L’agriculture corse à la croisée des chemins

Quand l’agritourisme devient levier de survie

À la tête du réseau « Bienvenue à la Ferme – Corse », son président, André Angeletti, plaide pour un développement agricole en phase avec les réalités insulaires. Face aux enjeux d’autonomie alimentaire, de transmission des savoir-faire et de valorisation des productions locales, l’agritourisme s’impose comme une voie prometteuse. Mais son plein essor reste freiné par des obstacles réglementaires et structurels encore trop présents.

Par Anne-Catherine Mendez

Un réseau en pleine croissance

Depuis près de quatre ans, le président du réseau « Bienvenue à la Ferme – Corse » accompagne le développement d’un agritourisme local qui séduit de plus en plus d’agriculteurs. Le réseau, adossé aux Chambres d’agriculture, compte aujourd’hui près de 80 adhérents sur l’île. Tous partagent la même ambition : diversifier leur activité, mieux valoriser leurs productions et créer du lien avec les visiteurs, de plus en plus en quête d’authenticité.

Créer du lien entre producteurs et consommateurs

Derrière l’agritourisme, c’est une philosophie qui se dessine : replacer l’agriculteur au cœur de la relation avec le consommateur. Visites de fermes, vente directe, dégustations, hébergements à la ferme… les activités sont nombreuses et permettent d’ouvrir les portes de l’exploitation pour raconter l’histoire des produits. « Qui mieux que le producteur pour parler de son travail ?, souligne André Angeletti. C’est une manière de redonner du sens à l’acte de consommer. »

Des freins administratifs persistants

Mais l’essor de l’agritourisme se heurte à de nombreux obstacles, notamment administratifs. Le changement de cadre réglementaire, avec le passage aux PLU (Plans Locaux d’Urbanisme), a rendu plus difficile la création de structures d’accueil ou de vente sur les exploitations. « Ce que j’ai pu faire il y a dix ans, je ne pourrais plus le faire aujourd’hui », regrette-t-il. Les règles d’urbanisme ne reconnaissent plus toujours l’agritourisme comme une activité agricole à part entière, compliquant l’installation de nouveaux projets.

Une attente forte des visiteurs

Pourtant, la demande ne faiblit pas. Depuis la crise sanitaire, les visiteurs – touristes comme locaux – recherchent davantage de proximité, de contact humain et de transparence. « Certains organisent tout leur séjour en se basant uniquement sur les adresses du réseau. Ils viennent pour vivre une expérience, pas seulement pour acheter un produit. » Cette fidélité montre qu’il y a là un potentiel à développer, à condition d’en avoir les moyens.

Penser l’agriculture comme outil d’aménagement du territoire

Au-delà des enjeux économiques, le président insiste sur une dimension essentielle : l’agriculture est un levier stratégique pour revitaliser les territoires ruraux. Pour lui, la Corse doit pouvoir penser sa politique agricole à partir de ses propres réalités. Il appelle à une adaptation locale des dispositifs européens et à la création d’une « PAC corse » – une politique agricole pensée pour les besoins du territoire. « Il faut arrêter de plaquer des modèles continentaux sur notre île. Ce qui fonctionne en plaine céréalière n’a rien à voir avec nos montagnes. »

Valoriser les produits, installer les jeunes

Le lien entre agriculture et autonomie alimentaire est également au cœur du discours. Loin d’être des produits « de niche », les productions locales doivent pouvoir nourrir la population, tout en offrant des débouchés économiques viables aux exploitants. Cela suppose aussi un travail de fond sur le foncier. « Les communes et les intercommunalités et la Collectivité de Corse doivent engager des politiques de réserves foncières agricoles. C’est indispensable pour permettre aux jeunes de s’installer et de maintenir les exploitations existantes dans le cadre des successions ou de reprise. »

Une vision optimiste, mais lucide

Malgré les contraintes, le président reste confiant. Il voit dans l’agritourisme un outil puissant de transmission, de pédagogie et de valorisation du territoire. Mais pour qu’il joue pleinement son rôle, encore faut-il lever les verrous administratifs, donner de la visibilité aux producteurs et mieux reconnaître leurs spécificités. « La conclusion est claire : un pays sans agriculture est un pays mort. La Corse a les terres, les savoir-faire, les envies. Reste à lever les blocages. Et à écouter ceux qui vivent, chaque jour, au plus près de la terre. »

Bienvenue à la Ferme – Corse : un visage rural tourné vers l’innovation et l’avenir

En Corse, l’agriculture évolue face à des enjeux complexes : pression foncière, contraintes liées à l’insularité, difficulté pour les jeunes de s’installer durablement… Pour répondre à ces défis, des alternatives émergent, et l’agritourisme s’impose progressivement comme l’une des voies les plus prometteuses. À l’intersection du tourisme rural, de la vente directe et de la transmission des savoir-faire, ce modèle attire de plus en plus d’exploitants. Le réseau « Bienvenue à la Ferme – Corse » (BAF Corse) en est l’un des exemples les plus concrets et structurés.

