À droite toute ! 

L’Europe vire à droite. Dans de nombreux pays, les derniers scrutins voient les partis d’extrême droite progresser dans des proportions inédites. 

Par Vincent de Bernardi 

En France, le tableau politique est de plus en plus inquiétant pour les partis jugés aptes à gouverner. C’est ce qui ressort de l’étude menée par le CEVIPOF, Opinion Way et la Fondapol après la séquence électorale du printemps dernier. 

Le vote protestataire est désormais un phénomène majoritaire. Entre le premier tour du 21 avril 2002 et celui du 10 avril 2022 le total des suffrages exprimés en faveur de candidats protestataires à l’élection présidentielle est passé de 29,6% à 55,6%. 

Incontestablement, cette fragilisation du système partisan limite les capacités de gouvernement. L’absence de majorité pour le parti du Président, la marginalisation du PS et des LR et les deux forces populistes antagonistes siégeant aux deux extrémités de l’hémicycle, risquent de ralentir sinon d’empêcher toutes actions réformatrices.

Une lame de fond est bel et bien en train de traverser l’Europe. De la Suède à l’Italie, les populistes d’extrême droite se dédiabolisent à mesure qu’ils progressent.

Le parti d’extrême droite Démocrates de Suède, dirigé par Jimmie Åkesson, a emporté 20,5% des voix lors des législatives début septembre. Encore loin derrière le Parti social-démocrate (30,3% des voix) mais première formation de la coalition de droite désormais aux commandes du pays. En Italie, c’est une coalition de droite, rassemblant les Fratelli d’Italia de Georgia Meloni, la Ligue de Matteo Salvini et Forza Italia de Silvio Berlusconi qui vient de s’imposer. 

L’étude de la Fondapol le montre clairement de France : Marine Le Pen n’est plus une figure de rejet. Seuls 29% de ses électeurs la considèrent comme d’extrême droite et près d’un tiers (31%) estime même qu’elle représente plutôt la droite modérée. Les niveaux d’opinion favorables au RN sont désormais élevés dans toutes les catégories sociales, et non plus seulement au sein des catégories populaires. 

Il reste un frein à lever pour le RN afin d’achever sa normalisation au risque de perdre sa spécificité. C’est sa position à l’égard de l’Europe et de l’euro. En Italie, la présidente des Fratelli d’Italia l’a bien compris. Elle s’est employée à expliquer dans toutes les langues qu’elle ne prônait ni un retour à la lire, ni une sortie de l’Union européenne. Présentant un visage consensuel en dehors pour séduire ses voisins, elle n’a pas renoncé pour autant à ses positions radicales sur l’immigration ni à son ultra conservatisme sociétal. 

Dans bon nombre de pays d’Europe, la colère des électeurs se reporte sur les bulletins des candidats d’extrême droite mais aussi une partie de la droite. L’étude de la Fondapol souligne que « l’évolution du RN dans l’opinion est aussi le fruit du glissement à droite de la société ». 

« Une lame de fond traverse l’Europe. De la Suède à l’Italie, les partis populistes se dédiabolisent à mesure qu’ils progressent. »

Des thèmes comme l’insécurité, les immigrés ou l’islamisme, abandonnés par une partie de la classe politique, rejoignent les préoccupations d’une partie des Français. Résultat : les opinions favorables au RN ne concernent plus seulement les catégories populaires mais toutes les catégories sociales.

Ainsi, la France de 2022 est majoritairement à droite et les Français penchent de plus en plus pour la construction de coalitions de droite. Si l’union des gauches n’a pas su séduire les Français, l’union des droites fait son chemin. 

C’est ce qui fait dire à la Fondapol que Marine Le Pen a gagné la bataille des populistes. Réunissant entre un tiers et la moitié de l’électorat de droite, le Rassemblement national dispose également d’une forte réserve de voix chez les abstentionnistes. 

La question des alliances se pose donc avec acuité. 53% des électeurs du RN veulent une coalition des droites. Mais les Français ne sont pas des Italiens…

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