Dominique Chilotti : vivre le tourisme et non le subir

Dominique Chilotti est à la tête des Gîtes de France Corse, depuis environ une trentaine d’années. Des premières brochures version papier au site en ligne de réservation multilingues, elle a connu toutes les évolutions de cette structure référente en matière d’hébergements touristiques. Elle est un témoin incontournable des relations passionnées qu’entretiennent la Corse et le tourisme dans toute sa dimension. À l’aube de la saison touristique, elle nous raconte son parcours et celui de la structure qu’elle dirige.

Par Anne-Catherine Mendez

Dominique, comment êtes-vous arrivée au poste que vous occupez aujourd’hui ?

J’ai suivi une formation en gestion à l’Institut Méditerranéen de Formation, aujourd’hui l’école Kedge à Bastia. Je faisais partie de la première promotion. Il y a environ trente ans, après l’obtention d’un diplôme, on trouvait facilement du travail. J’ai donc débuté ma carrière aux Gîtes de France Corse et j’y suis restée. Je fus la première salariée. J’étais assistante technique, en charge de visiter le parc d’hébergement qui comprenait à l’époque 650 biens. Les brochures se présentaient uniquement sur papier, avec quelques photos, les descriptifs et les tarifs. À l’époque, il fallait les acheter sur commande, puis en librairie. C’était un vrai succès.

Nous n’avions pas d’ordinateur. En 1995, le service de réservation a été créé mais avec le Minitel… Il n’y avait pas de possibilités de mettre des photos, le descriptif était très succinct, et les gens réservaient. 

Aujourd’hui, nous sommes 18 salariés, avec une antenne en Haute-Corse à Borgo. Nous avons à la fois une activité d’agence de voyages, nous pouvons faire de la location de biens, vendre des activités sur place etc. Les locataires sont à 98% des touristes, citadins mais nous nous structurons de plus en plus pour accueillir des locaux. Nous sommes devenus un acteur touristique à part entière, sans avoir perdu notre âme.

Justement, quelle est l’âme de cette structure ?

Nous sommes une association à but non lucratif qui a pour mission de promouvoir et de valoriser le patrimoine rural corse, tout en offrant des séjours de qualité à nos visiteurs.

Notre réseau regroupe aujourd’hui 1 350 hébergements et des propriétaires passionnés qui ouvrent les portes de leurs demeures pour accueillir chaleureusement les voyageurs en quête d’authenticité et de découvertes. Les Gîtes offrent une grande variété d’hébergements, des gîtes ruraux aux chambres d’hôtes, en passant par les gîtes d’étape, les campings à la ferme, et bien d’autres encore. Chaque hébergement est unique et offre un cadre agréable et confortable, souvent situé au cœur de la nature ou à proximité des sites touristiques.

Que vous souhaitiez vous ressourcer à la campagne, explorer les côtes sauvages, randonner dans les montagnes ou vous imprégner de la richesse culturelle des différents territoires, nous avons l’hébergement qui correspond à vos attentes. 

Les propriétaires, qui optent pour un hébergement labellisé Gîtes de France, soutiennent une économie locale et durable, favorisant ainsi le développement des territoires ruraux et la préservation de notre patrimoine. Nous attachons une grande importance à la qualité des prestations offertes, en veillant à ce que chaque hébergement réponde à nos critères d’exigence en termes de confort, d’équipements et de respect de l’environnement. 

Notre grille de classement s’étale de 1 à 5 épis. Nous accompagnons les propriétaires pour monter en gamme ou pour répondre aux attentes des locataires qui évoluent. Par exemple, aujourd’hui, on ne réserve plus nécessairement du samedi au samedi.

L’ensemble des propriétaires sont adhérents à l’association, et tous ont la volonté de développer un tourisme vertueux. Les boîtes à clef sont interdites (rire). C’est une véritable transmission de notre culture, une action de partage, d’hospitalité, une expérience unique.

Comment a évolué le marché ?

