Adieu Paul, l’hommage de Jean Poletti à Paul Antonietti

Adieu  Paul

Nous sommes réunis  en ce lieu calme et tranquille pour dire un suprême adieu  à Paul Antonietti.

Voilà  la phrase liminaire  qui conviendrait pour un éloge posthume classique.

Mais Paul  n’aurait sans doute pas apprécié.  Lui,  l’anticonformiste,  n’avait  que faire des formules convenues.

D’ailleurs Paul n’est pas mort. Il n’est que décédé.  Son souvenir  demeurera a jamais chevillé dans le cœur et  l’esprit  de  l’amitié.

Un peu anar, une dose d’ironie, l’intelligence à fleur de mots.  Une silhouette longiligne. Voilà campée à grands traits  celui que nous pleurons aujourd’hui.

Pas de larmes,  semble-t-il chuchoter de sa voix d’outre-tombe. Conduisez moi simplement  jusqu’à ma dernière demeure,  dans cette terre de Corse que j’ai tant aimée.

Voilà son testament. Tel est son ultime message. Celui d’un  homme dans  toute l’acception du terme Avec ses défauts et ses qualités. Et oserais-je dire les qualités de ses défauts.  Lui savait rire des conventions surfaites imposées par la société, jetait pas dessus les moulins de l’inutile  le paraître et la vanité  pour mieux  laisser affleurer  une  authentique grandeur d’âme.

Iconoclaste.  Brisant  totems et tabous, il avait un regard  toujours  acéré  parfois désabusé, jamais vindicatif  sur les choses et les gens.   

Avait-il  reçu en héritage ce  noble détachement des  cours de Gilles Deleuze qu’il suivit à la faculté de Vincennes ?    Sans doute

Portait- il  comme un irrépressible  besoin ce retour  dans son ile après un exil juvénile en terre parisienne ? Certainement.

Il posa un jour ses bagages  à Alata retrouvant les effluves d’antan, non pour méditer mais  afin de s’impliquer dans une cause qui lui semblait juste. Et renvoyait à la survie d’un peuple.

Conseiller d’hommes politiques, il  publia le livre  « IFF »  qui fit alors grand bruit.  Les remous, la critique ? Il les assuma avec cette force tranquille  et la conscience en paix  qui fondent la liberté.  

 Ecoutons-le-nous donner dans cet ouvrage la philosophie qui l’animait et sa vision de la Corse : « S’affranchir du temps est le premier devoir de l’homme libre sur cette terre. Ce qui l’autorise  à discuter d’égal a égal avec  Dieu et tous les puissants de  la place  qui lui était donnée  lors de la création du monde. »

L’écriture, la parole voilà  ses deux postulations  qui sans cesse  l’animèrent.

Avec Paroles de Corse  il trouva un exutoire à son panel d’idéal qui   pourfendait la pensée unique, celle qui sclérose, rabaisse et  délabre  le sens critique.

Ses Chroniques  radiophoniques   étaient de veine similaire.  Dénonçant le puissant,  accusant l’injustice, défendant  les gens humbles.  C’était du lourd, pourrions nous dire en citant Audiard  dont il aimait tant les saillies.

Mais ces réquisitoires  pour  sériés qu’ils fussent ne s’interdisaient jamais  quelque trait d’humour,  décrivant ainsi  le théâtre de la vie en tragi-comédie.

Paul c’était tout cela et bien d’autres choses encore. Il serait aisé d’énumérer  tous ces aspects qui façonnaient son caractère.  Et puis trop  de louanges, aussi méritées soient-elles, dénaturent et affaiblissent  celui qui en bénéficie.

Aussi  préfèrerons-nous garder intacte l’image de cet éternel  soixante-huitard   qui avait foi en la nature humaine.  A ses yeux  victimes d’une société perfide.

Les mots sont souvent galvaudés. Mais  s’agissant de Paulo,  osons affirmer qu’il était  brillant,  ouvert et tolérant.  Sa  curiosité intellectuelle  l’entrainait  parfois dans des  méandres insoupçonnés, qui   ne s’ouvrent qu’aux belles âmes.

Oui,  notre ami était comme décalé, mal à l’aise dans  ces conventions qui confinent au moule.  En cela il était attachant.

Un journaliste n’est plus. Une plume s’est figée. Une voix s’est éteinte. 

Ceux qui l’on côtoyé  ressentent un grand vide,  et  son vieux complice Jérôme  ne pourra pas  dire autre chose.

 Paul nous a fait un ultime pied de nez.  Paul va nous manquer. Paul nous manque déjà.  Lui qui ne terminait jamais   un article en lançant  au micro son fameux «  Radio Paris ment Radio Paris Ment, Radio Paris est Allemand »  s’en est allé  en coupant à jamais le son.

 

Riposa in pace   amicu caru.  Noi tenaremu a mente u to surisu  eternu.

 L’équipe de Paroles de Corse   

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