Edito – Avril 2016

 

C’est grave docteur ?

Par Jean Poletti

Nous avons une évidente propension à dramatiser les problèmes pour ensuite les remiser dans les oubliettes.  Un peu comme ces soufflés qui  retombent dès qu’ils refroidissent.  Au tapage effréné   succède fréquemment  l’épais silence. Ainsi est transformé en non évènement ce qui apparaissait pour certains comme un enjeu vital. Entre l’essentiel et l’accessoire, la distance est chez nous d’une telle proximité qu’elle révèle une parenté entre le tragique et la comédie.  Les exemples abondent, alliant votes  baptisés d’historiques qui confinent ensuite à l’anecdote.  Sujets  doctement qualifiés de cruciaux et pourtant mis en jachère. Telles les deux faces de  Janus, L’emphase et le jugement péremptoire d’hier deviennent banales péripéties aujourd’hui. Mutisme demain.

Combien de fois avons-nous entendu de doctes avis, ou supposés tels,  annoncer que la Corse était à un crucial tournant ? Que faute de solution rapide le précipice guettait ?  Le bon peuple  prit souvent pour vérité révélée ces assertions alarmées, pour se rendre compte que la débâcle annoncée jouait à l’Arlésienne. Désormais il ne croit plus ces augures,  divers et variés, prédisant à grand renfort de publicité que le chaos est inévitable.

La tempête de l’ancienne Sncm tint durant des mois l’opinion en haleine. Le mal de mer allait faire passer une île par-dessus bord si une solution immédiate ne ramenait pas la compagnie à bon port. Rien ne se produisit. La gestion du dossier continue de fendre les flots, sans qu’il faille déplorer une chronique de naufrage annoncé. Les marchandises arrivent et continueront d’être acheminées. Les éventuels vacanciers aussi.  Mieux, ou pire, tout se déroule désormais dans  un désintérêt  quasi-général.

Scénario similaire concernant la collecte et le traitement des ordures.  D’aucuns allèrent même jusqu’à proposer la modification de la loi Littoral pour permettre la survie de Tallone !  Hors ce remède surréaliste point de survie clamaient les grands esprits.  La débâcle des poubelles n’eut pas  lieu. Des palliatifs s’instaurèrent en attendant un épilogue définitif, qui  soit dit en passant est envisagé depuis  deux décennies.

Brisons là cette énumération qui pourrait devenir fastidieuse, pour retenir simplement que nous pêchons par manque d’anticipation.  Voilà une règle générale que nul ne peut décemment contredire.  Les hiatus prospèrent dans l’indifférence, puis quelques annonces fracassantes les mettent au cœur de l’actualité, avant qu’ils ne retournent au pays de l’amnésie.

Gouverner c’est prévoir. Pas chez nous. Ici le travail de longue haleine parait bien peu exaltant.  Nombreux sont ceux qui préfèrent  se limiter aux décisions factuelles, immédiates, circonscrites dans leurs sphères d’influence. Sans doute sont-elles  plus bénéfiques pour drainer ou capitaliser les suffrages diront les désabusés.   En attendant, dans un sempiternel recommencement, des dysfonctionnements enracinés dans le passé  fleurissent au hasard d’un emballement pour se faner presque aussitôt.

Cela vaut, est-il opportun de le souligner, pour de multiples questions qui occupent l’espace d’un instant le devant de la scène et s’estompent quand tombe le rideau de la médiatisation.

Voilà sans doute un mal invisible, mais tenace, dont souffre  notre île. Sorte de jeu pervers qui annihile toute  stratégie  bénéfique qui implique de sérier sans extravagance une question, pour ensuite la résoudre grâce au travail sérieux, qui a pour compagne de route  l’efficience.

C’est grave docteur ?  Non  mon cher patient, la Corse tout simplement !

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