Un label reconnu, un réseau en plein essor

Créé à l’échelle nationale par les Chambres d’agriculture, « Bienvenue à la Ferme » labellise des exploitations agricoles qui ouvrent leurs portes au public à travers des activités d’accueil, d’hébergement, de restauration ou de vente directe. En Corse, ce label a su trouver un véritable écho, en phase avec la demande croissante pour les circuits courts, l’authenticité et la transparence.

Le réseau BAF Corse regroupe aujourd’hui près de 80 adhérents, répartis sur l’ensemble du territoire insulaire. Ces agriculteurs partagent des valeurs d’accueil, de qualité et de proximité, et s’engagent dans des démarches de diversification qui renforcent leur autonomie économique tout en valorisant le patrimoine agricole et naturel de la région.

Un lien direct entre terroir, tourisme et transmission

Plus qu’un simple label, BAF Corse agit comme un levier de développement local. Il permet aux exploitants de créer des compléments de revenus via la vente directe ou l’accueil touristique, tout en attirant un public toujours plus curieux de découvrir la Corse autrement.

La diversité des activités proposées – gîtes à la ferme, tables fermières, ateliers artisanaux, balades à cheval, animations pédagogiques – favorise une immersion dans la vie rurale et un contact humain authentique. Ce lien direct entre producteurs et visiteurs contribue à la fidélisation de la clientèle, à une meilleure connaissance des pratiques agricoles et à un engagement accru en faveur des produits locaux.

Un modèle durable et créateur de valeur

Choisir un séjour « Bienvenue à la Ferme », c’est aussi opter pour un tourisme respectueux de l’environnement et ancré dans la réalité d’un territoire. C’est séjourner dans un cadre calme, loin du stress urbain, tout en soutenant l’économie locale et l’emploi rural.

Le réseau encourage également des pratiques agricoles durables, respectueuses des ressources naturelles et du patrimoine paysager. Il incarne un modèle hybride, à la fois économique, social et environnemental, capable de répondre aux aspirations contemporaines en matière de consommation et de voyage.

Des freins à lever pour aller plus loin

Mais si l’agritourisme offre de belles perspectives, il suppose aussi des investissements importants. De nombreux agriculteurs rencontrent des difficultés financières pour concrétiser ou développer leurs projets. Qu’il s’agisse de la création d’un hébergement, de l’aménagement d’un espace d’accueil ou du respect des normes en vigueur, les coûts initiaux peuvent être élevés.

Les besoins sont multiples :

  • Modernisation des infrastructures ;
  • Respect des normes de sécurité pour accueillir le public ;
  • Développement de supports de communication pour se faire connaître ;
  • Accompagnement dans la promotion sur des marchés parfois concurrentiels.

Pour maintenir la dynamique engagée, des aides ciblées et un soutien institutionnel renforcé sont indispensables. Il en va non seulement de la viabilité des projets existants, mais aussi de la capacité à attirer de nouveaux agriculteurs vers ce modèle d’avenir.

Un avenir enraciné dans le territoire

« Bienvenue à la Ferme – Corse » témoigne de la vitalité d’un monde agricole qui innove, qui s’ouvre, sans renier ses racines. En rapprochant les habitants, les visiteurs et les agriculteurs, le réseau participe à une revalorisation de la ruralité et à une réappropriation des savoir-faire.

Dans un contexte de transition économique et écologique, l’agritourisme insulaire, porté par BAF Corse, s’impose ainsi comme un trait d’union entre tradition et innovation, entre nature et culture, entre production et transmission.

Chiffres clés – « Bienvenue à la Ferme en Corse »

• 80 exploitations adhérentes au réseau (chiffres 2024)

• Présence sur les deux départements, avec une majorité d’exploitations situées en zone rurale ou de montagne

• +30% de demandes d’adhésion depuis 2020, notamment après la crise sanitaire

• Activités principales : vente directe, hébergement, restauration, visites pédagogiques

• Public visé : touristes, scolaires, habitants locaux, groupes en recherche d’expériences nature

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