Les Corsican Business Women, actrices incontournables de l’économie insulaire

L’une crée des cosmétiques, l’autre accompagne les agriculteurs et artisans dans leur communication. En marge de leur activité respective, Brigitte Artily et Marie Maestrali co-président ensemble l’association Corsican Business Women. Une association qui a vu le jour en 2015, née de la volonté de valoriser l’entrepreneuriat insulaire au féminin.Un réseau d’échange de savoir-faire et d’expériences dédié aux femmes cheffes d’entreprise corses, dans lequel ces deux « business women » inspirantes et engagées s’impliquent avec ferveur.

Par Karine Casalta

Exerçant dans des secteurs d’activité différents, elles ont pour point commun la même volonté d’entreprendre qui les a toujours animées. Fortes de leurs parcours respectifs, il leur tient à cœur aujourd’hui de partager leurs expériences, et de soutenir celles qui se lancent. Convaincues aussi du potentiel de développement économique de la Corse.

Un changement de carrière pour Brigitte

Cheffe d’entreprise en milieu rural, Brigitte Artily a accompagné son mari durant 20 ans à travers leur entreprise artisanale d’agro-alimentaire en développant une boyauderie et une charcuterie artisanale. Après que le couple eut pris la décision d’arrêter cette activité, l’idée pour Brigitte de se reconvertir dans un nouveau métier s’est naturellement imposée. Passionnée de nature et de patrimoine, elle décide ainsi en 2007 de se lancer dans la fabrication de cosmétiques à base de plantes endémiques, inspirées de recettes léguées par sa grand-mère maraîchère. Une « industrie » totalement innovante à l’époque, qui s’est depuis largement développée en Corse, dans laquelle elle s’engage sans lâcher au départ l’activité charcuterie qu’elle mène de front durant quelques mois. Sans notions de chimie ni compétences dans ce domaine, elle va se former ainsi durant deux ans sur la compréhension des formulations, des propriétés organiques des plantes aromatiques et médicinales, des produits, des textures, dans le cadre du programme européen Leonardo Da Vinci (éducation et formation tout au long de la vie) lancé en 2013 qui visait à valoriser l’entrepreneuriat au féminin, et favoriser les échanges entre « business women » issues de l’Europe entière. Durant cette période, elle a la chance de rencontrer de nombreuses femmes cheffes d’entreprise qui partagent leur expérience. En Italie, elle fait la connaissance d’une professionnelle dans ce domaine qui accepte de lui prêter son laboratoire. Un appui précieux qui lui permettra de se lancer avec une centaine de formulations dans ses bagages, et de créer les lignes Kyrnella Nature Cosmetics® et Crena Care Cosmetics®.

À partir de là, bénéficiant de relais européens, et touchant du doigt la force de l’entraide avec tout ce que chacune pouvait mutuellement s’apporter, va germer l’idée de créer un réseau insulaire. C’est ainsi que l’association des Corsican Business Women est lancée en 2015.

Aider au mieux les femmes qui entreprennent

L’association réunit aujourd’hui 80 femmes cheffes d’entreprise corses. Car la Corse, avec un maillage économique constitué de nombreuses PME et TPE fortement portées par des femmes, possède son lot d’entrepreneuses. Des femmes créatives et passionnées. Mais des dirigeantes parfois isolées, pour qui il est essentiel de trouver de l’aide et des conseils et pouvoir se former sur des sujets complexes difficiles à maîtriser. D’autant plus que la crise sanitaire n’a pas manqué d’impacter leur activité. « Le réseau permet d’échanger, d’éviter la solitude et de partager son expérience pour trouver des réponses, car nous sommes souvent confrontées aux mêmes problématiques. » Car selon Brigitte, les femmes ne sont pas des cheffes d’entreprise comme les autres. Investies dans la transformation économique, elles ont souvent une vision des choses et des motivations d’entreprendre bien différentes de celles des hommes, plus sensible à la vie et au devenir des générations futures. « En effet, bien souvent, nous n’avons pas les mêmes priorités que les hommes, et nous n’abordons pas les choses de la même façon, avec une tendance à privilégier la qualité de vie. S’ajoute aussi pour beaucoup d’entre nous une charge mentale liée à la pression du quotidien et de la vie de famille. Motivées par un désir d’indépendance et d’épanouissement personnel, nous voulons gagner notre vie et en même temps avoir du temps pour la famille. Il en ressort un management différent, souvent plus à l’écoute, plus pragmatique, et souvent novateur. Et une vision des choses tournée vers le futur, qui nous engage notamment à axer nos entreprises dans une démarche de développement durable, en les portant vers des choix d’excellence et d’écoresponsabilité, et privilégier pour cela les circuits courts ou éthiques. On le constate particulièrement dans les filières agricoles mais pas seulement. Aujourd’hui, les lignes bougent dans ce sens car nous en avons donné l’impulsion ! C’est pour cela que nous avons un rôle sociétal important à jouer. Notre force est d’avoir souvent ce temps d’avance ! »

