Medef Corse: Une stratégie territoriale éprise de particularisme
publiredactionnnel
Jean-Louis Albertini président du Medef Corse prône une stratégie qui allie spécificités et modernité. Une démarche privilégiant le dialogue que cette institution privilégie, lui permettant ainsi de prendre toute sa part pour bâtir, malgré les contraintes, l’essor collectif de la Corse de demain.
Combien de chefs d’entreprise regroupe le Medef insulaire ?
Le Medef Corse fédère un réseau d’environ 250 chefs d’entreprise direct et les grandes fédérations présentes sur notre territoire qui représentent l’ensemble du tissu économique insulaire : des grandes entreprises régionales jusqu’aux TPE, en passant par les PME mais aussi des start-up. Nous couvrons des secteurs structurants comme le bâtiment, le tourisme, les services, l’agroalimentaire, l’énergie, ou encore les activités industrielles – certes rares mais précieuses. Ce réseau dynamique constitue à la fois une force économique et un réservoir d’innovation et d’engagement local.
Êtes-vous raisonnablement optimiste malgré les difficultés économiques et sociales que traverse la Corse ?
Je suis raisonnablement optimiste, mais surtout déterminé. Nous ne sous-estimons pas les difficultés actuelles : l’économie corse est confrontée à des fragilités structurelles – dépendance sectorielle, accès limité aux marchés, tension foncière, coût du fret, précarité d’une partie de la population active. Mais elle possède aussi des atouts considérables : une jeunesse porteuse de projets, une forte résilience entrepreneuriale, et un territoire riche d’identité et de potentiel. Cet optimisme lucide repose sur la conviction que le changement viendra de nous, si nous agissons ensemble avec courage et clarté.
Vous avez initié avec d’autres l’étude « Corse 2030 ». Recevez-vous des échos favorables à ce qui s’apparente à une doctrine qui dégage des problématiques sociétales ?
Oui, très clairement. L’étude « Corse 2030 » que nous avons lancée, avec le concours de plusieurs partenaires économiques et académiques, vise à poser un diagnostic complet de la situation insulaire à l’horizon des prochaines années. Au-delà des chiffres, cette étude propose une doctrine de transformation : elle aborde les grands enjeux – énergie, formation, attractivité, logement, cohésion sociale – sous un angle interconnecté. Les retours sont très positifs. Beaucoup y voient une base utile pour construire une stratégie territoriale à long terme.
En schématisant, comment allier harmonieusement essor collectif et préservation d’un particularisme aux atours d’identité ?
Cette dualité n’est pas un frein, c’est une opportunité. L’erreur serait de considérer le développement économique comme antinomique avec notre identité culturelle, linguistique ou environnementale. Au contraire, notre particularisme insulaire peut être une source de valeur ajoutée : le respect de la terre, la proximité humaine, le lien à l’histoire et à la langue peuvent nourrir une économie de qualité, durable, ancrée, et respectueuse du territoire. L’enjeu, c’est d’ancrer le progrès dans notre réalité territoriale, sans tomber ni dans l’isolement ni dans la banalisation.
Le développement durable que vous prônez ne se décrète pas. Quelles sont d’ores et déjà les mesures que vous avez prises ?
Nous avons très concrètement engagé des actions. Le Medef Corse accompagne ses adhérents sur des projets de transition énergétique, soutient les filières locales et les circuits courts, et participe à des programmes de réduction des émissions et de revalorisation des déchets. Nous avons également mis en place des ateliers RSE, aidé à la création de clusters verts. Mais soyons clairs : le développement durable, c’est d’abord une culture de long terme, et cela suppose une responsabilisation de tous les acteurs économiques.
Votre démarche consiste à renforcer le dialogue avec les autorités étatiques mais aussi les partenaires sociaux. Lesquels, et comment ?
Le dialogue est l’un des piliers de notre stratégie. Nous échangeons régulièrement avec l’État, la Collectivité de Corse, les intercommunalités, mais aussi avec les syndicats de salariés, les chambres consulaires, les organismes de formation, et les associations professionnelles. Ce dialogue est fondé sur la transparence et la recherche de solutions communes. Il est nourri, parfois exigeant, mais constructif. Nos mandataires au sein des organismes participent quotidiennement à cette construction avec les partenaires sociaux.
Prosaïquement, les entreprises pourront-elles surmonter le fameux mur de la dette ?
Ce « mur » est bien réel, et il ne concerne pas uniquement les grandes entreprises : les TPE/PME, souvent très engagées localement, sont les plus vulnérables. Certaines sont déjà au bord de la rupture. Pour surmonter cet obstacle, il faut conjuguer plusieurs leviers : restructuration intelligente de la dette, soutien bancaire, relance de l’activité, allègement de certaines charges, et surtout accès facilité à la commande publique. Il ne s’agit pas de sauver artificiellement toutes les structures, mais d’éviter une hémorragie qui aurait des conséquences sociales désastreuses.
