Antò Fils de Pop: l’art d’une île en couleurs


DAPOI L’ANNI NOVANTA, E SO OPERE SÒ CAMPAZIONE, nutritE da a cultura pupulare, E FIURE di a televisiÒ, u SinemÀ, a musica È A CORSICA. CÙ UN ESTRU È UN STINTU SENZA PARU, U BALANINU, UNTU È FINU, SVIA CERTE REALITÀ PER DÀ CORPU À UN’ALTRU RISPECHJU, DA contÀ u mondu À modu soiu, INDUV’ELLU S’aPRE U SENSU DI A LIBERTÀ È FACE PRÒ D’ACCENDE U LUME IN STI TEMPI BUGHJOSI.


Par Petru Altiani


« Je fais partie d’une génération télé. » Le ton est donné. Pour Antò Fils de Pop, le pseudonyme n’est pas un masque, mais un manifeste. Il renvoie à l’univers visuel dans lequel il a grandi, à l’époque des tubes cathodiques, et à une formule restée célèbre dans les années 80, celle de Jacques Séguéla : « les fils de pub ». Il en détourne l’esprit, dans un clin d’œil assumé à la culture populaire. « Je voulais un nom qu’on retienne facilement et qui soit percutant comme les images du petit écran. Antò, c’est le diminutif corse d’Antoine – pas Anthony, comme beaucoup le pensent – et “Fils de Pop”, c’est le catalyseur de toutes mes influences : la télé, le ciné, la musique, le design, le graphisme et mon île », raconte-t-il, les yeux pétillants, comme si ces influences continuaient de pulser en lui.

Insouciance et culture visuelle

Né dans les années 70, Antò grandit à Calvi dans une Corse encore préservée, à la fois enracinée dans ses traditions et ouverte aux imaginaires télévisuels venus d’ailleurs. « Cette époque m’a permis d’être le témoin d’une nostalgie de l’insouciance », confie-t-il. « Elle m’a construit. La Corse, elle, m’a tout donné. Elle agit comme un filtre : elle m’aide à épurer mes idées créatives, à ne garder que les meilleures. »


Cette double appartenance, entre enracinement et ouverture, structure toute son œuvre. Si le Pop Art reste au cœur de son langage visuel, il ne s’y réduit pas. « Mon Pop Art est enraciné à Calvi mais il est aussi teinté d’Amérique. Si je devais en retenir un, ce serait plutôt Sergio Leone qu’Andy Warhol, même si à mes débuts, Warhol m’a beaucoup influencé. ». Il cite aussi d’autres artistes corses qu’il admire : Laurent Silvani, Marcè Lepidi, Sébastien Dominici, Rose Cesari, Piombu, Hugo W2cj. « Il y a un joli terreau insulaire », poursuit-il.

Détourner les icônes

Depuis plus de trente ans, Antò revisite l’imaginaire collectif à travers des figures familières – super-héros, madones, stars de cinéma, slogans – qu’il s’approprie, manipule, renverse. « J’aime jouer et démystifier tout ce qui semble intouchable. Rendre humains ces icônes, comme s’ils étaient nos voisins. Des êtres avec leurs défauts et leurs qualités », poursuit l’artiste. Ses tableaux prennent souvent la forme de clins d’œil humoristiques ou poétiques : Pimp my Fiat, Banana Trip, Vierge à l’iPod, C’est un Mattei ! Il y insuffle une énergie visuelle immédiate : aplats de couleur, contours noirs, typographie travaillée. « Mon style vient de la BD, du cinéma, des clips des années 80. Il est souvent cerclé de noir, comme dans les comics. » Et toujours, une phrase qui claque. « J’ai toujours aimé les jeux de mots, les slogans, les bandes-annonces… et les punchlines. »

« Je me laisse porter. Aujourd’hui, ce sont les gens qui viennent vers moi. Je suis un peu sauvage, comme les Daft Punk : je préfère qu’on voie mes travaux plutôt que ma faccia. »


Autodidacte et libre

Antò n’a pas suivi de formation académique. Et il y tient. « Être autodidacte, c’est ne pas avoir de règles, ni de contraintes. Je fais ce que je veux, je mélange les matières, je refuse les cloisonnements », explique-t-il. Ce goût de la liberté se retrouve dans la structure même de ses expositions, souvent composites, aux thématiques multiples. « Je n’ai jamais eu d’expo à thème unique. Je préfère que les œuvres dialoguent entre elles, comme dans une conversation. » Ce qu’il recherche, ce sont les rencontres. « Les expos, c’est le moment où je peux échanger avec le public. On m’a souvent dit que je paraissais prétentieux, mais c’est juste que je suis timide. En réalité, je parle beaucoup… avec les mains surtout  ! »



Un art du quotidien

Antò Fils de Pop n’a jamais voulu confiner son art aux galeries. Il multiplie les collaborations avec des marques locales à forte identité, comme Zilia, Clos Culombu ou les glaces Geronimi. « C’est une façon de faire entrer l’art dans le quotidien, à travers des produits simples. Et de montrer mon univers à un plus grand nombre, entre racines, tradition et modernité ». Ses projets naissent souvent d’un mot, d’un événement d’actualité, ou d’une image iconique qu’il détourne. « C’est le point de départ de mes histoires », lance-t-il, dans un large sourire. Il estime aujourd’hui avoir signé « entre 400 et 500 œuvres », sans avoir jamais fait le compte. Parmi celles qui ont marqué un tournant, il cite sa série inspirée du Bon, la Brute et le Truand.


Un micro et une œuvre

À la toile, Antò ajoute désormais la voix. Animateur de longue date sur la radio associative Radio Calvi Citadelle, il intervient aussi ponctuellement sur RCFM. « Le micro me permet de peindre vocalement, et surtout de mettre en valeur ce que font les autres », dit-il. Et demain ? Il ne planifie rien. « Je me laisse porter. Aujourd’hui, ce sont les gens qui viennent vers moi. Je suis un peu sauvage, comme les Daft Punk : je préfère qu’on voie mes travaux plutôt que ma faccia. Souvent, les gens ne me reconnaissent pas, mais dès que je dis “Fils de Pop”, ils s’exclament “Ha mais oui !” ». Son rêve ultime ? « Une œuvre qui mêlerait peinture, vidéo-projection et musique. Ça viendra peut-être un jour… »

 « J’aime jouer et démystifier tout ce qui semble intouchable. Rendre humains ces icônes, comme s’ils étaient nos voisins. »


Le Svegliu Calvese

Avant la reconnaissance, il y a eu un lieu et un mentor. « Le Svegliu Calvese m’a offert la possibilité de faire ma première expo, au début des années 90. » Et une influence déterminante : Toni Casalonga. « Ses œuvres m’ont profondément marqué à mes débuts. » Trois décennies plus tard, Antò Fils de Pop trace une ligne claire entre images populaires et mémoire intime, entre autodérision et engagement, entre Calvi et le monde. Une ligne noire, épaisse, comme dans les bandes dessinées. Mais toujours, vivante…

Savoir +

www.antofdp.com



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