Inseme étendard insulaire

Edito

par Jean Poletti

Le concept de solidarité est chez nous outrageusement utilisé. Omniprésent dans la classe politique et la société, il s’apparente à une fausse évidence. Presque à la méthode Coué. Dans une réminiscence de « l’aiutu » d’antan, ce terme aujourd’hui galvaudé relève fréquemment du mirage. De l’effet d’annonce qui donne bonne conscience, sans reposer sur un socle d’airain. Les mutations sociologiques contemporaines affectent, ici aussi, le fameux vivre ensemble. Le nier équivaudrait à figer l’évidence dans un mythe révolu. Et réfuter l’évolution sociétale qui place l’individualisme sur l’autel du quotidien. Ici aussi cette entraide qui valait doctrine s’est dispersée au vent mauvais. Remplacée au gré des circonstances par le trivial chacun pour soi. Du passé faisons table rase ? Nullement, il est fort heureusement des exceptions qui mettent du baume au cœur. Elles ont valeur de repère et invitation à retracer de nouveaux sillons dans le terreau d’antan laissé en jachère. L’association Inseme en est l’éclatante preuve. Au service des enfants malades, elle leur offre, ainsi qu’à leurs proches, ce soutien matériel et moral grâce à une logistique efficiente, qui pallie à maints égards les handicaps de l’insularité. Point de grandiloquence dans ces actions ponctuelles qui rejoignent une philosophie altruiste. L’essentiel pour la présidente Laetitia Cucchi et toute l’équipe tend vers le louable objectif d’entourer les familles frappées par le sort. Hébergements sur le continent, aides financières aux déplacements, sont deux des éléments constitutifs d’une stratégie de grande amplitude. Dévolue notamment à briser cette double peine des petits patients soignés sur le continent. L’association vient de publier un livre qui se veut témoignage. Contributions diverses et rappels campent avec acuité sa noble bataille qui interpelle la conscience collective, se veut en filigrane message d’espoir. Et chemin à défricher dans d’autres domaines. Nul besoin de souligner qu’acheter cet ouvrage permettra d’abonder la trésorerie de la structure et apporter sa pierre à l’édifice d’un combat déjà jonché de lauriers. Cet exemple probant, qui séduit le cœur et touche l’esprit, éclaire les voies du possible dans une Corse morcelée et en quête de repères. Inseme montre selon la formule consacrée que là où il y a une volonté il y a un chemin. Cela implique d’en finir avec les suppliques stériles qui trop souvent sont les vains supplétifs à l’absence d’initiatives. Mettre sous le boisseau l’ukase péremptoire ou les accents de fatalisme, qui se fondent dans le creuset de l’impossibilité. Servant d’alibi à l’immobilisme. Faut-il dire en corollaire qu’être solidaire implique d’en finir avec les querelles de chapelle et les antagonismes superficiels qui fracturent en privilégiant l’accessoire au détriment de l’essentiel ? Pourtant ces travers nourrissent trop souvent notre réalité. Abreuvant les dialectiques au parfum électoraliste. Confondant à l’envi la somme des intérêts particuliers avec une démarche radicalement collective. Celle dont a plus que jamais un pressant besoin une île clouée au pilori d’un désastreux virus. Ce drame qui devrait initier l’union sacrée, met plus que jamais en exergue cette fâcheuse propension aux philippiques et dissensions qui pénalisent depuis trop longtemps une vision commune sur des sujets parfois majeurs. 

Certes des regroupements catégoriels se concrétisent dans la société civile. Mais toutes par essence et définition n’ont pas la même portée et l’envergure que celle qui touche à la santé. Qu’il s’agisse de la revendication pour un Centre hospitalier universitaire ou de l’égalité des soins, la résonance est nul n’en disconvient particulière et d’une acuité inégalée au sein de la population. Aussi, dans ces domaines, lorsque contre vents et marées, surmontant maints obstacles, des bénévoles relèvent et remportent le défi, ils forgent aussi l’idée que l’union fait la force de la réussite. Alors tutti inseme au fronton de la Corse ? 

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