La Corse EN FILIGRANE

Par jean Poletti

Dans son interminable conférence de presse le président de la République a énuméré les causes factuelles structurelles et sociétales du pays. Et en leitmotiv revenaient les termes «audace et réarmement» pour qu’émerge le souhaitable renouveau. Certains s’interrogèrent sur l’opportunité de cette grande messe médiatique avant que le novice chef du gouvernement ne prononce son discours de politique générale devant les parlementaires. Était-ce un moyen de signifier que l’Élysée ne laissait pas carte blanche à Matignon? Fallait-il y voir que, remaniement ou pas, l’essentiel du pouvoir exécutif était l’apanage exclusif d’un Macron soucieux de relancer son quinquennat quelque peu enlisé? Aussi revenait incidemment en mémoire la formule d’un Jacques Chirac «un chef c’est fait pour cheffer. » Ou encore à l’adresse de Nicolas Sarkozy « Je commande, il obéit.» Ce dernier n’étant pas en reste d’assertions coupantes n’avait-il pas qualifié son Premier ministre de collaborateur? Doit-on déceler dans cette attitude de l’adepte du en même temps l’adage théorisé par Antonio Gramsci «Il faut tout changer pour que rien ne change?» Trêve de digressions. Brisons les comparaisons pour retenir que si la Corse fut étrangère dans ce rendez-vous avec une pléiade de journalistes, maints des sujets abordés semblaient lui aller comme un gant. Ils paraissaient coller intimement à la réalité que nous vivons au quotidien. La place de l’école pour faire nation, en forme

de boutade précisons qu’il ne s’agissait pas spécifiquement de l’île mais du territoire tout entier. Le maître des horloges évoqua aussi l’enseignement des fondamentaux et l’égalité des chances. La santé, la réouverture des lits, et la lutte contre la désertification médiale. Voilà qui nous interpelle. Autre considération à l’écho favorable du Cap à Bonifacio la précarité et le pouvoir d’achat. Et les travailleurs qui disposent d’un revenu insuffisant pour vivre. Que celui qui affirme que toutes ces considérations ne concernent pas notre communauté lève le doigt! Si les déclarations ne devaient pas se limiter aux bonnes intentions et aux éphémères promesses nul doute que la feuille de route des ministres concernés mettrait la Corse au premier rang des mesures à mettre en œuvre. Sera-ce le cas? Instruits par l’expérience, nombreux sont ceux qui en doutent, tant les paroles sont rapidement emportées par le vent de l’oubli. Sans aller jusqu’à dire en soixante-huitards attardés soyons réalistes demandons l’impossible, il est de notoriété publique que notre île se débat dans des difficultés économiques et sociales qui la clouent au pilori de l’élémentaire bien-être collectif. Il n’est qu’à observer la néfaste spirale de la précarité pour s’en convaincre s’il en est encore besoin. Il est par ailleurs une annonce de Gabriel Attal qui ne tomba pas dans l’oreille d’un sourd. Le jeune premier affirma que trente-trois milliards d’euros seraient dévolus aux hôpitaux. Voilà qui pourrait relancer le dossier de la construction de celui de Bastia, tant l’actuel croule sous les carences et ne peut plus répondre à la demande des patients de tout un département. Des esprits sourcilleux feront remarquer que cette enveloppe n’est nullement une nouveauté car elle fut déjà votée et entérinée en son temps. Il n’empêche cette affirmation, fut-elle réitérée, permettra vraisemblablement à l’élue territoriale Bianca Fazi et l’ensemble des professionnels de la santé de se rappeler au bon souvenir des augustes annonceurs. Dans le même temps pourront les interpeller tous ceux qui chez nous tentent de juguler la plaie du chômage et des fins de mois qui sonnent creux. Cela tombe bien, les récriminations pourront être groupées puisque le ministère de Catherine Vautrin allie la santé et le travail. Gageons que les doléances arriveront bientôt sur le bureau de celle qui voilà deux ans fut pressentie pour être chef du gouvernement par le Président au lendemain de sa réélection. Elle subit le véto de l’omnipotent conseiller Alexis Köhler qui lui préféra Élisabeth Borne. Une petite cuisine fréquemment au menu dans les allées du pouvoir. Au nom de l’intérêt supérieur, cela va de soi. Non ? Sans préjuger des retombées dont nous pourrions bénéficier collectivement, observons qu’il est des non- dits involontairement éloquents. La dialectique macronienne sembla être du sur-mesure en regard des aléas et hiatus que rencontre dans ses spécificités une île entourée d’eau pour reprendre la savoureuse définition d’Emmanuel Arène. Rendons à l’actuel César, qui se dit girondin, ce qui lui appartient. Devant l’Assemblée territoriale, il évoqua une autonomie dans la République. Mais une telle réforme institutionnelle ne doit pas faire l’impasse sur les écueils que rencontrent chaque jour une grande partie de la population. Elle est préoccupée par la dureté de l’existence. Lors de la récente intervention présidentielle s’ancrait l’impression diffuse que la Corse était tout à la fois ignorée et pourtant omniprésente. Qu’importe le flacon, puisque tout ou presque de ce qui fut dit la concerne osons espérer qu’elle ne sera plus écartée des salutaires remèdes. Si elle devait une nouvelle fois faire partie des exclus, notre grand livre comporterait un chapitre supplémentaire, éculé à force d’être vérifié : les promesses n’engagent que ceux qui y croient.

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