A la une – Avril 2016

La Corse un enjeu  de la présidentielle

L’île fascine autant qu’elle rebute du fait d’une actualité souvent compliquée à décrypter. Mais la spécificité insulaire comme les mythes qu’elle véhicule en font un enjeu de débat obligeant les candidats à la magistrature suprême à prendre position.  

Par Vincent de Bernardi

L’identité, sur l’exercice de l’Etat de droit, sur l’unité de la République,  sur l’égalité ou encore la laïcité. Ces sujets dépassent très largement la seule question Corse. Ils touchent au cœur de ce qui fonde la rencontre entre un homme ou une femme et le pays. Aujourd’hui, tout ce passe comme si personne ne voulait véritablement s’emparer du sujet, par peur de faire un faux pas, de déraper, de tomber dans le cliché. Quelques-uns se sont fourvoyés dans l’excès de l’indignation après la victoire des nationalistes et des autonomistes en décembre dernier. Comment des élus de la République peuvent –ils s’exprimer dans une Assemblée fut-elle territoriale, dans une autre langue que le Français ? Les mêmes étaient au rendez-vous pour dénoncer les dérives racistes dans les Jardins de l’Empereur à Ajaccio à la veille de Noël. Peu se sont aventurés à juger les déclarations du Président de l’Assemblée de Corse ou du Président de l’exécutif dans les media, qualifiant la France de « pays ami » ou « d’Etat de rattachement ».

Entre le silence et la prudence, ils ont fait le choix le moins risqué,  celui de la prudence, par ignorance. Mais cette stratégie ne pourra pas durer. Car parler de la Corse, c’est parler de la France.

Citoyenneté culturelle

Jusqu’à quand pourra-t-on nier l’identité insulaire, la dissoudre dans un discours intransigeant sur une République qui ne souffre guère ni spécificité, ni particularisme ? Une France forte de sa diversité construira son avenir par une prise en compte plus assumée, plus affirmée des différences. La modernité est là et elle pourrait  appeler à la reconnaissance d’une citoyenneté culturelle comme le préconisait il n’y a pas si longtemps le rapport Aïello.  La question de l’identité n’est pas principalement liée à un territoire. Elle touche à notre volonté de construire un destin commun, à nous rassembler autour d’une vision, d’une ambition et même d’une fierté partagée. Ça vaut pour la Corse comme pour bien d’autres territoires de la République, en métropole et dans les outre-mer.

S’il est un autre sujet épineux, qui place les candidats dans une posture délicate, c’est celui de l’Etat de droit. La Corse est régulièrement montrée du doigt comme étant une zone de non droit, dans laquelle l’autorité de l’Etat est perpétuellement bafouée.  Ceux qui nient l’identité Corse, n’hésitent pourtant pas à dire que la violence est enracinée dans la culture Corse. Vieille stigmatisation qui consiste à décrire une Corse décidément ingérable. Rien d’étonnant dès lors que les Corses se sentent de moins en moins Français quand on les distingue de la sorte. Au-delà de cette caricature, on touche ici à la capacité de l’Etat à assurer l’ordre, à garantir le fonctionnement d’une justice indépendante, à faire respecter ses décisions. Et ce n’est pas en déclarant sans cesse que la Corse est le département le plus criminogène de France que l’on traitera le sujet, ni en dénonçant une quelconque dérive mafieuse. Si tant est que cela soit le cas, ce n’est pas une fatalité. C’est avant tout une question de responsabilité et de volonté politiques voire de courage.

Regards vers l’avenir

Plus profondément, l’Etat sera respecté en Corse s’il tient sa parole et sa promesse d’impartialité et d’égalité de traitement. La question du regroupement des prisonniers en est une illustration. Sans jamais être véritablement réglée. Elle ne pourra pas être éludée après le scrutin présidentiel.

Enfin, il leur faudra aussi traiter d’un sujet qui déchaîne les passions, qui divise alors qu’il devrait pourtant rassembler. Il s’agit de notre héritage et de nos racines chrétiennes. Elles sont visibles partout dans l’île depuis des siècles. Les célébrations de la Madunuccia à Ajaccio et de Saint-Joseph à Bastia, pour ne prendre que ces deux exemples, rappellent  l’attachement  des Corses à la tradition, à l’histoire, à une culture profondément chrétienne et pour autant parfaitement compatible avec la laïcité. A condition que l’on n’en détourne pas le sens pour en faire un combat contre d’autres religions.  Seuls ceux qui dans la classe politique en ont la pleine conscience et auront su comprendre ces enjeux, seront à même d’appréhender « la question corse » dans un climat apaisé et tourné vers l’avenir.

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