Clap de 100

Edito

Par Jean Poletti

Paroles de Corse livre sa centième parution. Une étape certes symbolique mais laissant percer une réelle importance. Le lancement du mensuel tenait à maints égards de la gageure dans cette période où la presse écrite connaît une réelle éclipse. Pari un peu fou ? Sans doute. Réussi ? Acceptons-en l’augure. Certes depuis neuf ans, date du premier numéro titrant à la une « La Corse se débloque », des évolutions graphiques et rédactionnelles se conjuguèrent pour peaufiner visuel et contenu. Mais la ligne éditoriale et pour tout dire le concept initial ne furent nullement dénaturés. D’hier à aujourd’hui et sans doute demain, le mensuel aspire à donner une autre vision de notre île. Celle qui bien évidemment n’exclut pas les difficultés et le panel d’aspects négatifs, sans pour autant mettre sous l’éteignoir les réalisations individuelles ou collectives qui se conjuguent pour alimenter les raisons d’espérer. L’île, tel Janus, porte en elle deux visages, l’un sombre l’autre lumineux. Et Paroles de Corse veut en toute humilité relater cette dualité qui forge le particularisme d’une communauté. Dans un parti pris volontairement choisi et unanimement assumé, nous avons banni, autant que faire se peut, l’à priori propice aux donneurs de leçons. En corollaire, la vision partielle et tronquée d’une certaine presse friande de malheurs fut ignorée au profit d’une vérité qui fonde dans un même creuset le pire et le meilleur. Ainsi, par exemple, les récurrentes rubriques « Initiative », « Société » ou « Entreprise », éclairent les efforts de personnes qui, du Cap à Bonifacio, font modestement œuvre constructive. Apportant leur pierre à l’édifice d’une Corse qui s’inscrit dans l’avenir. En donnant voix au chapitre à ceux qui sont rarement sous les feux de la rampe, nous contribuons sans ostentation à médiatiser ceux qui au quotidien se battent parfois contre vents et marées pour réaliser leurs projets. Oui, contrairement à la presse disciple de Cassandre, nous plaidons sans conteste pour la réussite. Et selon la formule consacrée pour les trains qui arrivent à l’heure. De la politique au sport en passant par l’économie, la culture, et autres portraits, est ainsi relaté chaque mois un pan de notre communauté d’ici ou de la diaspora. Des tribunes, émanant de collaborations extérieures, rehaussent chaque parution d’une vision de la société civile, par le libre ressenti de problématiques locales ou d’amplitude nationale. Tandis que les sondages exclusifs résument de manière fidèle et abrupte le sentiment d’une population sur une question factuelle ou sociétale. 

Voilà campé de manière lapidaire le cœur battant de Paroles de Corse. Dans cette rédaction ramassée, au parfum d’amitié, la hiérarchie s’estompe au profit d’une sorte d’autogestion, ou chacun propose discute et débat. Sans tabou ni à priori. En neuf ans, l’encre coula sur les pages. Avec son lot de satisfactions. De tristesse parfois. Notamment la disparition prématurée de Paul Antonietti, présent à l’orée de cette aventure. Ses articles parfois caustiques, toujours intéressants étaient marqués du sceau du rejet de l’injustice et de la défense du faible dans ses combats contre le fort. Lui, qui disait en cri de ralliement « Radio-Paris ment, Radio-Paris est allemand », laisse la survivance de l’authentique camaraderie. Une pensée émue assaille également, en ombre portée, le souvenir de Toussaint Luciani. Inutile de le présenter. Adepte d’une troisième voie pour notre île, lui aussi fut présent d’emblée. Livrant ses chroniques incisives sur les défis à relever. Happé par la maladie, il tint malgré tout à honorer jusqu’à ses dernières forces sa participation en écrivant un ultime article mêlant lucidité et optimisme. 

L’histoire de Paroles de Corse se poursuit. Elle puise sa force, son dynamisme et sa continuité dans la fidélité de son lectorat et la constance de ses annonceurs. Qu’ils en soient ici pleinement remerciés. Sans ce lien de confiance et d’adhésion, l’entreprise serait restée au stade de la belle idée. Il est vrai que le jour où Jérôme Paoli émit l’idée de créer un média, nous savions que cela tutoyait la gageure. Pour autant, une équipe enthousiaste leva les ultimes doutes. Il y avait place pour une autre image de la Corse. Celle qui bannit les sempiternels clichés et fait mentir le propos attribué à Pasquale Paoli ou à d’Arrigo il Bel Messere « Corsica non avrai mai bene. » Et comme dirait le soixante-huitard attardé : « Ce n’est qu’un début, poursuivons le combat… »

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