La marque Gîtes de France est précurseur depuis les années 70 en Corse. Au début, elle était réservée aux agriculteurs, ce qui permettait de pouvoir rénover du bâti ancien. Puis, elle s’est étendue au monde rural et urbain qui ne représente que 5% de nos hébergements.

Avec l’arrivée des plateformes de réservation en ligne, inévitablement le marché a changé. La fiscalité est différente, les contraintes ne sont pas les mêmes. Mais contre toute attente, nous avons continué à nous développer. La qualité de nos services, notre accompagnement aussi bien pour les propriétaires que pour les locataires ne fléchit pas, et représente un gage de sérieux pour tous. 

En Corse aujourd’hui, les Gîtes de France représentent 15 000 nuitées sur une saison type qui s’étale de début avril à fin octobre. Un hébergement est loué en moyenne 16 semaines, les prix s’étalent de 500 à 5 000 euros/semaine. En général, nous sommes sur l’île à un tarif de 1 000 euros/semaine pour 4 personnes. Nous essayons avec l’ensemble des collaborateurs de développer le tourisme intérieur hors-saison. Le ski, le dépaysement sans long trajet, la découverte d’une autre micro-région, sont autant d’arguments que nous brandissons.

Quel est votre regard de la politique économique en matière de tourisme ?

Cette question est la tarte à la crème à laquelle je n’essaie même plus de répondre. Pour ma part, je pense qu’il faut se positionner sur le hors-saison. Mais sans avoir résolu le problème des transports, de leur fréquence, de leur tarification, sans avoir mis en œuvre des activités culturelles qui perdurent, des restaurants qui restent ouverts, ce sera très compliqué.

Nous avons également l’urgence et la nécessité de gagner en compétence en matière de langue étrangère. Dans mon équipe, ils parlent tous anglais, deux, l’allemand, deux l’italien et un l’espagnol.

Le tourisme, nous devons le vivre et non le subir.

Il faut savoir enseigner la richesse de la rencontre, de l’échange. 

Il faut également se méfier des réglementations, à trop vouloir restreindre les activités, certaines peuvent être impactées. Par exemple, dans la nécessité de vouloir absolument réglementer les meublés de tourisme, les gîtes peuvent être lourdement touchés dans leur activité. Un dommage collatéral auquel personne n’a pensé. Avec le président, Toussaint Coeroli, nous avons tiré la sonnette d’alarme et informé l’ensemble des élus. Depuis 50 ans, les gîtes sont des compléments de revenus locaux. Ils favorisent la restructuration du patrimoine bâti. En 2022, nous avons reversé 273 000 euros de taxe de séjour aux communautés de communes. Notre démarche est celle de pouvoir renforcer l’économie locale, tant au niveau des emplois, que des retombées économiques à la différence des plateformes étrangères. Aujourd’hui, nous avons deux défis, résister à la concurrence multinationale, et faire face à la perte des adhérents, soit ils sont trop âgés pour poursuivre l’activité, soit par ce que nous ne pouvons pas offrir de conciergerie ou de solutions de ménage pour certains propriétaires.

L’avenir ?

Oh ! plein de projets. Nous allons poursuivre nos efforts pour limiter l’impact environnemental. Nous avons développé par exemple des partenariats avec des distributeurs qui donnent gracieusement des douchettes ou des pousseurs qui limitent la consommation d’eau. Nous préconisons les éclairages extérieurs en LED. Nous favorisons les circuits courts pour les équipements des maisons (literie, ameublement, hygiène, pépinières qui conseillent par exemple les espèces locales, non gourmandes en eau).

Pour les aspects digitaux, les sites ont été refondus en français, allemand et italien. Nous avons deux sites spécifiques pour les chambres d’hôtes en anglais et en hollandais.

Une application pour les adhérents sera également disponible à partir du mois de juin.

Votre devise ? 

Celle des Gîtes bien sûr : Une démarche qualité au service des adhérents et de l’économie corse.

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