Violences faites aux femmes Le noble combat de Donne di Corsica

In Corsica dinò, si sà ch’elle sò currente e viulenze fatte à e donne. Ùn si pò scurdà di e morte di Savannah Torrenti, Joanna Tavera, Julie Douib frà altre giuvanotte è mamme di famiglia. Per ognuna di ste strage, sò stati posti signalamenti è lagnanze ind’è i servizii di gendarmeria. Malgradu què, malgradu u grande Grenellu di u 2019 è l’inseme di e misure messe in opera, ùn cambia a situazione è, tutti l’anni, ferma impurtantissimu u numeru di feminicidii. Per fà cresce l’ascoltu è liberà di più a parolla, per accumpagnà è sustene e vittime ind’e so andature, hè statu inghjennatu, qualchì mese fà, l’associu Donne di Corsica, purtatu da una squadra dinamica è impegnata assai. Laetizia Costantini ne hè a presidente. Volta nant’à u so cumbattu è i so prugetti…

Propos recueillis par Petru Altiani

Laetizia Costantini, comment l’association Donne di Corsica est-elle née ? Et avec quels objectifs ?

Sa création remonte au 20 octobre 2020. J’ai pu initier cette démarche avec Vanina Leoni et Jean-Paul Gianonni à Pietranera. Nous avons pour parrain le comédien Michel Ferracci et pour marraine la chanteuse et présentatrice TV Francine Massiani.

Marie-Hélène Padovani, maire de San-Martino-di-Lota, en est la présidente d’honneur.

L’association a pour but d’établir un lien direct entre les victimes de violences et nous, de manière non-institutionnelle.

Les victimes de violences faites aux femmes induisent des dégâts considérables tant sur le plan physique (blessures, maladies psychosomatiques, maladies dermatologiques, voire même gynécologiques) que sur le plan psychologique (syndrome post-traumatique, dépression, addictions diverses, troubles anxieux généralisés…).

Nous avons pour objectifs de recueillir des témoignages de femmes victimes de violences conjugales, sexuelles et/ou psychologiques, les accompagner physiquement lors de leurs démarches, qu’il s’agisse de dépôts de plainte, de consultations auprès de médecins, assistantes sociales et avocats.

Nous avons à cœur de les aider à se reconstruire et se déculpabiliser, de libérer leur parole et de les soutenir.

L’association a mis en place une hotline, comment ce dispositif fonctionne-t-il et quel premier bilan pouvez-vous dresser quant aux résultats obtenus ?

Cette hotline est disponible tous les jours de 9 heures à 23 heures au 09 50 07 56 71. Un numéro d’urgence est dédié aux professionnels de santé et forces de l’ordre. La hotline est gérée pour le moment par deux personnes. Les appels peuvent être anonymes et restent surtout confidentiels. Tout est consigné dans un registre mis à la disposition de la justice uniquement.

La conversation n’excède pas une heure pour ne pas fatiguer la victime et la conduire vers de la rumination.

Nous recueillons également des appels d’amis, familles ou voisins de victimes.

Nous avons réceptionné à ce jour plus de 120 appels dont 80% proviennent de Haute-Corse. 

En quelques mois d’existence, Donne di Corsica peut déjà compter sur plusieurs partenaires et bénévoles. Un réseau essentiel à votre action ?

L’association compte à ce jour 55 adhérents, 11 membres actifs et 5 chefs de secteurs répartis entre les régions d’Ajaccio, Bastia/Cap Corse, Sud-Corse, Folelli/Moriani et Borgo/Lucciana.

Ces chefs de secteurs centralisent les infos, participent aux réunions d’institutions, et recrutent les adhérents. Sans ce réseau, rien ne serait possible vu l’ampleur du travail.

De plus, nous collaborons avec l’unité de prise en charge des victimes de violencesconjugales de l’hôpital de Bastia en établissant des fiches de liaison. Il est essentiel que certaines des victimes puissent être prises en charge par le service du docteur Hatem Ballé et de son réseau, toujours sous le sceau de la confidentialité.

Le soutien psychologique et la prévention auprès des victimes ou publics sensibles sont également l’une de vos missions fondamentales. Pour y parvenir de quels moyens techniques et humains bénéficiez-vous ?

