ET DIEU DAN TOUT ÇA?

Noël ! Les familles se sont réunies, fidèles à la tradition corse et nombre d’entre elles se retrouvent autour de la crèche. Or depuis la mondialisation et les années70, le sacré a tendance à disparaître de la société.

Par Emmanuelle de Gentili

C’est la sécularisation, soit la perte d’influence sociale de la religion chrétienne, sous ses formes historiques (catholique, protestante, anglicane ou orthodoxe) dans nos sociétés européennes. Ce mouvement de déchristianisation s’est effectué de deux manières différentes et parallèles: la sortie de la religion chez les uns et la prise de distance envers les institutions ecclésiales chez les autres. L’Union européenne serait installée dans une sécularisation qui semble irréversible. Mais congédier le sacré s’accompagne du retour du religieux, comme le démontrent l’islam religieux qui évolue en islam politique, parfois en islam radical, et l’essor des églises du réveil (la branche évangélique du protestantisme) portée par une population africaine subsaharienne en Europe. Les uns pensent que la sécularisation est un acquis philosophique issu des Lumières. Les autres avancent que les hommes ont besoin d’une relation à l’invisible qui passe par le religieux. Et d’aucuns rappellent que déjà les stoïciens avaient une vision du monde fondée sur l’invisible: le monde est divin, tout ce qui se produit n’est jamais dû au hasard et le sage qui respecte les lois de la nature coïncide intérieurement avec le divin.

LE RELIGIEUX DEVIENT POLITIQUE
Ceux qui prétendent au «retour du religieux» s’opérant dans une reconfiguration mondiale avancent des faits tangibles. Poutine cultive son orthodoxie, Bolsonaro affichait son évangélisme, Trump soutenu par les presbytériens était appuyé

par les diverses branches actives du protestantisme, et Biden est catholique. Les pays africains sont soumis à l’influence politique de l’islam, des religions du réveil et même du kémitisme d’origine égyptienne. Le Premier ministre indien, Narendra Modi, fait preuve d’un fort activisme nationaliste hindou. En Indonésie s’opposent islamisme majoritaire et christianisme marginal. En Chine prospèrent bouddhisme et taoïsme, placés sous la stricte surveillance de l’État qui les utilise pour occuper le «marché religieux» et les minorités musulmanes sont opprimées (Ouïghours par exemple). Nul besoin de rappeler le conflit israélo-palestinien, qui trouve du carburant dans l’opposition religieuse, alors que s’y jouent des intérêts économiques sous- jacents, la quête des pouvoirs politiques, la forte rivalité entre chiites (Iran) et sunnites (Arabie Saoudite), l’implication indirecte des grandes puissances et l’essor des puissances régionales précitées, sans oublier le Qatar et la Turquie. Dans ces nombreux pays, le religieux est lié au politique, y fait un retour incontestable et s’arroge une place que nul n’imaginerait dans une Europe sécularisée.

CÉCITÉ EUROPÉENNE

Le retour du religieux est donc la règle sur la planète, l’UE étant majoritairement à l’écart de ce

mouvement, hormis au sein des mouvements nationalistes et conservateurs. Le fait de la relation avec l’invisible existe depuis que le monde est monde et chaque contrée l’a adapté à sa géographie et ses modes de vie. La prépondérance du religieux sur la planète, sous-tendu bien souvent par des desseins politiques, trouve son origine en deux éléments constitutifs de notre humanité: permettre aux membres d’une communauté de bien et mieux vivre (progrès social), et transformer le passage sur terre comme une étape vers un stade supérieur (enrichissement spirituel). Les Européens doivent s’en convaincre. Il existe hors de l’UE, un besoin de croyance et une espérance en un salut qu’il serait coupable d’ignorer, alors que notre passé colonial nous porte à croire notre «vérité» comme la «vérité». Et cet «hors de l’Europe» est très majoritaire car il représente 7,5 milliards d’habitants. Chacune des croyances précitées véhicule une cosmologie (lois qui régissent la formation et la continuité de l’univers) qui se retrouve dans des croyances multiséculaires qui conditionnent la manière de vivre au respect de leurs croyances sur la création du monde, son évolution et le rôle des Dieux et des hommes en ce déroulé.

LETTRE AU PÈRE NOËL

Notre petite île à l’échelle de la planète, qui se dit catholique est souvent athée et voit se développer l’islam porté par une immigration de travail et l’arrivée de diverses branches du protestantisme. Tout ce qui est à souhaiter, en cette période où les poilus de la Grande Guerre ont pactisé l’espace d’un soir avec leurs adversaires dans les tranchées, est de retrouver chez chacun, une humanité respectueuse des croyances de l’autre. Cela fera-t-il l’objet d’une prochaine lettre au Père Noël? 

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