Edito – février 2018

Le tango corse

Par Jean Poletti

Quelle est la stratégie gouvernementale concernant la Corse ? Un ministre s’exprime, le porte-parole recadre. Tel évoque a bas bruit le transfert des détenus dans l’ile et aussitôt un autre croit opportun de souligner que les prisonniers politiques sont une vue de l’esprit. L’idée d’une éventuelle modification de la loi littoral se glisse dans un propos général de Madame Corse ? L’autorité préfectorale en termes élégants joue au démineur, affirmant   qu’il n’y a rien de vraiment nouveau sous le soleil. Le Palais Lantivy mettant sous le boisseau l’assertion d’une ministre, qui plus est adjointe du patron de la Place Beauvau ? Seuls les béotiens imagineront qu’une telle réplique est fruit d’une improvisation.

Ce clair-obscur généralisé est-il marqué du sceau de la relative méconnaissance d’une situation, au demeurant complexe. Ou reflète-il l’absence d’une véritable doctrine politique concernant la lancinante question corse ?

En schématisant à l’envi, l’interrogation est d’une dualité affligeante. Soit dans les sphères gouvernementales certains improvisent en bannissant tout discernement, sitôt qu’ils sont sollicités par les médias. Ou alors ils sont en service commandé, soufflant le chaud et le froid afin d’enregistrer les réactions de la population insulaire. Et au-delà de leurs représentants.

Mais au-delà de ces chiami e rispondi qui se multiplient dans les allées du pouvoir, une donnée fondamentale demeure. Elle tient en un seul mot : Spécificité. Si Paris l’intègre dans sa réflexion les faits doivent précéder le droit. En saine logique les diverses revendications doivent être non seulement écoutées mais largement entendues. Dans le cas contraire, il convient de dire sans atermoiement que des ajustements sont possibles dans l’ile, mais dans le cadre intangible de l’unité nationale. Dès lors, nul n’infirmera que le débat sera encadré par des préalables ravalant une révolution tranquille en réforme décentralisatrice générale, pouvant être d’actualité dans toutes les régions de France et de Navarre.

Là est la vraie question. Ici se trouve le véritable enjeu. Le reste n’étant qu’arguties dont sont friands les analystes de circonstance et les adeptes de commentaires superficiels. Bref eux qui décèlent la paille en ne voyant pas la poutre et qui se satisfont de la partie visible de l’iceberg.

Sous l’ère Defferre la Corse sortit du droit commun. Elle perdit son originalité avec les grandes lois nationales de décentralisation. D’où un second Statut initié par Pierre Joxe afin qu’elle renoue avec son particularisme. Telle était la démarche intellectuelle et pour tout dite philosophique de François Mitterrand.

Depuis l’eau coula sous les ponts. Le statu-quo, implicite ou affirmé, fut validé dans les urnes. Mais dans les méandres de ce qui ne fut pas un long fleuve tranquille les nationalistes accédèrent récemment aux responsabilités. La donne changea radicalement. Les interlocuteurs insulaires aussi. Dès lors il appartient que depuis la capitale se dessine enfin une stratégie qui dévoile sans ambages le discours et la méthode qu’elle veut appliquer. Jouer franc jeu. Mettre cartes sur table. Faire éventuellement la distinction entre le souhaitable, prôné ici, et ce qui est jugé possible sur les bords de la Seine.

Y a-t-il un pilote dans l’avion ? Oui sans doute. Le commandant de bord c’est Macron. Gilles Siméoni est trop intelligent pour ne pas l’avoir compris. Avec courtoisie mais sans fausse humilité il s’adresse directement au président, jupitérien de surcroit. Un dieu de l’Olympe comme arbitre ? L’affaire se corse !

 

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