Les présidents des tribunaux de commerce évoquent le risque d’un point de non-retour. Votre sentiment ?
C’est une alerte qu’il faut prendre très au sérieux. Nous partageons ce constat : beaucoup d’entreprises n’ont plus de marge de manœuvre, financière, humaine, ou psychologique. Le point de non-retour serait celui où la confiance s’effondre, et où les entrepreneurs baissent les bras. Notre rôle est donc d’être aux côtés de ces dirigeants, de leur apporter des outils, du soutien, et une perspective. C’est aussi là que l’action publique doit être rapide, ciblée et efficace.
L’épilogue heureux que nombreux appellent de leurs vœux doit se bâtir sur une dynamique collective. Si elle existe chez vous, est-elle perceptible dans d’autres institutions ?
Elle existe, oui, et elle est même en train de s’intensifier. Nous observons une volonté nouvelle de travailler ensemble, de rompre avec les logiques de silos. Des partenariats émergent entre entreprises, collectivités, universités, structures de l’économie sociale. Il faut renforcer cette dynamique et la stabiliser. Le défi est aussi de faire en sorte que cette mobilisation se diffuse dans l’administration, dans les circuits de décision, pour produire des effets concrets.
S’agissant du bâtiment, les travaux publics se raréfient à l’image des permis de construire. Jugez-vous ce creux de la vague passager ou structurel ?
C’est à la fois structurel et conjoncturel. Les blocages liés à l’urbanisme, aux contentieux, à la spéculation foncière, freinent l’activité depuis des années. Mais les crises récentes ont accentué le phénomène. Nous devons clarifier les règles d’aménagement, sécuriser les plans locaux d’urbanisme, et relancer la commande publique. Sinon, c’est tout un pan de notre économie – et des centaines d’emplois – qui risque de s’effondrer durablement.
L’opinion assimile souvent le Medef à un huis clos patronal. En quoi cette image est-elle erronée ?
C’est une vision dépassée. Le Medef est ouvert, engagé, présent dans le débat public. Nous ne sommes pas là pour défendre des intérêts de caste, mais pour contribuer à l’avenir de notre territoire. Nous travaillons avec les jeunes, les élus, les enseignants, les associations. Le chef d’entreprise d’aujourd’hui n’est plus un décideur solitaire : c’est un acteur de la cité, qui s’interroge, qui dialogue, qui construit.
Votre structure est par essence apolitique. Pour autant, quel regard porte-t-elle sur le projet d’évolution institutionnelle ?
Le Medef Corse est apolitique, mais pas neutre sur les questions d’organisation du territoire. Nous attendons de toute réforme institutionnelle de la lisibilité, de la stabilité, de l’efficacité. Une évolution institutionnelle qui clarifie les compétences, qui rapproche la décision du terrain, qui respecte la diversité des réalités économiques, peut être un levier. Mais cela doit se faire dans le dialogue, avec des garanties juridiques et une vision claire de l’impact sur les entreprises et sur l’emploi.
On vous sait attentif à la formation. Quelles mesures prenez-vous à cet égard ?
Nous travaillons avec tous les acteurs concernés pour renforcer l’adéquation entre les formations et les besoins réels des entreprises. Cela passe par le développement de l’alternance, des formations courtes qualifiantes, la revalorisation des métiers manuels, et un meilleur accompagnement à l’insertion professionnelle. Nous militons aussi pour une orientation plus proactive dès le collège et le lycée. Une jeunesse formée, c’est une société plus juste et une économie plus performante.
Bâtiment et tourisme sont les deux socles majeurs sur lesquels s’édifie actuellement l’économie. Comment voyez-vous leur avenir ?
Ces secteurs sont essentiels, mais ils doivent se réinventer. Le bâtiment doit intégrer les enjeux écologiques, les matériaux durables, et répondre à des besoins réels (logement, rénovation, autonomie énergétique). Le tourisme, lui, doit évoluer vers un modèle différent, moins saisonnier, ce secteur est trop soumis à la concurrence internationale. L’avenir passe aussi par la diversification économique, l’économie numérique, l’économie de la connaissance, les industries culturelles, les énergies renouvelables, l’économie bleue.
En péroraison affleure une question de confiance : en quoi votre contribution sera non seulement utile mais nécessaire pour dessiner la Corse de demain ?
Parce que nous sommes sur le terrain, dans l’action, dans la création de valeur, d’emplois, de perspectives. Parce que nos entreprises font vivre les villages, forment les jeunes, investissent dans le territoire. Parce que nous ne sommes pas là pour commenter, mais pour construire. La Corse de demain se dessinera avec tous ses acteurs, et nous prenons pleinement notre part dans cette responsabilité collective.
Les commentaires sont fermés, mais trackbacks Et les pingbacks sont ouverts.