Discorde nationale

« Je suis charlie » enterré  ob_78e026_je-ne-suis-plus-charlie

L’union nationale n’aura pas resisté à l’attentat de Nice. Affichée comme une évidence au lendemain de l’attaque de Charlie Hebdo et de l’hyper Cacher, comme une nécessité après le Bataclan, elle a volé en éclats immédiatement après la tuerie de la Promenade des Anglais.

La politique a repris ses droits, et la campagne son rythme. À moins d’un an de l’élection présidentielle, à quelques mois des primaires, la tentation d’attaquer un Gouvernement affaibli, d’exploiter les failles de la sécurité et du renseignement, de soulever les polémiques était trop forte. L’esprit de Charlie ne pouvait pas survivre à un nouvel assaut. En revendiquant la tuerie de Nice, les djihadistes de Daesh le savaient. Un pays qui se déchire est un pays fragile, vulnérable, une cible de choix.
Avec les crimes commis à Saint-Étienne-du- Rouvray, c’est un cran supplémentaire qui a été franchi dans la discorde nationale comme si c’était une façon de répondre à une colère populaire qui monte de plus en plus. Les critiques sont arrivées quasi instantanément laissant entendre que le massacre aurait pu être évité. On ne se souvient guère, après une brève interruption de la campagne électorale de 2012, des polémiques sur la mise hors d’état de nuire de Mohamed Merah. Elles étaient tout aussi violentes que celles d’aujourd’hui et l’opposition n’a rien à envier à celle d’hier qui avait mis en cause, le Gouvernement, l’action des forces de sécurité, du renseignement et de la justice.

Sécurité et liberté
Plusieurs enquêtes d’opinion sont venues brouiller encore un peu plus les choses fin juillet. Interrogés par l’IFOP au lendemain de l’attentat commis à Nice, 9 Français sur 10 pensaient assez logique- ment que la menace terroriste était très élevée en France et 67% disaient ne pas avoir confiance en la capacité de François Hollande et du Gouvernement à lutter contre le terrorisme. Deux chiffres que certains leaders de droite ont immédiatement saisis pour réclamer des mesures plus dures et à défaut la démission du Premier ministre ou du ministre de l’Intérieur. Cet appel à la fermeté, les Français s’y disent prêts. Toujours interrogés « à chaud » par l’IFOP, 50% souhaitaient que l’état d’urgence soit renforcé contre seulement 14% qu’il soit supprimé. 81% se disaient prêts à accepter davantage de contrôles et une certaine limitation de leurs libertés pour garantir leur sécurité. Il n’en fallait pas moins pour «redoper» une opposition en proie à des tensions internes sur les mesures à prendre pour lutter contre la menace terroriste.

Scepticisme généralisé
Pourtant, les Français sont sceptiques sur la capa- cité de la droite républicaine à mieux faire face à la menace terroriste que la gauche. 60% estiment qu’elle ne ferait pas mieux. C’est dans ce contexte qu’une majorité assez large plaide pour un gouvernement d’Union nationale (67%), une idée qui séduit les plus jeunes et les plus modérés. La classe politique fait mine d’y souscrire mais sait pertinemment le projet utopique dans une Europe où l’on observe la montée inexorable des populismes.
Les mesures paraissent de plus en plus dérisoires face à une menace qui surgit de toute part et qui s’attaque indistinctement à nos modes de vie, à nos valeurs, à notre identité. Les responsables politiques sont désarmés pour réagir et basculent dans la facilité de la surenchère. La polémique et la discorde constituent les dernières cartouches d’une classe politique discréditée et pourtant engagée dans une compétition électorale déterminante pour l’avenir du pays. En Corse, la réponse a pris une tournure différente: ni discorde, ni concorde politique mais un débat démocratique à l’Assemblée de Corse. En votant à l’unanimité une résolution prioritaire, les élus ont demandé à l’État de fermer les lieux de culte musulman fondamentaliste dans l’île.

Le pavé dans la mare
Parallèlement, la déclaration du FLNC dit du 22 octobre, que l’on croyait dissous, a beaucoup fait parler voire même séduit au-delà des côtes insulaires. Elle illustre une forme de colère, un volontarisme pour la défense d’une civilisation. Elle témoigne aussi d’un esprit un peu bravache mais incompatible avec le respect des principes d’un état de droit que réclament les élus territoriaux et les Corses dans leur immense majorité. Certains y verront la renaissance d’un combat aux accents post colonialistes, d’autres un coup politique s’appuyant sur des rumeurs de menaces. Ou encore une manifestation décalée pour témoigner que les Corses à la différence des Continentaux ne laisseront pas passer des attaques contre leur modèle de vivre ensemble.
La réponse est sans doute plus complexe et ne peut reposer à mon sens que sur la justice d’abord, la solidarité ensuite et sur un investis- sement massif dans l’éducation aux valeurs de la démocratie surtout.

Vincent de Bernardi

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