Vannina Saget, une voix pour l’égalité au cœur des territoires
Engagée, discrète, mais profondément déterminée, Vannina Saget incarne une vision humaniste et ancrée du service public. Son parcours n’est pas celui des trajectoires linéaires ou des postes attribués par hasard. C’est une ascension patiente, bâtie sur le terrain, au plus près des populations vulnérables, et nourrie d’un engagement sans relâche pour l’égalité entre les femmes et les hommes.
Par Anne-Catherine Mendez
Aujourd’hui, alors qu’elle prend ses nouvelles fonctions comme déléguée du préfet dans les quartiers prioritaires d’Ajaccio et Porto-Vecchio – un poste vacant depuis deux ans –, elle revient sur ses cinq années à la tête de la Direction régionale aux droits des femmes et à l’égalité en Corse, où elle a su créer du lien, faire émerger des dispositifs concrets, et changer la perception de l’égalité sur le territoire.
De Corte aux quartiers populaires : une vocation forgée sur le terrain
Diplômée de l’université de Corte, Vannina Saget se destinait à l’enseignement. Mais c’est au contact des quartiers populaires d’Ajaccio, dans un poste de formatrice en alphabétisation pour adultes, que sa vocation s’éclaire. Travailler auprès de celles et ceux qui vivent à la marge, redonner accès à la langue, aux droits, à la dignité : le service public devient, pour elle, un outil de transformation sociale.
Sa rencontre avec Claudine Filippi, figure de la lutte contre les discriminations, sera décisive. Ensemble, elles poseront les jalons d’initiatives inédites, dont la création du premier centre de ressources pour la lutte contre les discriminations en Corse. Ces années d’engagement local forgeront sa méthode : agir en réseau, miser sur les alliances, refuser le fatalisme.
Entrer dans l’État pour mieux le transformer
Les réformes institutionnelles successives lui ouvrent les portes de l’administration. Concours après concours, elle avance. En 2020, en pleine secousse sociétale post-#MeToo, elle est nommée directrice régionale aux droits des femmes et à l’égalité. Elle arrive à ce poste dans un contexte de forte attente, amplifié par les Grenelles des violences conjugales lancés par le gouvernement.
La Corse accuse alors un retard criant : pas de lieux d’accueil de jour pour les femmes victimes, pas d’unités médico-judiciaires spécialisées, pas d’intervenants sociaux en commissariat ou en gendarmerie. Vannina Saget s’attelle à changer cela. Rapidement. Efficacement. Humainement.
Rassembler pour agir
Sa force ? Savoir créer du lien. Elle met autour de la table forces de l’ordre, magistrats, hôpitaux, travailleurs sociaux, associations, pour bâtir un socle commun : une culture partagée de la lutte contre les violences. Elle impulse des formations à large échelle – plus de 1 000 professionnels formés –, favorise la coordination, initie des dispositifs novateurs comme le van itinérant « Égalité » ou l’ouverture d’un centre d’accueil de jour dédiée aux femmes victimes de violences à Ajaccio.
Mais son action ne se limite pas aux violences. Elle porte aussi les sujets de santé, d’émancipation économique, de formation, de visibilité et de représentation des femmes, dans un territoire où les inégalités sont parfois renforcées par l’insularité.
Autonomie, entrepreneuriat et transmission
Convaincue que l’égalité se joue aussi sur le terrain économique, elle développe des partenariats avec Bpifrance, les réseaux de femmes entrepreneures, les chambres consulaires et les collectivités pour encourager les femmes à créer, oser, innover. Elle soutient des programmes d’accompagnement, des concours, des formations, tout en valorisant des femmes référentes locales qui deviennent des ambassadrices de terrain.
Autre combat : l’éducation à l’égalité dès le plus jeune âge. Avec l’Éducation nationale et des intervenants associatifs, elle initie des actions en milieu scolaire, dans les quartiers comme dans les établissements généraux, pour lutter contre les stéréotypes de genre et favoriser une culture de respect et d’équité. Elle n’oublie jamais l’importance des chiffres : « Observer, genrer les données, c’est voir pour mieux agir. »
Les quartiers comme nouveau champ d’action
Aujourd’hui, Vannina Saget revient sur le terrain, dans un nouveau rôle : déléguée du préfet en charge des quartiers prioritaires de la politique de la ville à Ajaccio et Porto-Vecchio. Une fonction qui résonne avec ses premières années, mais avec une responsabilité élargie : coordonner les actions de l’État et des collectivités dans des quartiers confrontés à la précarité, au décrochage scolaire, aux difficultés d’accès aux soins ou à l’emploi.
