Fabrice Barlesi Médecin entre deux rives

Œuvrant pour la recherche et les innovations thérapeutiques dans la lutte contre le cancer, le Pr Barlesi est tout aussi investi dans l’approche humaine. Il souhaite mettre en place pour les patients qui résident en Corse, une consultation de proximité pour faciliter leur parcours de soin.

Par Karine Casalta

Professeur de médecine à Aix-Marseille Université, Fabrice Barlesi dirige le service d’Oncologie Multidisciplinaire et Innovations Thérapeutiques ainsi que le Centre d’essais précoces en cancérologie de Marseille, deux services de l’AP-HM qui ont pour objectif de faciliter l’accès des patients à de nouveaux traitements tout en permet- tant d’optimiser et d’accélérer le développement de ces innovations. Également coordonnateur de la plus vaste étude sur les biomarqueurs du cancer publiée en 2016 dans The Lancet, il compte parmi les 150 meilleurs médecins de France dans sa spécialité et fait partie des quelques acteurs majeurs dans le monde de la recherche sur les thérapies innovantes contre le cancer. « Cette maladie fait peur et garde une image très négative malgré de constants progrès thérapeutiques. Un autre progrès est à souligner : la qualité du parcours de soins. Depuis six ans, à l’hôpital Nord, nous avons mis en place une structure qui tente de fluidifier le parcours de chaque patient. Du diagnostic initial au dispositif d’annonce jusqu’au suivi pluridisciplinaire, le malade est guidé vers les différents acteurs et soutenu tout le long.» C’est un accès facilité à ce parcours de soins qu’il souhaiterait aujourd’hui développer ici en Corse. Un projet qui lui tient à cœur. Certes pour des raisons professionnelles, car 15 à 20% des malades qu’il reçoit viennent de Corse. Mais aussi par attachement personnel à l’île où est ancrée une partie de sa famille. «L’idée est de développer toujours plus les soins de proximité pour simplifier la vie des malades, pour lesquels le transport n’est pas forcement facile, avec, quel que soit l’endroit où ils sont pris en charge, sur l’île ou sur le continent, la même qualité et le même environnement de confiance et de sécurité. Avec pour objectif constant de s’assurer que les malades corses ne soient pas pénalisés par l’insularité – et qu’ils n’aient à se déplacer que le temps nécessaire, pour une prise en charge particulière par exemple, impossible en dehors d’un centre spécialisé. Que tout ce qui peut se faire ici se fasse ici. Nous devons pour cela optimiser les conditions d’un décloisonnement des différents services amenés à prendre en charge ces patients, favoriser au mieux les collaborations et les échanges, tant dans le soin que dans la formation ou la recherche médicale, dans le cadre d’un réseau complet formalisé. C’est déjà ce que nous faisons quand nous recevons les malades que ce soit à Marseille, Nice ou Paris.

Préparer l’avenir
Un projet ambitieux qu’il souhaiterait voir s’inscrire dans une politique médicale insulaire à long terme pour arriver à préparer le retour ou l’installation potentielle de médecins spécialisés. « Ce que je souhaiterais c’est, qu’on soit en mesure d’apporter des soins toujours plus performants aux malades d’aujourd’hui, et qu’en même temps, dans le cadre des structures dans lesquelles on pourrait s’intégrer et s’impliquer, aider à construire un environnement favorable, un terreau, pour que des jeunes qui aujourd’hui ont 20 ou 25 ans et sont en train de se former, aient envie de (re)venir s’installer. Après un parcours d’études exigeant de dix à quinze ans, ils ne le feront que s’ils trouvent un environnement construit, optimal, capable de répondre à un besoin d’exercice multidisciplinaire et de structures modernes, qui sont partout de plus en plus complexes. Pour les spécialités où les besoins médicaux sont moindres, cela pourraient être le soutien à des postes de praticiens partagés, avec des médecins qui pourraient, s’ils le souhaitent, se déplacer sur le continent avec leurs patients pour continuer à s’en occuper et éviter ainsi un sentiment de rupture. Toutes nos structures sont dès aujourd’hui ouvertes à ceux qui le souhaitent. Et si tout ce que nous avons acquis comme expertise et expérience peut être transmis et aider à construire ici, alors tant mieux !

Le credo d’une ambition
Tout à la fois optimiste et réaliste le professeur Barlesi affirme sans ambages: «Beaucoup de choses sont encore à perfectionner ici, et j’ai envie d’être utile à une île où il y a beaucoup de gens que j’aime, et une partie de ma famille. Pour ma fille, aussi, me dire que peut-être un jour, si elle devient médecin et qu’elle a envie de s’installer ici, les conditions optimales seront réunies. Peut-être peut-on apporter une petite pierre à la construction d’une activité médicale de haut niveau, vecteur par ailleurs de développement économique…»

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