L’année de tous les dangers

Une nouvelle année est généralement le moment où les chefs d’entreprises se projettent commercialement, fixent des objectifs et affinent leurs budgets. Généralement l’espoir est la ligne d’horizon. Mais 2021 est une année particulière. Faite de craintes, de doutes, d’incertitudes. Et une logique étatique qui interpelle. 

Par Jean-André Miniconi, président de la CPME-Corsica

C’est une année qui commence comme se termine la précédente. Il n’y a pas de rupture. Nous sommes dans la continuité du Covid-19 et toujours dans la même incertitude. Celle qui ronge à petit feu, celle qui empêche la machine de tourner, celle qui à terme peut mettre durablement en panne l’économie et laisser de graves séquelles sur l’emploi et le tissu social.

Alors, sans conteste, 2021 sera une année importante à l’échelle du monde et bien évidemment pour la Corse aussi. Les propos tenus par les autorités administratives se veulent rassurants, mais on sent bien en toile de fond, l’inquiétude se faire de plus en plus pressante au fur et à mesure que la crise perdure. 

Alors quels seront les grands enjeux de 2021 ? Pour rester pragmatique, il faudra pouvoir résoudre trois problématiques majeures :

– Comment préserver la continuité d’exploitation des entreprises ? La crise dure depuis bientôt un an et la plupart des secteurs ne sont pas près de retrouver les niveaux d’activités de 2019. Dans ce contexte, il est impossible de faire face au remboursement des PGE et des dettes sociales qui gonflent à vue d’œil. Il faut donc prévoir de nouvelles mesures financières prévoyant le report du début de remboursement des PGE ainsi que des exonérations et des étalements de charges sociales. Évidemment, les salariés doivent également être protégés des licenciements par une prise en charge le plus large possible du chômage partiel.

– Comment préserver le public en difficulté qui subit déjà la crise ? Les chiffres en la matière sont mauvais. Les demandes d’inscription au RSA sont en hausse de 18% et le chômage a augmenté plus vite que la moyenne nationale. Il s’élève au 3e trimestre à 9,2% contre 9% pour l’ensemble du territoire. Il faudra trouver des réponses adaptées en matière de prise en charge des allocataires et de formation afin de permettre au public ciblé de se reconvertir.

– Comment préparer la relance ? La réponse à cette question passera obligatoirement par la préparation de la saison touristique à venir en ayant un budget promotionnel ambitieux. La relance globale de l’ensemble de l’activité est d’autant plus primordiale que les secteurs qui ont été jusque-là épargnés vont commencer à souffrir. L’Insee annonce une baisse de 41% des permis de construire. Le secteur de la construction pourrait à son tour être en crise une fois les programmes en cours terminés.

Logique élyséenne

Le plan Salvezza et Relanciu, élaboré en collaboration avec les organisations patronales et les chambres consulaires, voté le 27 novembre dernier à l’unanimité par la Collectivité de Corse a pour vocation de répondre à ces enjeux. Ce plan a été ensuite adressé début décembre au président de la République par le président du Conseil exécutif. En retour, le président de la République répond en substance, dans un courrier daté du 23 décembre, que 1,6 milliard d’aides aux entreprises ont déjà été mobilisées dont « 455 millions excèdent les montants mobilisés sur le plan national par l’État dans les autres régions de France. »

« Qu’en matière de mise en œuvre du plan de relance, la méthode de retenue par le gouvernement pour la Corse ne saurait faire exception à celle adoptée pour les autres régions françaises… »

« Que 50 millions de crédits Relance sont immédiatement mobilisables par le Préfet » et que la Collectivité est invitée à s’associer aux services de l’État afin de construire un plan de relance.

Que le soutien de l’État s’élève au moins à 190 millions d’euros pour 2021 et 2022 auxquels s’ajoutent les crédits déjà programmés en 2020.

Que le préfet a reçu mandat avec la ministre de la Cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales pour établir un cadre de négociation avec la Collectivité de Corse permettant de prendre en compte les spécificités de la Corse.

Déni de spécificités

La réponse est claire, il ne saurait y avoir de dérogation et c’est avec le préfet qu’il faudra négocier, dans un cadre budgétaire contraint et défini financièrement dans la réponse du président de la République. On est loin des 400 millions demandés par la Collectivité de Corse et encore plus loin du plan ambitieux de la Chambre de commerce régionale à 2 milliards d’euros.

Reste à savoir s’il y a une réelle volonté de l’État pour co-construire le plan et si les spécificités économiques seront bien prises en compte. Il faudra éviter l’écueil du saupoudrage et aider en priorité les entreprises qui souffrent le plus et qui maintiennent les emplois. Interdiction de gaspiller de l’argent dans des projets fumeux qu’ils soient publics ou privés !

Le temps presse, l’activité économique n’est pas à son niveau normal, le niveau de réservations de la saison touristique est au plus bas. Il est temps de se mettre au travail efficacement sans considérations partisanes. Les entreprises ont déjà accumulé plus d’un milliard de dettes, soit plus de 10% du PIB. La crise ne peut pas, ne doit pas s’aggraver.

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