Jean-Charles Marchiani alias Alexandre Stephani

L’agent secret qui libérait les otages français

Actuellement l’État affiche une stupéfiante impuissance pour arracher des ressortissants arbitrairement détenus en Iran et en Algérie. Diplomatie stérile, absence de réseaux et volonté indigente, forment la trilogie de l’échec cuisant. L’inverse d’une période pas si lointaine, illustrée par les actions occultes et souvent périlleuses d’un certain Jean-Charles Marchiani. Il savait arracher des griffes des terroristes et de gouvernements dictatoriaux des innocents qui croupissaient dans des geôles de l’arbitraire.

Par Jean Poletti

Jacques Paris et sa compagne Cécile Kohler détenus depuis trois ans dans un Iran sous la férule des ayatollahs. L’écrivain malade de quatre-vingts ans Boualem Sansal, emprisonné à Alger, à l’image du journaliste sportif Christophe Gleizes. Tous sont passés sous les fourches caudines de procès truqués. Condamnés sous des prétextes fallacieux, ils attendent le bon plaisir de leurs accusateurs pour recouvrer une liberté qu’ils n’auraient jamais dû perdre.

La doctrine de la France peut se résumer en un indécent « pas de vague » afin de permettre à la diplomatie d’opérer. Concrètement cette stratégie qui s’enracine dans le temps atteint ses limites et paraphe une impuissance qui s’apparente à une désertion en rase campagne. Le ministre des Affaires étrangères a beau clamer qu’il ne reste pas l’arme au pied, ses propos se heurtent au mur de la réalité. Il est désavoué au sein même du gouvernement. À bas bruit ou sans euphémisme, Bruno Retailleau qui s’en est même ouvert à Emmanuel Macron. Il est vrai que les griefs sont alimentés par la stérilité des démarches. Au point que le seul espoir résidait dans une grâce présidentielle du président algérien.

Coupable faiblesse

Nous revient à l’esprit le récent propos de l’hôte de l’Élysée arguant qu’un État doit être fort pour inspirer le respect. Il y a sans conteste loin de la coupe aux lèvres, des mouvements de menton à la réalité. Car sans remuer le couteau dans la plaie, nul doute que la démonstration est faite que notre pays ne suscite nulle crainte et que les islamistes ou autocrates peuvent agir à leur guise, jusqu’à embastiller tels de nos citoyens, sans doute pour les utiliser comme monnaie d’échange. Et face à cette agression contre la justice, ou tout simplement les Droits de l’homme, s’ancre l’idée d’une démocratie qui en est réduite à jouer la vassale face aux suzerains autoproclamés qui relèguent les élémentaires principes du droit international dans le tiroir de l’oubli. Sans verser le moins du monde dans le panégyrique, il est aisé d’imaginer que ces despotes ne prendraient pas le risque de capturer des ressortissants de certaines nations. Ils savent que la sanction serait immédiate. L’Iran fermant même les yeux lorsque Donald Trump bombarda dernièrement plusieurs de ses sites pour contribuer à la destruction de son potentiel nucléaire.

Innocentes victimes

Deux poids, deux mesures ? Assurément. Sous certains cieux, on sévit contre le faible pour montrer ses muscles. Par contre le puissant est épargné quoi qu’il fasse afin d’éviter les représailles. Au-delà des faits, voilà qui renvoie à une évidence démontrant le peu de crédibilité accordé à Paris par telles capitales étrangères qui peuvent appréhender sans risque de rétorsion des personnes au-dessus de tout soupçon.

Certains argueront que le positionnement de Macron sur le Sahara en faveur du Maroc provoqua le courroux de l’Algérie. D’autres évoqueront le risque de troubles dans l’Hexagone en cas de bras de fer tonique avec ces régimes qui mettent des citoyens sous les verrous. Quelles que soient les analyses ou les supputations, l’entendement chancelle face à la passivité érigée en dogme. Un simple reportage sur le football en Kabylie devient une atteinte à la sûreté de l’État. Le voyage d’agrément d’un couple se transforme en cauchemar lui valant l’accusation d’espionnage au profit d’Israël et le cachot à Téhéran. Une infortune qui dure depuis plus de mille jours, sans que le Quai d’Orsay ait pu seulement entrouvrir la porte de l’espoir. Pis encore, les récriminations des proches ou les manifestations de soutien sont déjugées dans les allées gouvernementales, au prétexte qu’elles entravent l’épilogue heureux. Ubu roi.

Le cachot des agneaux

Silence, on emprisonne. Tel est le mot d’ordre sur les bords de la Seine. Ainsi à l’impuissance se greffe et se superpose l’indigne remontrance envers ceux qui alertent et s’alarment.

Nul ne disconviendra que la discrétion s’avère alliée nécessaire en de telles situations. À condition toutefois qu’elle soit propice aux résultats escomptés. Tractations, pressions ou manœuvres clandestines, ne doivent pas être criées sous tous les toits. Mais en l’occurrence seul prévaut le mutisme de ceux qui ont la charge de la protection des personnes à l’étranger. La dimension essentielle, celle qui devrait les animer, manque cruellement à l’appel. En lieu et place s’instaure le vœu d’une hypothétique mansuétude des autocrates preneurs d’otages. Le reste n’étant que circonvolutions médiatiques s’apparentant à un cache-misère étatique.

Nulle intention de crier haro sur le baudet, ou de pourfendre davantage une telle impéritie. Toutefois chacun remarquera que si l’obligation de résultat joue l’Arlésienne, celle des moyens mis en œuvre l’est tout autant.

Le sauveur venu du Boziu Ce triste scénario tranche singulièrement avec les méthodes et procédés utilisés dans une période révolue qui alimente pourtant l’inconscient collectif. Elle est notamment personnifiée par Jean-Charles Marchiani, alors agent de la DGSE. Bien sûr, l’eau a coulé sous les ponts. À l’évidence le climat géopolitique n’est plus identique. Pour autant, ces considérations n’ont pas la dureté de l’airain et laissent vivace l’idée qu’à l’époque l’homme du Boziu était celui à qui l’on faisait appel pour des missions impossibles en terrains minés. Il répondait présent sans l’esquisse d’une hésitation à sa hiérarchie. Il devenait aussitôt Alexandre Stephani, se coulait dans l’anonymat et s’évertuait à mener à bien son contrat. Une clandestinité qui n’était que rarement de tout repos, tant les risques étaient ses compagnons qu’il côtoyait sans rechigner. Son courage physique et un patriotisme, renvoyant à une certaine idée de la grandeur de la France, étaient indubitablement ses alliés, transcendant toute autre considération.(…)

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