 350 000 hectolitres annuels alors que la France en produit 50 millions. La Corse bénéficie d’un environnement protégé et les exploitants utilisent très peu de traitements. Nous essayons de rédiger des chartes pour faire progresser l’ensemble des vignobles.

Le vin corse est-il déjà naturellement sain ?
Les bassins de production que sont le bordelais ou ceux de Bourgogne réalisent entre 12 et 18 traitements phytosanitaires par an contre 5 ou 6 en Corse. Avec une telle donne environne- mentale, la prochaine étape pour nous est le transfert des parcelles conventionnelles en bio. La coopérative a engagé le processus en rachetant un domaine doté d’une petite cave spécialisée en vini- fication biologique. Notre objectif est de convaincre un maximum de producteurs de se reconvertir pour que la Corse ait une image très positive en matière environnementale.

Comment vous y prendrez-vous pour accomplir cette reconversion ?

Le passage à une production bio nécessite un accompagnement des viticulteurs membres de la coopérative. Cela ne se fera pas du jour au lendemain. Il faudra un certain temps pour que tout le monde accepte de respecter un cahier des charges plus pointilleux, avec un suivi technique beaucoup plus exigeant. Nous avons recruté deux ingénieurs agronomes au sein de la Cave d’Aléria qui travaillent sur ces thèmes afin que notre structure puisse bientôt afficher des productions respectueuses de l’environnement.

Les viticulteurs adhérents à la Cave d’Aléria ont- ils leur propre marque ou prennent-ils part à l’aventure commune ?

Nous avons une marque phare qui fait notre succès depuis 40 ans: la «Réserve du Président». Elle représente 4,5 millions de bouteilles vendues par an. Pour nous, il s’agit de travailler sur cette marque endémique, l’ADN de la Cave d’Aléria. En parallèle de cette marque, sur d’autres domaines sélectionnés, nous appliquons un autre cahier des charges basé sur la sélection parcellaire : nous demandons au viticulteur de respecter des normes imposées par l’INAO et par notre cahier des charges AOP. Nous concentrons les vins pour obtenir une qualité supérieure. C’est le cas par exemple pour le domaine Pétroni, le domaine Vetricce, et la cuvée « Prestige du Président ».

Pour ses 60 ans, la Cave d’Aléria se lance sur le marché de la bulle. Pour quelle raison ?

Avec quel cépage ? Personnellement, je crois beaucoup au marché de la bulle. Si l’on regarde le marché mondial, il suit une progression constante à deux chiffres. Le Prosecco italien et le Cava espagnol sont en crois- sance permanente. Je pense que la Corse a sa place pour créer un produit intéressant. La Corse s’est construite autour des cépages endémiques que sont le Siacarellu, le Niellucciu et le Vermentinu. Ce dernier propose une certaine typicité, qui nous permet de conserver notre savoir-faire. Je dis souvent on n’est pas les meilleurs, on est différents des autres. C’est cette différence que nous devons cultiver. Nous devons pouvoir trouver la clientèle qui apprécie ces produits pour leur distinction, leur générosité.

Comment s’appelle cette «bulle» typiquement corse ?
Le nouveau cru de la Cave s’appelle ALALIA, le nom de l’ancienne capitale romaine de l’île. Le produit va se démarquer en terme de packaging, en terme d’identité visuelle, il sera certainement la surprise pétillante de l’été insulaire. Même à 60 ans, la Cave d’Aléria ne se lasse pas de surprendre.

 

Les commentaires sont fermés, mais trackbacks Et les pingbacks sont ouverts.