Pour le soutien psychologique, cela passe notamment par l’écoute, l’orientation vers l’unitéde prise en charge des victimes de violences conjugales, le suivi régulier des victimes, mais aussi par la création d’un groupe de paroles dès septembre.

Nous misons également sur la communication via les réseaux sociaux assurée par 3 community managers sur Facebook, Twitter et Instagram. Nous prêtons bien sûr une attention toute particulière au suivi de l’actualité et des textes de lois. La sensibilisation est aussi pour nous primordiale. D’ailleurs, à partir du mois d’octobre, nous allons débuter des actions de sensibilisation en milieux scolaires et entreprises.

À la lumière des témoignages que vous recevez, comment peut naître une situation de violences conjugales ?

La violence conjugale n’arrive pas du jour au lendemain. Il y a l’empathe, la personne sensible, gentille, ayant souvent d’un besoin affectif énorme peut-être lié à un trouble survenu lors de l’enfance, qui entraînera une dépendance et donc une emprise grandissante du bourreau sur elle. Il y a le bourreau, personne colérique, jaloux, parfois pervers narcissique et autres appellations dites de troubles de la personnalité. 

Il ne supporte pas que la victime soit entourée, ait une vie sociale, il souhaite parfois en faire son jouet sexuel, peu importe qu’elle soit consentante ou pas puisqu’elle est là pour ça, et à la première rébellion, commencera dénigrements, humiliations, puis arrive la gifle et les coups. Il y a souvent deux facteurs aggravants : la dépendance financière de la victime et les enfants, victimes collatérales de cet enfer.

L’union des deux engendrera le cercle infernal de la violence et la destruction de la victime.

Il y a-t-il des spécificités propres à la Corse ?

Ce qui est propre à la Corse, je pense, c’est qu’il y a la honte d’en parler et encore plus de déposer plainte, la culpabilité d’envoyer un homme en prison, la peur d’être vue comme la faiseuse d’histoire, la folle, l’hystérique du village. 

La mort de Julie Douib, le 3 mars 2019 à L’Île-Rousse, a été un électrochoc qui a inspiré des mesures du Grenelle sur les violences conjugales. Avec le recul, comment le manque d’écoute et de prise en compte de la part des institutions policières et judiciaires peut-il, encore aujourd’hui, faire autant défaut ?

Pour répondre aux manquements des institutions quant à la mauvaise prise en charge des victimes avant les Grenelles, je pense que les violences conjugales étaient perçues comme de simples problèmes de couple avec une véritable méconnaissance de ce que cela a engendré, je pense notamment à Julie Douib à qui on sortait à chaque dépôt de plainte : « Encore vous ! »

Quant à la magistrature, elle demande systématiquement des éléments factuels, mais comment justifie-t-on une traque, un dénigrement, une humiliation permanente, un rapport sexuel forcé ?

Votre association a-t-elle un vrai rôle à jouer ?

Notre association est là pour éveiller les consciences des citoyens et des politiques insulaires. Elle souhaite veiller au bon fonctionnement et à l’application des lois existantes et éviter qu’une femme soit négligée, sinon cela représente un échec.

Quels sont vos projets ?

Nos projets consistent notamment à renforcer notre communication web et social média. Nous envisageons d’organiser une formation juridique par nos deux avocats adhérents et une autre par les délégations régionales de l’État. 

Une rencontre est prévue avec la Fondation des Femmes. Nous allons avoir rendez-vous avec maître Janine Bonaggiunta, spécialisée en violences conjugales et droit de la famille.

La mise en place de manifestations diverses en collaboration avec Femmes Solidaires Haute-Corse et l’Association Entraide et Loisirs de Calenzana, et la recherche de sponsors et partenaires financiers, font également partie de nos projets. On ne lâchera aucune femme et on les accompagnera. 

Nous avons déjà beaucoup de travail et nous espérons un jour, en association avec nos partenaires, permettre la création de la Maison de la Femme, un complexe avec des chambres, un avocat, un médecin et divers intervenants comme de l’art-thérapie, par exemple, mais ce n’est pas pour tout de suite.

Savoir + : https://www.facebook.com/donnediacorsica – donnediacorsica@gmail.co

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