PLAIDOYER POUR UNE CORSE DE L’ENTREPRENARIAT

LE MOIS DERNIER, NOUS AVONS ÉVOQUÉ LA FAIBLESSE DU MARCHÉ DE LA REPRISE D’ENTREPRISE QUI POUR DE NOMBREUX SPÉCIALISTES DEMEURE LE PROBLÈME MAJEUR DE L’ÉCONOMIE CORSE. RAPPELONS POUR MÉMOIRE QU’UN TIERS DES ENTREPRISES SERONT À CÉDER DANS LES DIX PROCHAINES ANNÉES. 

Par Jean Andre Miniconi, président de la CPME-Corsica

Pourquoi la relève se fait-elle tellement attendre ? Au-delà des difficultés économiques, n’assiste-t-on pas à une véritable crise des vocations des métiers de l’entreprenariat ? Pour cette interrogation, il faut tout d’abord s’intéresser à l’étymologie du mot «entreprendre». Celui-ci vient du latin prehendere qui veut dire prendre entre ses mains. Plus tard, au xvie siècle, ce mot sera synonyme de prise de risque. On voit que l’idée sous-jacente est bien celle de prendre, d’avancer, de créer. Ainsi pour l’Insee les principales raisons qui incitent à devenir entrepreneur sont pêle- mêle la volonté d’être indépendant. La possibilité de gérer comme on l’entend son entreprise, de prendre des décisions et d’en voir leurs effets. Le goût d’entreprendre, l’envie de relever de nouveaux défis. À ces considérations s’accroît le souhait de travailler plus pour gagner plus. Généralement, un chef d’entreprise s’investit pleinement dans son projet et travaille plus que la moyenne De plus, sa caution personnelle est toujours requise par la banque chaque fois qu’un prêt est accordé. Au rythme de travail s’ajoute ainsi le risque patrimonial. Nous rentrons là dans le cœur de la théorie financière. Le risque encouru est indissociable de la rémunération espérée. Aussi plus le risque augmente, plus la rémunération devra être importante. C’est pour cela que l’on dit souvent que les entrepreneurs aiment prendre des risques. 

LA PREUVE PAR CINQ 

En contrepoint, quels sont les obstacles à cette vocation? Au rang des principales difficultés on peut évoquer:
– Les problèmes pour rechercher des financements malgré les diverses entités mises en place pour accompagner les jeunes entrepreneurs; 

– Le changement de mode de vie qui résulte de l’augmentation de l’intensité du travail, surtout dans les premières années;
– Un carcan administratif qui est une véritable barrière à l’entreprenariat. Les démarches sont bien souvent fastidieuses aussi bien lors de la création de l’activité que tout au long de la vie de l’entreprise. De manière générale, les rapports avec les différentes administrations se révèlent être compliqués; – La peur du risque, phénomène bien français, qui empêche d’aller de l’avant. D’autant plus que bien souvent, le candidat entrepreneur considèrera que le jeu n’en vaut pas la chandelle au regard du niveau hypothétique de la rémunération et de l’investissement en temps de travail. En Corse, on peut ajouter que ce phénomène est exacerbé par une appétence accrue pour faire carrière dans l’administration. Les salaires en particulier dans les collectivités territoriales sont souvent en moyenne plus élevés que dans le privé et il n’est pas rare d’y voir des revenus bien au-dessus de ce que pourrait gagner un entrepreneur individuel qui plus est sans prise de risque. 

CHANGER DE PARADIGME 

Face à ces postulations comment promouvoir l’entreprenariat? Le plus important est de changer les mentalités. Et pour ce faire, c’est bien l’appareil d’État qui doit montrer l’exemple. La France s’est distinguée par une très forte désindustrialisation à partir des années 1970. C’est le pays européen qui a subi la plus forte baisse. L’industrie ne pèse plus que 13,42% du PIB en 2021 contre 16% en moyenne dans la zone euro. On évoque souvent et à juste titre le coût des salaires et le niveau élevé des impôts à la production comme explications aux délocalisations, mais on pourrait y ajouter aussi, le manque de soutien aux PME/PMI qui produisent sur place contrairement aux multinationales. C’est bien pour cela que l’on a découvert que l’on ne produisait pas de masques en France lors de l’épisode de la Covid ! Le plan France Relance initié en 2020 et le chantier de la transition écologique doivent pouvoir permettre de relancer la machine et de susciter de nouvelles vocations entrepreneuriales. En Corse, la production de l’énergie décarbonée et le retraitement des déchets seront créateurs de richesses dans les prochaines années. C’est un terrain fertile pour la création d’entreprises à condition que l’onarriveàformerunenouvellegénération d’entrepreneurs. C’est là que les filières doivent se mettre en place, de la planification à l’accompagnement des projets en passant par la formation. 

LES CHEMINS DE LA MUTATION
Il n’y a pas de générations spontanées d’entrepreneurs. Les choses doivent s’organiser et se planifier. L’État et les collectivités doivent donner le la. Si l’on doit prendre un exemple, c’est bien celui d’Israël qui ressort. Ce pays surnommé «Start-up Nation» a mené une politique volontariste qui a vu l’éclosion de milliers de startups. Je conseille d’ailleurs à ceux qui sont de passage à Tel Aviv de visiter le musée Shimon-Peres pour la paix et l’innovation. En Corse, le «Yes, we can» doit résonner dans la tête de nos futurs chefs d’entreprise, à condition que nos dirigeants soient persuadés de la nécessité de faire confiance au secteur privé. 

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