Marie-Laurence Cipriani: Sur le pont pour une écologie positive

En octobre dernier, l’Ajaccienne Marie-Laurence Cipriani se lançait dans la traversée de l’océan Atlantique à bord d’un catamaran. Plus de huit mille kilomètres pour relier Port Leucate dans le golfe du Lion à Saint Martin dans les Caraïbes. 

Une expédition motivée par le goût des défis mais surtout par la volonté d’en apprendre toujours plus sur l’océan, poumon bleu de la planète, et son rôle dans la préservation de l’environnement. 

Par Karine Casalta

Cette expédition audacieuse s’intègre en effet pour la jeune femme dans un projet plus global visant à sensibiliser le public au milieu marin et à la biodiversité. L’opportunité de réaliser cette traversée s’est ainsi présentée à elle après deux expéditions en catamaran, effectuées l’été dernier en Méditerranée, pour « One Day in the Mediterranean » (Un jour en Méditerranée), une série d’expéditions initiées avec « Follow Me Production », l’association que Marie-Laurence a cofondée avec le réalisateur Franck Fougère. 

Sensibiliser par la beauté

Mêlant leur fascination partagée pour les richesses de la Méditerranée et le goût de la communication, la série propose des expéditions en Méditerranée, en compagnie d’une équipe d’explorateurs passionnés – plongeurs, scientifiques, photographes et vidéastes –donnant naissance à des contenus vidéos autour d’histoires captivantes afin d’éveiller les consciences et sensibiliser le public à la fragilité des écosystèmes marinsPlus que de la simple production de films documentaires, le parti pris de leur projet est de célébrer la beauté de la nature et plonger les spectateurs dans les merveilles du monde naturel, fort de la devise de Jacques-Yves Cousteau « On protège ce que l’on aime et on aime ce qui nous émerveille. » « One Day in the Mediterranean » est donc né de cette envie de faire découvrir, ou redécouvrir la Méditerranée sous un angle positif, artistique, optimiste… pour donner plus encore envie de l’aimer et de la préserver. »

Un intérêt pour la mer qui n’est pas toujours allé de soi pour la jeune ajaccienne qui a pourtant toujours vécu au plus près de cet élément et que rien n’avait jamais poussé à la navigation. Partie sur le continent faire des études de sciences politiques qu’elle a poursuivies par la suite à l’étranger aux quatre coins du monde, ce n’est qu’en rentrant en Corse en mai dernier que l’envie est venue de redécouvrir cet univers. 

En contact avec Franck Fougère à l’occasion d’une réflexion et d’un travail éventuel à réaliser autour de la COP 28 à Dubaï, c’est le sujet de la Méditerranée qui s’est rapidement imposé à eux : « Au-delà de la COP 28, on a eu l’occasion d’aborder ce sujet avec l’envie de travailler ensemble. Originaires tous deux d’Ajaccio, cela faisait sens de débuter en première ligne par l’origine, la Méditerranée. On aurait eu moins d’intérêt à se lancer ensemble à l’autre bout du monde alors même qu’il y a énormément de choses à faire au départ d’Ajaccio. C’est ainsi que nous avons créé l’association “Follow me production” avec dans la foulée notre projet d’expéditions “One Day in the Mediterranean”. »

La préservation des écosystèmes marins en ligne de mire

Deux expéditions en catamaran ont ainsi vu le jour cet été, pour aller à la rencontre de la diversité et de la beauté des espèces marines présentes en Méditerranée : dans le sanctuaire Pélagos pour la première, zone d’une importance exceptionnelle pour la biodiversité marine, et dans les eaux côtières tout autour de la Corse pour la seconde, à la rencontre de ceux qui vivent et travaillent à sa préservation. Insufflant dans chacune d’elles une dose d’aventure et d’émerveillement, des films documentaires en sont tirés qui seront présentés autour de plusieurs conférences données en janvier à Paris à l’occasion du Salon de la Plongée, partenaire de leur projet.

Des expéditions qui ont aussi donné à Marie-Laurence de croiser la route de Florian Rutsch. Fondateur de Seatreats, il propose des « retraites » en mer afin d’aider chacun à prendre du recul pour se reconnecter avec l’essentiel et trouver en lui ce qui fait sens dans sa vie.

