TEMPI: Les visages de la mémoire, une lumière sur le territoire

Par Karine Casalta
Portée par la Communauté de Communes du Sud Corse, cette exposition offre une plongée sensible et profondément humaine dans l’histoire du territoire à travers les regards de ses aînés. Mis en lumière – au sens propre comme au figuré – ces derniers prennent vie dans une série de portraits photographiques signés Philippe Echaroux, artiste de renommée internationale, amoureux de la Corse. Dévoilés à la nuit tombée au travers de projections lumineuses monumentales, ils illuminent les lieux du quotidien et racontent, chacun à leur manière, une histoire, une mémoire, une transmission.
TEMPI. Ce mot simple évoque le temps, les mémoires, les racines. Il résonne comme une onde ancienne et familière, traversant les générations et les histoires partagées.
C’est dans cette veine qu’a été pensée cette exposition « TEMPI » inaugurée le 16 juillet dernier à Porto-Vecchio.
Un parcours artistique et émotionnel au cœur du territoire
Au fil d’une déambulation artistique guidée par les portraits monumentaux de Philippe Echaroux, l’exposition, qui se déploiera tout au long de l’année dans chacune des communes du Sud Corse, nous invite à une approche singulière du territoire.
Dans ce parcours lumineux, les visages projetés s’accompagnent de témoignages qui viennent enrichir l’expérience. Ces récits, recueillis auprès des aînés eux-mêmes et accessibles via un site dédié et de QR codes installés sur les lieux de projection, nous racontent des tranches de vie, des gestes oubliés, des choix de femmes et d’hommes qui ont façonné l’âme de cette terre. Une parole intime et précieuse, loin des clichés, qui éclaire notre présent.
Chaque visage devient alors plus qu’un portrait : un acte de mémoire vivante, un hommage à celles et ceux qui incarnent l’histoire humaine de la région. Les aînés sont ainsi mis à l’honneur, non pas dans une nostalgie figée, mais dans un dialogue lumineux entre générations.
Installé au cœur des lieux de vie : façades, bastions, quais… chaque portrait fait ainsi résonner la mémoire là où elle est née. Plus qu’un décor, le territoire devient dès lors une communauté de souvenirs, de parcours, de luttes et d’amour.
Faire vivre le territoire autrement à travers l’art
Ainsi Bien au-delà d’une simple exposition photographique, TEMPI se révèle un réel projet de valorisation du patrimoine immatériel de tout un territoire. Loin de la recherche d’effets spectaculaires, l’art choisit ici la discrétion lumineuse, la profondeur des regards, la poésie du vrai pour devenir le miroir discret et lumineux de ce que ses acteurs sont collectivement.
A travers la poésie des visages et la puissance de la lumière, TEMPI nous rappelle aussi que l’art peut être une mémoire, une présence, une transmission. Et surtout, qu’il peut faire battre un territoire au rythme de ceux qui l’ont vécu.
Il est À noter que TEMPI fait écho au parcours d’art urbain monumental Muralisimu mené avec Christophe Rioli de Art Five Gallery. L’exposition vient ainsi compléter l’ambition culturelle de la communauté de communes du Sud Corse d’ancrer l’émotion au cœur du paysage pour raconter une même histoire : celle d’un territoire qui se regarde avec fierté et humanité.
À découvrir dès cet été à Porto-Vecchio, Sotta, et Figari puis à partir de la rentrée à Monaccia, Bonifacio, Pianottoli et Lecci.
Derrière les portraits de TEMPI : Philippe Echaroux, un artiste engagé
Né à Marseille dans une famille d’instituteurs, Philippe Echaroux est un street artiste à la renommée grandissante. Profondément humaniste, il met son art et sa notoriété au service de ses convictions au travers de son concept Street Art 2.0. Photographe engagé, il se sert de ses créations pour sensibiliser le public à la protection des populations fragilisées et de l’environnement, inondant de mots et d’images choc les villes et contrées sauvages, d’ici et d’ailleurs. Il a notamment projeté sur les arbres des jardins du Quai Branly des portraits du peuple d’Amazonie, les Paiter-Surui. La mémoire est l’un des sujets auquel l’artiste est sensible.
Un souvenir que vous aimeriez pouvoir projeter sur un mur ?
Pendant mes voyages, j’avais décidé de projeter ma grand-mère, qui n’a jamais voyagé. Je l’ai projetée quasiment partout où je suis allé. Du coup, je dirais que ce souvenir-là, j’ai eu la chance de le projeter. Pour le reste, il y en aurait vraiment trop, je ne saurais pas par où commencer.
Une qualité que vous admirez particulièrement chez les anciens ?
Leur capacité à relativiser. J’ai souvent l’impression qu’ils savent prendre du recul, voir les choses dans une perspective plus large, avec moins d’urgence et plus de sagesse. C’est quelque chose qui m’apaise et que j’essaie d’apprendre.
Un lieu de Sud Corse où vous aimez (ou aimeriez) vous perdre avec votre appareil photo ?
Ayant la chance de passer énormément de temps ici, j’ai déjà pu photographier bon nombre de lieux que j’apprécie. Notamment une partie précise, et un peu cachée, de la plage de Santa Giulia, que je considère comme mon lieu préféré au monde.
Un personnage historique que vous auriez rêvé de photographier ?
J’aurais dit Nelson Mandela, mais devant, il y a quand même Pascal Paoli !
Une lumière qui vous inspire : celle du matin, du soir… ou d’un regard ?
La lumière du soir, c’est certain. J’adore le côté apaisant de cette dernière ; elle permet à notre perception du temps de ralentir, je trouve.
Le compliment qui vous touche toujours ?
« Ça m’a touché » ou « Merci ».
Votre définition toute personnelle du mot « mémoire » ?
À titre personnel, ce sont tout simplement des souvenirs, et également des notions passées qui permettent de comprendre le présent. En tant qu’artiste, c’est autre chose : je dirais que le mot « mémoire » est plus lié à l’envie d’en faire partie, d’inscrire son œuvre dans la mémoire des gens.
Qu’aimeriez-vous qu’on retienne de vos œuvres ?
Pour être sincère, je dirais que ça va un peu au-delà. J’aimerais que mon art pousse les gens à se lancer dans ce qui les anime vraiment. J’ai toujours essayé de montrer, à travers ma carrière, que j’étais une personne lambda… qui essayait. Et à force d’essayer…
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