La croix et la bannière
Pour des raisons différentes, la Corse s’est embrasée. À Quasquara, l’implantation d’une croix fait polémique. L‘enquête préliminaire classée sans suite dans le dossier Yvan Colonna créa le courroux. Des réactions qui allient sacré et profane dans un sentiment d’injustice.
Par Jean Poletti
Les voies du seigneur sont impénétrables. Pour certains, celles de magistrats le sont tout autant. Ils firent droit à la requête d’une habitante refusant qu’un calvaire soit érigé sur le domaine public. Le maire passa outre. Réseaux sociaux et manifestations lycéennes flétrirent cette atteinte à la religiosité même si elle battait en brèche le concept de laïcité. L’affaire déborda l’île. Tous les médias nationaux s’en firent l’écho. Renvoyant implicitement aux oppositions des films Don Camillo et Peppone. Mais au-delà de cette vision teintée d’humour se dégage ce particularisme insulaire qui sait faire bon ménage entre croyants, libres-penseurs ou athées. Tous ici vivent en bonne harmonie sans accrocs ni exclusives. Aussi ce qui aurait pu passer pour une situation digne de clochemerle devint fait de société. Elle renvoie à la loi et sa dureté d’airain qui se doit d’ignorer la culture qui cimente notre communauté. En l’occurrence si la loi se montra juste fut-elle pour autant équitable ? Il convient de raison garder. Ne pas clouer au pilori une personne motivée par un des principes qui fonde la République, tout en trouvant le chemin non pas du Golgotha mais propice à l’apaisement. La parfaite raison fuit toute extrémité et veut que l’on soit sage avec sobriété. L’adage de Molière prend ici tout son acuité. Voilà qui conduit au retour de l’entente cordiale que prône le vicaire général Frédéric Constant persuadé qu’une solution est non seulement possible mais aussi souhaitable.
Cio chi no simu
Nul besoin pour s’en convaincre de comparer les arguments d’une juridiction civile au demeurant recevables, avec le droit canon illustré par l’ouvrage de l’abbé Orsini Corse terre vaticane. Dans ce dossier qui peut paraître vaudevillesque affleure en effet un mode de vie qui renvoie à cet indéfinissable cio chi no simu qui palpite du littoral à l’intérieur et que la vision du périmètre législatif n’a pas pouvoir de déceler. Le consensus se dessinera inévitablement. Transfert de la croix sur une zone privée ? Statu quo ? En toute hypothèse, nul autorité administrative ou judiciaire n’aura la volonté d’ordonner sa démolition. Si même l’enfer est pavé de bonnes intentions, l’intelligence collective sonnera le glas de cet épisode au profit de lez quiétude recouvrée.
L’autre réveil brutal s’inscrit dans la décision du procureur de Tarascon de classer sans suite un volet du tragique épilogue dont fut victime Yvan Colonna. Le magistrat classa sans suite un éventuel effacement de données dans le logiciel de renseignement et autres faits susceptibles de constituer une non-assistance à personne en danger. Sans verser dans le jugement de valeur, il n’est nullement exagéré de dire qu’une telle conclusion prête le flan au scepticisme. De nombreux jeunes allant plus avant l’assimilèrent à une flagrante injustice. Ils battirent le pavé et affrontèrent les forces de l’ordre répétant à l’envi « Ghjustiza è vérità. » De son côté, le conseil exécutif évoque émotion et interrogation légitimes. Il ajoute que le recours par le parquet d’utiliser l’enquête préliminaire empêche les parties civiles d’avoir accès à la procédure. En clair de comprendre sur quels éléments repose la décision. On le sait le guet-apens mortel entraîna un vent de révolte au sein de la jeunesse. Yvan Colonna périt sous les coups de Franck Elong Abé, un codétenu islamiste, alors que tous deux se trouvaient seuls dans la salle de sport de la prison d’Arles.
Rien à signaler
Une commission d’enquête parlementaire conduite par Jean-Félix Acquaviva et Laurent Marcangeli, respectivement président et rapporteur, s’achève donc deux ans après par un classement sans suite. Circulez y’a rien à voir ! Deux prisonniers laissés sans surveillance. Des cris de détresse et appels au secours de longues minutes que nul n’entendit. L’expertise du logiciel Genesis de toute malversation. Les personnels pénitentiaires de facto mis hors de cause. Bref, aucun dysfonctionnement dans la chaîne des responsabilités. Et Jean-Félix Acquaviva de maugréer « Si on voulait enterrer l’affaire on ne s’y prendrait pas autrement. » La puissance étatique s’était engagée à faire toute la lumière sur cette intrigue hors du commun. Gageons qu’elle tiendra sa promesse. Même si des décisions d’étape laissent présager l’inverse. Nul n’ose imaginer qu’elle jouerait sur la fuite du temps qui amène l’oubli. Si tel était le cas, le stratagème serait à tout le moins hasardeux.
Car même sans être des thuriféraires d’Yvan Colonna, nombreux sont ici ceux qui veulent savoir par quel dramatique enchaînement le scénario du pire put se produire.
Les faits sont têtus
L’entendement chancelle devant les faits. Ils sont simples. Deux détenus livrés à eux-mêmes permirent à un radicalisé de bénéficier d’une autonomie certaine. Cette mansuétude lui permis de porter au nom d’Allah des coups jusqu’à ce que mort s’en suive, sans que ne nul ne vit ou n’entendit rien.

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