« Un management porté sur l’humain qui conduit en effet à se soucier de l’avenir et entraîne une volonté de laisser une trace positive, souligne aussi Marie Maestrali, nous collaborons ainsi avec une chargée de mission au niveau de l’ADEME qui permet à nos membres d’être accompagnées pour tout ce qui concerne les questions relatives à la transition écologique, comme la réduction des déchets, ou la valorisation des circuits courts. »

Une collaboration enrichissante pour Marie

Créatrice de la Société U Vinu Sacru, qui accompagne les producteurs du secteur agricole pour développer leur communication, l’utilisation du digital et les produits annexes, Marie a découvert l’association par le biais de Caroline Subra Tarsitano, alors co-présidente. Invitée à postuler pour le Trophée de la jeune entreprise, elle participe à son premier congrès en 2016. « J’étais tout d’abord assez hésitante, ma société avait moins d’un an d’activité, mais Brigitte m’a motivé́e et convaincue de m’y inscrire. J’ai été conquise par l’effervescence qui se dégageait et véritablement surprise par la réelle volonté d’entraide et de soutien qui m’ont été offerts. L’association est réellement porteuse de valeurs positives, sans aucune concurrence malsaine, mais au contraire une émulation bénéfique pour tous ! » Car si l’association n’est pas ouverte aux porteurs de projet et nécessite un minimum de deux ans d’activité pour qu’une cheffe d’entreprise puisse devenir membre, elle met tout en œuvre néanmoins pour leur apporter de l’aide et des conseils propres à faciliter la mise en œuvre et le développement de leur entreprise. « Par la suite, Brigitte m’a rappelée en octobre dernier pour me proposer la co-présidence en remplacement de Caroline qui arrêtait. Le conseil d’administration étant principalement basé à Ajaccio, c’était l’occasion aussi pour l’association d’avoir une représentativité en Haute Corse, où je suis basée, avec l’opportunité de créer des liens de proximité avec les membres de cette région. Il m’a semblé évident d’accepter, motivée par les valeurs portées par l’association et l’envie qu’elles avaient de m’impliquer. J’ai senti chez elles une vraie volonté de coopérer, ouvertes à toutes les idées que je pouvais proposer. Elles me laissaient le champ libre pour développer des choses qui me semblaient pertinentes. J’avais par ailleurs rencontré plusieurs membres en Haute Corse, avec lesquelles nous partagions bon nombre de problématiques, mais qui comme moi avaient moins d’occasion et de temps pour se déplacer aux réunions à Ajaccio, et donc moins d’opportunité de se rencontrer. J’étais donc fortement motivée pour développer ce réseau en Haute Corse. »

Des cheffes d’entreprises inspirantes et engagées

Et de fait, de nombreuses actions se sont renforcées ou ont depuis été engagées. « Nous avons notamment identifié des besoins communs que nous avions, quels que soient nos domaines d’activités, notamment en termes de formation sur des sujets complexes tels que des montages de dossier, des demandes de subvention, des accompagnements en comptabilité, et bien d’autres éléments pratiques, mais aussi en terme de communication ou développement de la visibilité, pour faciliter les mises en relation professionnelles, soutenir des projets ou encore aider à trouver des partenariats… Sans savoir toujours vers qui se tourner. Nous avons ainsi créé en conséquence un calendrier de formation mensuel, dispensé tour à tour par les membres dont c’est le cœur de métier, auquel chacune de nous a accès. De la même façon, venant d’univers différents, nous avons travaillé pour mettre en valeur le profil de chacune, de façon à favoriser le réseautage, dans le bon sens du terme, pour savoir entre nous vers qui se tourner selon la problématique posée, et ainsi mieux s’entraider. Enfin, par la même, nous déclinons un catalogue d’offres inter membre, ou chacune d’entre nous propose un service à l’échelle de ses compétences. Un vrai réseau d’entraide et de solidarité entrepreneuriale ! » Un goût d’entreprendre que les « business women » s’efforcent aussi de transmettre aux jeunes générations, en intervenant régulièrement dans les collèges et lycées. Désireuses de continuer à travailler ensemble, et fortes de cette entraide qu’elles éprouvent au quotidien, l’ambition des Corsican Business Women serait aujourd’hui de parvenir à fédérer sous la bannière du territoire pour être encore plus forte pour affronter des marchés extérieurs. Une labellisation « Corsican » novatrice qui serait une belle victoire pour l’association. 

Enthousiastes, généreuses et motivées, les Corsican Business Women offrent une bien belle vitrine de ce que les femmes cheffes d’entreprises ont à apporter à l’économie insulaire.

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