POUR UNE AUTONOMIE RAISONNÉE

Le vote de l’Assemblée de Corse qui a eu lieu en juillet dernier a adopté une délibération intitulée «Autonomia». Elle s’inscrit dans la continuité des avancées portées par le parti socialiste depuis 1981.

Par Emmanuelle de Gentili

Ces évolutions, faut-il le rappeler, allièrent notamment la suppression de la Cour de sûreté de l’État, l’amnistie des prisonniers politiques. Puis l’adoption des statuts Deferre, Joxe,
Jospin et de la réforme Baylet. Certes imparfaits comme toute construction politique, ils ont doté la CDC de compétences spécifiques, dont toutes les majorités ont usé depuis. Ils s’appuyaient sur un aspect budgétaire avec un PEI de 2 milliards d’€ qui a permis de mener de grands travaux et qui a été remplacé par le PTIC de 500 M€ sur 5 ans. La reconnaissance de la nécessité de remettre à niveau nos infrastructures est désormais acquise.

PRINCIPE DE RÉALITÉ 

L’autonomie est constitutive ou inhérente à la République. C’est reconnu par la délibération demandant que la Corse soit «dotée d’un statut d’autonomie au sein de la République française ». Le contraire serait l’indépendance.Chacun espère, selon un principe de réalité, que l’exercice des responsabilités, les relations apaisées et sans à priori avec l’État, le partage des compétences entre ce qui relèvera de l’autonomie et des fonctions régaliennes montrera notre capacité à gérer un développement capable d’élever le niveau de vie des insulaires. Mais aussi de créer des richesses à partir de nos potentiels, de nos ressources, en s’appuyant sur nos talents pour faire reculer nos dépendances. Enfin cette avancée doit aboutir vers une « autonomie raisonnée » dans des domaines de compétences réglementaires et législatifs. 

LEVER LES INQUIÉTUDES 

Le contenu de la délibération suscite des inquiétudes sur les transferts de compétences, sur les moyens et financement correspondants et sur la visée du projet. 

1.Nul ne saurait ignorer les inquiétudes provoquées par le transfert de compétences en matière :

-De santé, au regard de la situation de la santé publique dans le pays, de son manque de moyens et de son organisation. 

-D’affaires sociales, impliquant allocations chômages, agences de l’emploi avec le lourd formalisme de ces services publics notamment.

– D’enseignement et de formation, avec le risque d’une reconnaissance au rabais de nos diplômes. 

– D’énergie, car le domaine nécessite une très haute compétence inexistante dans l’île et est soumis à une concurrence de puissants groupes privés, prédateurs parfois.

Dans ces domaines, une participation aux rédactions législatives et à leurs applications apparaît plus réaliste et plus opérationnelle, avec une saisine du gouvernement par la CDC avec effets obligatoires. 

2.Les élus de Corse sont conscients de la complexité de l’équation budgétaire dans ce transfert de compétences, à un moment où la ressource publique se raréfie. Les Corses aussi. L’évolution de la DCT est significative. Elle a été constante depuis sa création, sauf pour cet exercice en raison des effets de la guerre en Ukraine sur les prix de l’énergie. Elle est le marqueur d’une opération de débudgétisation (l’État transfère la charge financière d’une compétence sur une autre entité) qui a été réussie pour les finances de l’État et pénalisante pour celles de la CDC. La crainte d’une réforme constitutionnelle si proche qui mène la Corse à des difficultés financières est bien là. Pour y remédier, il conviendrait de mener une étude d’impact, avec sérieuses précautions. Elles émaneraient du Haut Conseil des finances publiques et de la Cour des comptes, pour tempérer le centralisme et la volonté de débudgétisation des administrations centrales et de Bercy dans la négociation budgétaire. 

LES CHEMINS DU FUTUR 

La délibération adressée au gouvernement prévoit que «les Corses seront à nouveau consultés par voie de référendum concernant l’éventuelle évolution du statut d’autonomie vers davantage de dévolution, dans un délai de 15 ans». Ce point a été écarté par le président Macron lors de sa venue le 28 septembre 2023. Rédigé de la sorte, il rappelait le dispositif calédonien dont on sait les difficultés qu’il connaît. Pour autant le président de la République a ouvert des pistes appropriées au développement de l’île. 

Le rapport reconnaît enfin avec sagesse qu’il reste beaucoup à faire, car la fusion des départements et celle des CCI et des CMA n’est pas terminée, et que la CDC n’a pas encore opéré la réalisation de toutes ses compétences. Gardons cette sagesse, avançons sur une autonomie raisonnée dans le cadre de la République et cessons de courir après des futurs chimériques ! 

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