GR20 -Une femme de défis

Par Caroline Ettori

Un peu d’anticipation. Nous sommes à Calenzana le lundi 21 juin 2021. Il est 21 heures et Stéphanie Samper vient tout juste de s’élancer sur la piste du GR20. Son objectif : battre le record insulaire féminin, déjà le sien, établi en 2011 à 50 heures et 52 minutes. Dix ans après, la traileuse a toutes ses chances de relever le défi. Jusqu’à se rapprocher du record national ? Réponse dans quelques heures. En attendant, retour sur le parcours et la préparation de cette véritable force de la nature. 

S’adapter est une seconde nature pour Stéphanie Samper. Au terrain, à la météo, aux contraintes, à la situation sanitaire inévitablement. La sportive a commencé son entraînement il y a maintenant plus d’un an. D’abord pour les trails longs avant que la Covid ne compromette la tenue de certains événements sportifs. Qu’à cela ne tienne. La coureuse, par ailleurs membre du club bastiais I Filanci, reviendra aux sources. Ce sera le GR20 et son record insulaire catégorie féminine. « Encouragée par ma famille, “mon rayon de soleil” et mes amis, j’ai eu envie de repartir sur ce record de près de 51 heures. Dix ans après, c’est symbolique. Je suis plus expérimentée, mieux préparée, je pars pour l’améliorer et éventuellement me rapprocher du record national féminin détenu par la professionnelle Émilie Lecomte depuis 2012 et fixé à 41 heures, 22 minutes. Avec un bon facteur chance, pourquoi pas… »

Une motivation sans faille

La voix est énergique, on imagine le regard déterminé. On ne voit pas trop ce qui pourrait arrêter Stéphanie. « C’est mon père qui m’a fait découvrir la course et l’athlétisme. Puis, j’ai longtemps pratiqué l’équitation avant de descendre de ma monture et de me remettre à courir. La pleine nature s’est alors imposée comme une évidence. La sensation de liberté est aussi grisante qu’apaisante. En montagne, l’air, les odeurs, la Corse, tout est différent. » Un plaisir que la Cortenaise partage volontiers avec sa famille « qui ne monte pas » ou encore avec les résidents de l’Ehpad de Tattone où elle exerce en tant qu’aide médico-psychologique. « Grâce aux photos et aux vidéos, je peux partager mes sorties avec ceux qui ne peuvent pas expérimenter la montagne par eux-mêmes. Quand ils me disent : on a l’impression d’y être, ça me motive d’autant plus. »

De la motivation, il en faut pour rejoindre Calenzana à Conca, soit 170 kilomètres pour 13 400 mètres de dénivelé. « En un an ma préparation physique a évolué. Je peux être seule face à mon écran d’ordinateur, accompagnée en extérieur, avec mon “coach” et ami de longue date qui me conseille sur beaucoup de choses et qui a l’expérience du GR20. Depuis un peu plus d’un mois, j’ai arrêté les entraînements avec dénivelé pour ne faire qu’une séance de montagne par semaine et le reste du temps, je me concentre sur le spécifique, l’endurance, le fractionné et le renforcement à un rythme de 6 jours sur 7. Ce qui compte, ce n’est pas la quantité d’entraînements mais bien sa qualité. C’est elle qui vous apportera la performance. » On veut bien la croire sur parole ! 

L’heure tourne 

Le 21 juin, le chronomètre démarrera à 21 heures et ne s’arrêtera qu’à l’arrivée de Stéphanie Samper dans l’Extrême-Sud. Les temps de récupération n’étant pas déduits, chaque minute compte. La logistique sera décisive. Sur les points route, dans les 15 refuges du parcours, pour ouvrir et fermer la course, c’est une petite armée de 80 personnes qui est mobilisée autour de la sportive. « Le col de Vergio, Vizzavona, Ghisoni, Bocca di Verde et Bavella seront des étapes essentielles où m’attendront un osthéo, ma sœur qui est également mon médecin et des ravitaillements. L’objectif est d’arriver à combiner la gestion de la fatigue, du sommeil, de l’énergie, de l’hydratation. C’est ce qui m’a fait défaut en 2011. Je n’arrivais pas à récupérer, trop heureuse de rester avec le public venu me voir. Là, j’ai prévu des micro-siestes de 5 à 10 minutes et des changements de tenue rapides. L’étape ne devra durer qu’entre 15 et 30 minutes maximum. Les étapes de refuge seront tout aussi brèves. Les gardiens m’attendront avec de la soupe et un tampon pour valider mon carnet de course officiel remis par la Fédération française de la montagne et de l’escalade. Le public sera le bienvenu et tout sera fait pour l’accueillir dans les conditions sanitaires en vigueur, masqué et à bonne distance. »

Hyperactive. 

Celle qui assure en tant que sapeur-pompier volontaire à Corte a également créé l’association I Cascettoni GR20 dont la page Facebook vous permet de ne rien rater de la préparation de Stéphanie. 

Sécurité et mental d’acier 

La sécurité de l’assistance et de Stéphanie seront une priorité. Équipée d’un GPS à la cheville, d’une montre GPS et d’une ceinture contenant une petite gourde d’eau et du baume pour les lèvres, la sportive voyagera léger. « Je ne redoute aucune étape en particulier même si le Cirque de la Solitude est toujours délicat à passer. Cette année, il risque d’y avoir de la neige, il faudra redoubler de vigilance. Ce n’est pas une étape comme les autres. On ne peut s’empêcher d’avoir une pensée pour les sept victimes qui y ont péri en 2015. »

Une chose est sûre : le défi ne sera pas que physique. « Le mental se travaille aussi bien que le corps mais si vous n’êtes pas motivé au départ, c’est compliqué. Je trouve ma motivation dans le défi même. Plus je grimpe, plus j’ai envie d’aller plus haut, plus loin, moins je suis fatiguée. »

Stéphanie Samper voit également dans cet événement l’occasion de réunir les amis de la montagne. « Depuis un an et demi, je reçois beaucoup de coups de fil pour venir courir avec moi, faire un bout de chemin ensemble. Cela me touche vraiment. Je voudrais fédérer tous les clubs, leur dire de venir sur le terrain, bien sûr en respectant les mesures sanitaires. Je serai dans ma bulle, concentrée mais consciente de ma chance et de tous les encouragements qui m’accompagneront. »

Prochain défi pour Stéphanie Samper ? La Terre des Dieux en juillet, toujours sur le GR20 ou pourquoi pas La Réunion et ses trails légendaires comme La Diagonale des Fous ou le Trail de Bourbon. 

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