A la une – dec 2016

Ni droite ni gauche

Vers un printemps populiste ?

La victoire de Donald Trump, vue de France, a affolé les media, les commentateurs, les quartiers généraux des partis, les candidats aux élections primaires ou non… « Le populisme, l’extrémisme va bientôt déferler chez nous ».  Le Premier ministre au lendemain du choc provoqué par la défaite jugée « impossible de Hillary Clinton, avait crié gare au populisme triomphant.

Par Vincent de Bernardi

C’est oublier un peu vite que le populisme rode depuis des années en Europe. Dans la plupart des pays européens, les partis dits populistes, anti-élites, antisystème, dénonçant l’establishment, progressent à chaque scrutin depuis plus d’une décennie. Le 21 avril 2002 n’aurait-il pas laissé de trace en France ?

Quelles menaces ces mouvements font-ils peser sur la démocratie ? La vraie question que l’on devrait se poser est en réalité de savoir si c’est parce que la démocratie ne fonctionne pas bien que l’on voit apparaître des mouvements populistes. N’en seraient-ils pas la conséquence et non la cause ? Interrogés par IPSOS pour Sciences Po et l’Institut Montaigne, 57 % des personnes interrogées – et jusqu’à 78 % des sympathisants du Front national (FN) et 66 % de ceux du Front de gauche – estiment que la démocratie fonctionne mal. Pire encore : plus des trois quarts des sondés (77 %) pensent que ce système démocratique fonctionne « de moins en moins bien ». Soit 14 points de plus qu’en 2014, date de la dernière enquête. Abstention massive et récurrente, rejet des structures partisanes et institutionnelles, profonde défiance vis-à-vis des responsables politiques en général et de l’exécutif en particulier… le malaise, sinon la crise démocratique qui touche la France comme d’autres grandes démocraties, s’aggrave et prend de l’ampleur. Ce constat est partagé par tous les électorats quels que soient l’âge, le milieu social, le niveau d’études ou l’orientation politique. La dégradation est particulièrement sensible dans les électorats de gauche où la crise de la majorité et du pouvoir en place est aussi perçue comme une véritable crise du régime démocratique.  Voilà qui alimente la fatigue démocratique des Français, comme le soulignait Jean-Baptiste de Montvalon dans le Monde récemment.

Le réel et le légal

A la condamnation de leur outrance et de l’extrémisme de leurs idées, les populistes opposent le peuple, comme si eux seuls étaient encore capables d’entendre, de comprendre et donc de représenter ce peuple exaspéré, épuisé par les discours bien pensants. Le populisme, comme expression de la fin d’un système a pris un caractère étonnant ces dernières semaines. Certains, ont souligné qu’Emmanuel Macron avait  lui-même «cédé aux sirènes du populisme» quand il s’est mis « en marche » et à s’inscrire en rupture d’un système dont il est pourtant un pur produit.  Existerait-il un « populisme soft» qui ne serait plus une injure et deviendrait compatible avec le système représentatif ? Gilles Filchenstein, directeur général de la Fondation Jean Jaurès, dans une interview au journal l’Opinion cherchait à  comprendre la montée du populisme dans le sentiment que nos sociétés ont perdu toute mobilité sociale. Autrement dit, l’égalité des chances est déficiente pour la France d’en bas alors qu’elle continue à fonctionner parfaitement pour les élites qui vivent hors du monde commun. Il en appelait à Pierre Rosanvallon pour qui il faut tenter d’avoir « l’intelligence du populisme », et de considérer qu’il s’agit d’une question finalement interne à la démocratie. Dans la même ligne, le politologue canadien Francis Dupuis-Déri  souligne que le populisme est « sinon inévitable, du moins fortement encouragé » par la logique même du système électoral en démocratie représentative, qui appelle à une sorte « d’amour du peuple».

La démocratie dévitalisée

On comprend dès lors comment de nombreux responsables politiques se laissent  tomber, au nom du peuple, dans un populisme s’incarnant dans le ni droite, ni gauche.   Or, le rejet du système, la condamnation de l’unanimisme idéologique propre aux élites ne sont que l’aspect superficiel d’un populisme de confort. Ce ni/ni  ne conduit qu’à dévitaliser la démocratie en gommant les identités politiques. Il nourrit le véritable populisme qui gangrène les systèmes représentatifs. Car il y a bel et bien un populisme de droite qui s’oppose à un populisme de gauche. Podemos ou Syriza, le Tea party ou la manif pour tous dans sa version mutante d’acteur politique voulant peser sur certains candidats en sont les avatars les plus récents. Les prochaines élections verront, en France s’affronter ces deux types de populisme dans des variantes plus ou moins affirmées ou assumées.

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