Cette rencontre lui a offert l’opportunité de rejoindre ce dernier pour une traversée de l’Atlantique. Une aventure séduisante pour Marie-Laurence, pour qui, bien plus qu’un défi colossal, cette odyssée maritime représentait là encore un appel à l’exploration et à la découverte de cet océan.

Un défi audacieux

Elle a ainsi embarqué fin octobre dernier sur le catamaran de Florian, au beau nom de Purpose (le but, l’objectif), en compagnie de cinq autres navigatrices plus ou moins expérimentées. Un équipage international très féminin de passionnées, sensibles aux sujets environnementaux, désireuses d’en apprendre plus sur l’océan et de voyager autrement. Un périple qui n’a pas été de tout repos. « Nous sommes partis de Port Leucate, dans le sud-ouest de la France, puis nous avons longé la côte espagnole. Un des moments marquants a été lorsque nous avons dû affronter une première épreuve, les deux tempêtes Ciaran et Domingos qui nous ont obligés à faire escale pour nous mettre à l’abri. » Et d’expliquer en aparté que « sil’Atlantique impressionne, de par sa vaste étendue, la traversée de l’océan est finalement plus calme, avec des alizés qui nous poussent, et les vagues plus espacées que l’on ressent moins, à la différence de la Méditerranée qui est une mer houleuse et changeante ; on en a fait là l’expérience ! On a passé par la suite le détroit de Gibraltar, où là, une deuxième épreuve nous attendait. Une attaque d’orques a causé des dégâts au bateau et nous a contraints à nous arrêter pour faire des réparations dans un petit port, pas vraiment équipé pour accueillir notre catamaran. Ces attaques assez connues restent inexpliquées, et même si on s’y était préparé en tentant d’y parer de différentes manières, cela n’a pas vraiment fonctionné ! Nous avons pu repartir quatre jours plus tard en modifiant notre trajectoire pour tenter de les éviter, en poursuivant notre voyage le long des côtes marocaines. » Poussé par les vents jusqu’aux îles Canaries, le bateau a fait une nouvelle escale pour leur ravitaillement. Une étape stratégique pour permettre à sept personnes de tenir en totale autonomie à des milliers de kilomètres de toute terre habitée ! Des vents peu favorables les ont conduits par la suite à s’arrêter une nouvelle fois au Cap-Vert, avant d’entamer enfin la traversée de l’océan. « Notre dernier arrêt sur terre avant trois semaines de navigation non-stop sans voir de rivage. »

Une inépuisable source de connaissances

Un temps de déconnection totale qu’elle a utilisé pour mettre à plat les apprentissages de ses expéditions passées et mettre à profit de nouveaux thèmes offerts par cette traversée « Cela m’a permis de réfléchir à comment rendre accessible au mieux et au plus grand nombre le contenu de nos expéditions “One Day in Mediterranean”, et préparer la suite des activités de l’association avec des idées de thématiques à développer et d’ateliers à organiser. Avec le projet aussi de montrer, probablement au travers d’un livre à venir, au regard de ma propre expérience d’Ajaccienne qui a toujours vécu près de la mer, combien finalement on ne connaît rien d’elle. Avec tout l’enjeu environnemental que cela représente, notamment en termes de réduction de notre empreinte carboneIl est étonnant de se dire qu’aujourd’hui on a des cartographies de la lune assez claires alors qu’on n’a pas de cartographies des fonds marins ! Il y a encore tant à apprendre ! »

Arrivée à bon port le 11 décembre dernier, la navigatrice a en aussi profité pour découvrir les Antilles et d’autres îles que sa Corse natale, toujours curieuse d’autres cultures et d’autres gens. Tirant de cette expérience une leçon d’humilité, face à la nature et aux éléments, c’est sur terre désormais que Marie-Laurence poursuit son projet de mise en lumière des enjeux environnementaux liés à la mer. Après le Salon de la Plongée à Paris en janvier, un travail de sensibilisation sera mené, notamment auprès des écoles, pour toucher les plus jeunes et embarquer en image via la toile et les réseaux sociaux le plus grand nombre, tout en préparant les prochaines expéditions. Alors… Bon vent ! C’est sans nul doute tout ce que nous pouvons lui souhaiter pour la suite.

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