Edito – Février 2014

Déni de démocratie

 

Qui l’eût dit  qui l’eût  cru !  André François Miot, comte de Mélito, atteint une renommé posthume inégalée. Il était certes connu dans l’île, mais voilà que son  patronyme  s’affiche régulièrement  dans  l’hémicycle du Palais Bourbon et  devient même sujet  d’autopsie  chez les docteurs Knock du Conseil constitutionnel. Obsolète la pièce de Jules Romain,  malmenés les  fameux ronds de cuir de Courteline. Enfoncé la comédie de boulevard. La réalité dépasse la fiction.   Ceux que l’on nomme immodérément  les neuf sages manièrent, une nouvelle fois, le scalpel pour démembrer l’exonération fiscale liée aux droits de succession. Terminée la spécificité. Place à l’uniformité.  Ces neuf illustres inconnus, parés des  atours de l’infaillibilité, créent une nouvelle fois l’injustice au non de l’égalité.  L’Assemblée Nationale  vote le maintient de la dérogation ? Qu’importe. Le ministre du budget plaide pour la reconduction de l’arrêté ? Foutaise.  Une commission  remet un document expliquant  la problématique de l’indivision et l’absence de titres de propriétés ?  Roupie de Sansonnet.  Dura lex. Sed lex.  Ubu roi !  Eux  sont comme l’adjudant de carrière : Jugulaire, jugulaire. L’imagination n’est pas au pouvoir  dans les coquets salons lambrissés de la Rue Montpensier, ou siègent les gardiens d’un  temple suranné  Nommés  par la grâce et les prérogatives du pouvoir politique, ils se piquent au jeu. Et la Corse une nouvelle fois en fait les frais.  Des parlementaires de l’opposition leur soumettent  le budget de l’Etat dans l’espoir qu’il soit retoqué ?  Aussitôt, les chevaliers blancs, utilisant leurs  prérogatives,  s’autosaisissent de l’ensemble du dispositif fiscal. Ils furètent, scrutent à la loupe, cherchent tels des  chiens de chasse. Et  curieux hasard, ils tombent en arrêt sur la modeste dérogation Miot.  Nemrods embouchez vos cors et  sonnez  l’hallali. Hardis cavaliers pourfendez  ce texte. Jouez hautbois,  résonnez musettes. Dansons la bourrée auvergnate.  N’est-ce pas Michel ?

Là où est la société est le droit professent les éminents  constitutionnalistes.  La représentation  nationale est pourtant déjugée sans autre forme de procès. Comme si les représentants du peuple n’étaient que vassaux insignifiants face aux suzerains,  sans légitimité, qui rendent une justice  s’apparentant au fait du prince. Déni de démocratie ? Les faux chevaliers blancs  rétorqueront  qu’ils ne font que rejeter  tout ce qui ne s’insère pas dans le cadre  strictement normatif. . Dont acte.  Mais rien n’empêche de s’interroger sur les raisons cachées  du zèle déployé au fil des ans pour supprimer un dispositif   voulu par  le premier consul voilà deux cent treize ans.

Et l’observateur  notera en corollaire que ces doctrinaires de circonstance,  si prompts à utiliser la guillotine s’agissant de notre île,  savent aussi se montrer d’une prudence extrême. Ainsi, rendent-ils parfois   des décisions dignes de diplomates aguerris, concernant des  problématiques sociétales.

La Corse demandait clémence et délais,  mesurés à  l’aune de la réalité locale. On lui asséna un veto intangible. Napoléon réveille-toi, ils sont devenus fous !

Jean Poletti

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