Le grand défi énergétique

Le 13 août, nous avons tous reçu un SMS d’EDF nous demandant de restreindre notre consommation d’électricité pour la soirée et le week-end suivant de 18h à 23h. La raison évoquée était la chaleur et la fréquentation de l’île qui avaient provoqué des pics historiques de consommation. Ce rappel nous permet d’aborder un autre sujet important. Il conditionne non seulement le développement économique, mais également la vie courante de la population de l’île : l’énergie. 

Par Jean-André Miniconi, président de la CGPME-Corsica 

D’emblée un constat. La production d’électricité repose sur un trépied composé de la production thermique pour 36%, des énergies renouvelables pour 34% et de l’interconnexion avec l’Italie pour 30% (Source EDF 2020). La production d’énergie renouvelable est assurée aux deux tiers par les installations hydrauliques. Le photovoltaïque représente le tiers restant. Pour être complet, la filière biogaz et éolien ne représente que 1% de la production totale d’électricité. En 2020, la part des énergies renouvelables a énormément augmenté, passant de 30% à 36% du mix énergétique, principalement grâce à une baisse de la consommation due à la crise sanitaire et des apports hydrauliques et solaires importants. L’énergie livrée au réseau a été de 2 211 GWh soit 4,7% de moins qu’en 2019. 

Quelles sont les grandes problématiques de la production énergétique en Corse ? Tout d’abord, la Corse se trouve en zone non interconnectée (ZNI), comme toutes les régions insulaires d’ailleurs. En pratique, cela signifie qu’elle n’est pas reliée au réseau électrique métropolitain continental, et qu’elle ne bénéficie donc pas de la production d’énergie à partir des centrales nucléaires. Comme dans toutes les ZNI, des centrales thermiques ont été construites pour assurer une partie plus ou moins importante de la production d’électricité. La Corse n’y échappe pas avec les centrales de Lucciana au fioul léger (mise en activité en 2014) et du Vazzio qui date de 1982 et dont on ne sait toujours pas quand elle sera remplacée, on parle de 2026, et quel sera le carburant utilisé pour ses moteurs. À cet égard il s’agit d’un scandale. Elle est totalement obsolète et utilise comme carburant du fuel lourd particulièrement nocif. Sur ses huit moteurs, un est définitivement arrêté et un deuxième ne fonctionne que partiellement. Les plans initiaux prévoyaient son remplacement pour 2012. En 2015, à la suite de la loi sur la transition énergétique, la Corse se dotait d’une programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE), document cosigné par le Premier ministre et le ministre de l’Écologie. Ce document prévoyait la mise en service dès 2023 d’un cycle combiné pouvant fonctionner au gaz naturel.

Un plan à l’épreuve des faits

À la problématique de la pollution vient se rajouter celle du coût de la production d’électricité qui est bien plus élevé que sur le continent, jusqu’à deux fois dans certaines ZNI. Ce surcoût est pris en charge pour l’instant, par la fameuse CSPE, afin que le consommateur paye un niveau d’électricité identique à celui de la France continentale.

Autonomie énergétique, baisse de la pollution, maîtrise des coûts, tels sont les défis que la Corse doit relever. La PPE prévoit ainsi les grandes orientations de l’Exécutif territorial en matière d’énergie. Elle a pour objectif de permettre : la sécurité d’approvisionnement en électricité et en carburant, le soutien aux énergies renouvelables et l’amélioration de l’efficacité énergétique. La PPE prévoit l’autonomie énergétique à l’horizon 2050.

Pour ce faire, la PPE sur l’intervalle 2020-2028 prévoit un effort financier sans précédent de 4,5 milliards d’euros afin de réaliser ses objectifs. 2,5 milliards d’euros pour la rénovation des bâtiments, 1,5 milliard d’euros pour les transports (aide à la mobilité électrique) et 500 millions d’euros pour les énergies renouvelables. Au total, 3 800 nouveaux emplois seraient créés.

Le plan est ambitieux, mais est-il réalisable ? Par exemple en 2030, si l’on s’en tient aux ambitions de l’Europe en matière de véhicules électriques, près de 20% des véhicules qui rouleront en Corse seront électriques, à peu près 50 000, pour une consommation annuelle de 100 GWh. Il ne faudrait pas moins de 7 000 points de charges accessibles au public pour alimenter correctement le parc roulant.

Les cinq conditions du succès 

À mon sens, cinq éléments essentiels conditionnent la réussite de ce plan :

– L’implication de l’État et d’EDF-Engie : l’État pour la mise à disposition des financements et des subventions auprès des communes et des EPCI. EDF-Engie car c’est le seul fournisseur de courant en Corse et possède les réseaux et le savoir-faire. Pour l’instant, le traitement du dossier du Vazzio ne plaide pas en leur faveur.

– La mobilisation des services techniques des collectivités afin de faire avancer les dossiers en collaboration avec l’État.

– La mise en place d’un plan de formation adapté pour former aux nouveaux métiers de la PPE. On ne trouve pas de poseurs de bornes électriques ou de panneaux solaires en quantité suffisante. Les chambres de métiers ont un rôle très important à jouer dans ce dispositif.

– La mise en place de financements spécifiques et accessibles pour les entreprises qui ont des projets entrant dans la PPE.

– Favoriser la recherche et le développement dans le domaine des énergies renouvelables. Deux domaines sont à privilégier : les économies d’énergie et les réseaux électriques intelligents (smart grids) permettant d’optimiser la production et la distribution d’électricité.

L’Energia hè un nostru avvene, tenimula à contu. Fort bien. Encore faut-il que tout le monde y compris les principaux acteurs en soient persuadés.

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