Ça va s’arranger… ou pas !

La guerre n’en finit pas, les prix de l’énergie flambent partout en Europe, des grèves préventives, bloquent le pays et… les populistes progressent. Plus que d’autres, cette rentrée 2022 a un caractère mortifère. Et il faut être sacrément optimiste pour y trouver un motif d’espoir. La vérité, c’est qu’après chaque crise, arrive une période de rebond. La guerre finira par s’arrêter et avec elle, son cortège de dérèglements économiques et de drames sociaux qui les accompagnent. Pour autant, il faudra changer beaucoup de nos pratiques. Et cela ne se résumera pas à plus de sobriété. 

Par Vincent de Bernardi 

François Lenglet, dans son essai Rien ne va, mais… paru récemment chez Plon, estime que nous sommes à la fin d’une grande transition démarrée il y a une quinzaine d’années. Pour lui, nous vivons un moment d’inversion des valeurs sur lesquels le monde occidental s’est construit. Le libéralisme n’a pas tenu ses promesses. Francis Fukuyama l’a d’ailleurs reconnu. La fin de l’histoire n’est pas arrivée. La démocratie libérale n’a pas triomphé partout où elle aurait dû. La thèse de François Lenglet est que nous assistons à une réorganisation totale de l’économie et son pari, c’est que nous sommes à l’aube d’une renaissance. Pour tous ceux qui seraient tentés de broyer du noir, la lecture de cet ouvrage, redonne un peu de baume au cœur et vient contrecarrer la vieille rengaine des déclinologues. D’ailleurs, dans la dernière enquête « fractures françaises » du CEVIPOF, les Français, sans être d’un optimiste échevelé, considèrent à 48% que le déclin du pays n’est pas irréversible, retrouvant quasiment le niveau d’avant Covid. 

Pour François Lenglet, la « pulsion libérale et libertaire » de nos sociétés est en train de céder la place à un besoin de protection. Protections individuelles mais aussi protections collectives. Ce protectionnisme que se chamaillaient la gauche de la gauche comme l’extrême droite, il y a encore peu, revient en force. Pour plusieurs raisons. L’ère de la mondialisation que l’on a dit « heureuse » est bel et bien derrière nous.

Cartes redistribuées 

Cette mondialisation là ne peut plus fonctionner dès lors qu’il n’y a plus de maître pour en fixer les règles du jeu international. Les États-Unis ne sont plus capables de jouer ce rôle. Selon l’auteur, l’oncle Sam ne fait plus peur. Et c’est sans doute ce qui explique en partie l’attitude de Vladimir Poutine résumée dans une interview au Financial Times en juin 2019 à la veille d’un sommet du G20. Le président russe avait déclaré : « l’idée libérale est devenue obsolète. Elle est en conflit avec les intérêts de l’immense majorité de la population », soulignant que les peuples se braquent désormais contre l’immigration, l’ouverture des frontières ou encore le multiculturalisme.

Alors, si les Américains ne sont plus capables de remplir ce rôle, la Chine est-elle sur le point de prendre le relais ? François Lenglet n’y croit pas, parce que dit-il avec une pointe de provocation, « elle risque d’être vieille avant d’être riche ». La croissance s’enrayera à mesure que la démographie déclinera. Le pays perd désormais 7 millions d’actifs par an, ce qui va exercer une contrainte extrêmement forte sur sa capacité de production.

Stratégie du repli 

Le monde s’engage dans une période d’affrontements entre blocs conduisant les entreprises à ne localiser leur production que dans des pays amis, c’est-à-dire de leurs blocs. Ce « friendshoring » commence à s’installer en Europe à mesure que les entreprises se désengagent du marché chinois et craignent de plus en plus que ce qui est arrivé en Russie peut arriver là-bas. Les menaces sur Taïwan inquiètent. S’aventurer en dehors de sa zone de confort géopolitique devient risqué. François Lenglet souligne que tous les investissements ne devront pas se concentrer en Auvergne ou… en Corse, mais tout converge pour que les localisations d’unités de productions reviennent en Europe. 

Naïveté européenne 

Dès lors, il faudra veiller à protéger ces activités et les emplois qui en découleront. Comment ? En en finissant avec la naïveté qui a longtemps été partagée par nombre d’États européens. Encore récemment, le loueur de voitures allemand Sixt a acheté 100 000 véhicules électriques chinois pour ses clients européens ! 

Mais surtout en se dotant d’outils de protections véritablement efficaces, comme la taxe carbone aux frontières, permettant de rétablir des conditions d’une juste concurrence. 

Facile à dire, bien plus difficile à mettre en œuvre dans un espace européen tiraillé par des intérêts divergents et des tensions politiques de plus en plus fortes.

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« Tous les investissements ne devront pas se concentrer en Auvergne ou en Corse, mais tout converge pour que les localisations d’unités de production reviennent en Europe. »

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