L’IMPACT DE LA RÉFORME DES RETRAITES EN CORSE

Le dossier des retraites a un impact fort dans l’île, tant les retraités y sont nombreux : 59 000 pour le régime général (secteur privé) et 15 000 pour les autres régimes (libéraux, artisans, agriculteurs, régimes spéciaux), soit près de 22% de la population. De plus le montant des pensions y est inférieur de 10% à la moyenne nationale qui est de 1 400 €. Cest dire limpact de la réforme, dautant qu’il y a près de 1 500 retraités de plus par an. 

Par Emmanuelle de Gentili 

L’annonce de cette réforme intervient au moment où le Conseil d’orientation des retraites (COR) précise dans son rapport annuel que le système de retraite est excédentaire en 2021, suivi d’une décennie de légers déficits dès 2023. Le COR note contrairement au discours dominant, que les dépenses de retraite sont maîtrisées : elles passeraient de 13,8% à 13,9% du PIB de 2021 à 2027 et à 14,2% en 2032, donc moins de 0,5 point de PIB.

Certes, un déficit reste un déficit et doit être résorbé. Mais il y en a de plus importants. Ainsi le déficit public (administrations d’État, organismes de sécurité sociale et collectivités locales) est de 161 milliards (Mds) pour 1 315 Mds de recettes. Celui des administrations publiques représente 89% du déficit total (143 Mds sur 161).

Les administrations de sécurité sociale (assurance maladie, accidents du travail, prestations familiales et retraites) en représentent 10%, avec un solde positif pour les retraites. 

On comprendra donc que les efforts les plus importants pour diminuer le déficit sont à chercher ailleurs que sur le régime des retraites. Mais cela reviendrait à diminuer les dépenses d’État et/ou à augmenter les impôts et les taxes. Or la France est un des pays où le taux de prélèvement est le plus élevé de l’UE, sans que des résultats tangibles soient perçus, comme le prouve l’état de notre système de santé, de l’enseignement, de la recherche, de l’industrie, de la justice ou de la policepour ne citer que les plus criants.

Les réformes menées jusqu’ici, augmentation des trimestres travaillés, décote ou surcote en fonction de ce nombre, ont permis d’équilibrer globalement le système. Mais la battage médiatique ne permet plus de distinguer l’essentiel de l’accessoire car la bataille à mener est d’équilibrer le système d’État : 612 Mds de dépenses pour 469 de recettes soit 143 Mds de déficit en 2021.

« Dans l’île, le montant des pensions est inférieur de dix pour cent par rapport à la moyenne nationale. » 

Dessins cachés 

Les quatre branches de la sécurité sociale (assurance maladie, accidents du travail, retraites et prestations familiales) qui ont un budget plus élevé, sont bien mieux gérées : 683 Mds de dépenses pour 666 de recettes soit un déficit de 17 Mds.

La réforme a donc d’autres desseins suivant les cadres mêmes de la majorité : équilibrer le système des retraites et dégager des marges de manœuvre pour financer d’autres politiques publiques, sans hausse d’impôts. 

Il n’est cependant pas certain que la réforme permette de disposer de marges financières pour répondre à ces objectifs. Mais elle peut la rendre plus acceptable par l’opinion, d’autant qu’elle serait accompagnée d’une simplification des 42 régimes de retraites, avec des aménagements de certains régimes spéciaux (SNCF, RATP, EDF-GDF), honnis par les conservateurs.

Politiquement la position est simple : comme l’impôt (subvention d’équilibre de l’État, CSG) a contribué au financement du système de retraites et de la protection sociale, un système de retraite excédentaire pourrait financer les politiques publiques.

Impôt temporel 

Cela permettrait aussi d’éviter la question de la répartition de l’effort entre actifs et retraités. Ces derniers, qui soutiennent majoritairement le Président d’après les enquêtes sociologiques, ne devraient pas voir leurs pensions baisser. 

Afin de ne pas tenter d’améliorer le fonctionnement de nos structures (santé, enseignement, recherche, industrie, justice ou police), des ressources complémentaires vont leur être affectées. Or le crédo est de ne pas augmenter les impôts, donc de taxer plus encore les actifs. On dégagera donc des marges de manœuvre sans augmenter les impôts avec la réforme des retraites. Mais en réalité l’effort sera supporté par les actifs qui travailleront plus longtemps. Cela créera un impôt « temporel » supplémentaire sur le travail.

Solidarité en berne 

C’est l’explication de l’urgence affichée à réformer un système sous contrôle, oubliant la pénibilité, la retraite des carrières hachées et des femmes ayant eu des enfants notamment. 

Or une société ne se résume pas à un ensemble de textes qui ne tiendraient pas compte de la solidarité, surtout dans un pays atomisé entre quatre forces (gauche extrême, parti présidentiel, droite extrême et abstentionnistes) et dans une île avec 20% de taux de pauvreté.

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