Elle compte y croiser les enjeux sociaux, environnementaux, économiques et d’égalité, avec une conviction forte : ces quartiers ne doivent plus être vus comme des zones à part, mais comme des territoires à part entière, contributeurs de l’avenir de la Corse.
Une reconnaissance pour un engagement sans relâche
En 2022, la ministre Marlène Schiappa la décore, reconnaissant la force de son engagement et son rôle dans la transformation du territoire. Une distinction qui n’altère en rien sa modestie : « Ce qui m’anime, c’est la justice sociale. Tant qu’on avance, même à petits pas, on est à notre place. »
Sa devise ? « Ce qui ne tue pas rend plus fort. » Une phrase qu’elle reformule à sa manière : « Ce qui affaiblit ne me met pas à terre. » Car rien ne semble pouvoir détourner Vannina Saget de sa mission : avec constance et conviction, elle transforme l’égalité en action, et les promesses en progrès tangibles.
Égalité hommes-femmes, les chiffres clés :
En 2020, 176 631 femmes vivent en Corse, soit 51% de la population de l’île.
Les femmes ont une espérance de vie à la naissance plus importante que les hommes et même la plus élevée des régions de France en 2020.
Dès la scolarité des différences apparaissent, notamment au travers des choix d’orientation et de spécialisation au lycée. Les femmes sont plus nombreuses à poursuivre des études supérieures et sont globalement plus diplômées que les hommes.
Au-delà de l’école, la pratique sportive au sein des clubs fait également apparaître des distinctions. Les femmes ne représentant qu’un tiers des licenciés des fédérations corses et le choix des activités est marqué par le genre des pratiquants.
Au niveau de l’emploi, les femmes sont moins souvent en activité et enregistrent des périodes de chômage plus importantes. Quand elles travaillent, elles sont plus couramment à temps partiel. À temps de travail égal, leurs salaires sont toujours inférieurs à celui des hommes de l’ordre de 12%. Cela s’explique notamment par des métiers occupés par des femmes moins rémunérateurs. Elles exercent dans les services et le commerce et sont moins souvent sur des postes de cadre.
Au niveau des structures familiales les inégalités demeurent, les femmes sont plus fréquemment à la tête d’une famille monoparentale que leurs homologues masculins. Or, ce sont des familles plus fragilisées notamment face à la pauvreté.
Enfin, dans l’accession aux responsabilités de la vie publique la parité n’est pas encore atteinte : seule 1 maire sur 10 est une femme.
En Corse, 68% des femmes de 15 à 64 ans sont en activité pour 77% des hommes.
En 2021, les femmes perçoivent 24 000€ de salaire net annuel moyen pour un équivalent temps plein soit 3 300€ de moins que les hommes. Cet écart reflète pour partie une répartition genrée des professions, les hommes occupant les postes les plus rémunérateurs.
En 2021, la moitié de la population insulaire vit avec moins de 22 390€, en deçà de la médiane nationale (23 080€). Avec 18% de sa population vivant sous le seuil de pauvreté, la Corse est la région la plus pauvre de France métropolitaine.
L’exposition des femmes à la pauvreté varie selon leur configuration familiale. Les familles monoparentales sont les plus confrontées à la pauvreté, or 71% d’entre elles ont une femme à leur tête. Ainsi, les femmes mono-parents sont 28% à vivre sous le seuil de pauvreté contre 23% des hommes.
En Haute-Corse un habitant sur cinq vit sous le seuil de pauvreté. Les revenus d’activité sont également plus bas, en particulier chez les femmes.
Entre 35 et 49 ans, une femme sur cinq est à la tête d’une famille monoparentale.
La monoparentalité est plus fréquente en Corse qu’en France parmi la population âgée de 15 à 64 ans. Comme au niveau national, elle concerne davantage les femmes. Ainsi, 11% d’entre elles vivent seules avec au moins un enfant, contre 3% des hommes. Entre 35 et 49 ans, 18% des femmes sont à la tête d’une famille
monoparentale, quatre fois plus que les hommes du même âge.
Sources : Insee – Dossier Corse
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