Christophe Storaï : « Mener le combat des idées »

Directeur du CFA universitaire de Corse, Christophe Storaï est aujourd’hui candidat à la présidence de l’Université de Corse. Il a le physique et le mental d’un sportif de haut niveau, mais il est surtout reconnu pour ses qualités de manager. Il le revendique sans tabou, en martelant que tout type de structure doit être dirigé comme une entreprise, dont la ressource humaine est le point d’ancrage.

Il se confie sur ses aspirations avec conviction et sincérité.

Par Anne-Catherine Mendez

Pouvez-vous définir votre parcours ?

J’ai été recruté en 1997 à l’Université de Corse en tant que maître de conférences en économie. J’ai assumé ensuite les fonctions de directeur de l’IUT de 2003 à 2008. Depuis 2009, je suis le directeur du CFA (Centre de Formation des Apprentis) universitaire de Corse.

Je me présente aujourd’hui à l’élection de la présidence.

Quel est votre regard sur l’Université de Corse aujourd’hui ?

L’Université de Corse n’est pas différente des autres universités, elle doit répondre aux standards nationaux et internationaux que le ministère de l’Enseignement supérieur impose. Cependant, elle est ancrée dans un petit territoire, insulaire, et à ce titre elle se doit d’être en lien avec lui, d’analyser ses besoins, ses attentes et d’être une véritable structure au service du développement régional.

L’Université a connu ses quinze dernières années une phase de croissance très forte. À partir des années 2000, sous la présidence d’Antoine Aiello, l’offre de formation s’est développée ainsi que l’alternance, de nouvelles unités de recherche ont également émergées en relation avec le secteur économique, notamment dans le domaine de l’énergie, dans la lutte contre les incendies ou celui des ressources naturelles.

En 2012, nous avons vécu logiquement une phase d’amortissement et de stabilisation, après une phase de croissance importante.

Depuis 2016, en revanche, le mode de gouvernance est essentiellement basé sur des procédures de contrôle et de sécurisation opérationnelles. Cette gestion peut avoir du sens, mais elle occulte toute la mise en œuvre de projets. À mon avis, cela a contribué largement à l’inhibition de certains porteurs de projets pédagogiques et de recherche. Leur rôle étant limité à des fonctions d’exécution et non au management.

Si on ne change pas ce type de pratique, je pense que l’Université risque de se couper du territoire et de ne plus jouer son rôle d’ascenseur social.

Je ne souhaite pas faire un constat sans appel négatif. Cette université, et j’y ai participé largement, a su évoluer de manière très positive. Mais ces avancées n’ont pu exister que par la présence de femmes et d’hommes à la tête d’une véritable dynamique de projets.

Aujourd’hui, beaucoup d’entre eux se sentent déconsidérés, cette situation ne les incite pas à prendre des initiatives.

Et vous président ?

Moi président, (rire), je considère qu’il faut changer de paradigme. Je souhaite une gouvernance managériale et décentralisée. La contribution collective ne peut fonctionner que si l’humain est au cœur du projet. Tout le personnel universitaire à son échelle peut apporter sa compétence, son expérience à la collectivité. Les directeurs de recherche, les responsables d’unités pédagogiques en sont les noyaux, porteurs de valeur ajoutée. Il faut leur laisser de l’autonomie, de l’indépendance dans l’exercice de leur mission managériale. Le rôle du président à mon sens est comparable à celui d’un chef d’entreprise, connaissance des projets, analyse, soutien, délégation de leur mise en œuvre et contrôle des résultats.

Imposer des directives n’est pas une méthode que j’apprécie, la communauté universitaire doit être une véritable force de propositions.

Mais comment susciter selon vous la prise d’initiative ?

Les ressources humaines peuvent être valorisées de différentes façons, des indemnités, des promotions, mais pas seulement, l’organisation du temps de travail, l’autonomie, la responsabilité et la reconnaissance. L’enjeu aujourd’hui est de donner un nouveau souffle à l’Université de Corse, et sincèrement je pense qu’il passe par la valorisation de l’humain.

C’est une forme de révolution, la révolution du bien-être en adéquation avec son outil de travail. Ne pas imposer mais inciter.

Quel est donc le rôle du président?

L’élection est un moment de la vie démocratique dans lequel s’exerce un combat d’idées. Un président fraîchement élu doit tendre la main à celle ou celui qui a des idées différentes. La contribution collective doit pouvoir s’exercer également à ce niveau. Le président n’est pas celui d’un clan mais celui de toute l’université. Il doit être celui qui privilégie en permanence l’ouverture et le dialogue.

Si vous n’êtes pas élu ?

C’est un véritable challenge pour moi, si je ne gagne pas, je resterai un soldat de l’université et je poursuivrai mon action au service du développement.

Vous savez, il ne faut pas oublier notre fonction fondamentale : former des étudiants et les guider dans leur projet professionnel, développer de la recherche en lien avec le territoire. Plus on augmente la compétence, moins on a de chance de voir notre territoire s’effondrer et laisser la place à la voyoucratie.

Le sport est mon carburant, mais il véhicule aussi des valeurs d’engagement, de loyauté, de dépassement de soi, et de compétition. Si je ne gagne pas, j’aurai appris.

Comment vous voyez-vous dans vingt ans ?

Dans vingt ans, je me vois encore sur un court de tennis ou à vélo sur des chemins de traverse, mais ne vous y trompez pas, je suis aussi un épicurien ! avec il est vrai je le reconnais un petit côté Robin des bois… (éclats de rire).

La Corse est un joyau mais encore une pierre brute. Nous sommes compétents, créatifs mais nous devons revenir à nos capacités de vivre ensemble. Le territoire c’est comme une famille à construire. Certes, c’est une vision un peu idyllique mais pour moi c’est le chemin que nous devons emprunter.

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