Plaidoyer pour la fin DES VŒUX PIEUX

Edito

Par Jean Poletti

Le nouvel an ouvre ses portes. Dans une sorte de rituel qui défie le temps, il laisse entrevoir l’espoir et la crainte. Ces sentiments antagonistes qui forgent une conscience collective assaillent ici comme ailleurs laissant fleurir les vœux au parfum de réalité. Pactes scellant de meilleurs lendemains. Volonté d’aller vers ce un bien cher à Platon. Croire que l’avenir chassera les lourds nuages. Autant de promesses ou d’attentes, que l’espace d’une période, semblent unir les gens et transcender les générations. Cela reflète assurément cette quête de l’insaisissable bonheur individuel et collectif qui sommeille en chacun de nous. Mais nul n’ignore cependant qu’une telle harmonie ne peut s’accomplir uniquement par les souhaits. Pis encore, si l’on en croit Confucius la confiance dans le hasard serait attitude de vaincu. Caresser, fut-ce de loin, ce bien-être implique à l’évidence de forcer le destin autant que faire se peut. Dès lors, il conviendrait que les formules qui rejaillissent chaque début de janvier ne soient plus vaines paroles qui s’éclipsent sitôt prononcées. Elles doivent impérativement prendre rang de doctrine scellée dans la durée. Voilà qui serait souhaitable, sans pour autant prendre naturellement rang du possible. En effet, maints obstacles sont dressés sur cette route. Certains par le sort et les impondérables. D’autres par nous-mêmes. Les premiers par essence et définition échappent à notre pouvoir. Mais qu’en est-il de ceux

qui sont de manière inconsciente ou lucide de notre fait? Aborder cette interrogation renvoie aux concepts d’égoïsme, d’individualisme et en filigrane foule aux pieds la solidarité agissante. Nulle idée en cette parenthèse que certains veulent enchantée de noircir le tableau. Pourtant la simple observation des aléas, conflits et injustices suffit à exprimer l’idée que bien des déconvenues pourraient être évitées. Si tant est que l’intelligence portant en bandoulière l’humanisme ne soit pas foulée aux pieds par de néfastes décisions. Le terrorisme du Hamas et ses affidés qui poignardent l’innocence, à Paris et ailleurs, ou la volonté hégémoniste d’un avatar du tsarisme en sont les éloquents exemples qui secouent actuellement le monde. Mais ces sanglants points d’orgue ne doivent pas faire oublier que fréquemment le malheur progresse à bas bruit sur le terreau de l’indolence ou du sacro-saint chacun pour soi, qui occulte la fraternité, pourtant l’une des trilogies de la République. Nul besoin d’être apôtre laïc ou religieux pour admettre que bien souvent l’équité et le réconfort pourraient s’amplifier si chacun faisait preuve d’un authentique altruisme et se soucie de son prochain frappé par la détresse. Nul besoin de grandes actions. Mais une présence, le réconfort et l’écoute sont des attitudes qui mettent du baume au cœur de ceux qui pour maintes raisons se trouvent brusquement marginalisés. Jamais dans cette société dite de communication autant d’êtres ne se sont trouvés isolés. Livrés à eux-mêmes. Ignorés. La Corse n’échappe pas à ce fléau. Elle, qui naguère mettait l’aiutu au fronton de ses qualités, verse progressivement dans le néfaste air du temps, dans lequel u techju un crede piu u famidu. Triste évolution. Acculturation volontaire, puisée dans d’autres habitudes importées et ayant désormais voix au chapitre. Nul passéisme dans cette réflexion. Aucune velléité d’entonner le couplet du « c’était mieux avant ». Il n’empêche malgré une existence rude et ardue, celui qui trébuchait était soutenu. Aujourd’hui, alors que la précarité happe villes et villages, les organismes caritatifs semblent être la variable d’ajustement qui semble infinie. Comment expliquer qu’une île aux riches potentialités soit la plus pauvre de France? Par quelle curieuse alchimie chômage, jeunesse angoissée, travailleurs pauvres, retraités aux abois sont autant de situations qui insultent l’entendement? Plutôt que de se complaire dans des philippiques stériles, tracer des plans sur la comète ne serait-il pas plus judicieux de déclarer en urgence la misère cause régionale ? Et nous voilà face au dilemme des vœux qui de pieux doivent connaître un début de réalisation. Sauf à être cette fois comme hier une formule creuse. Presque une tradition éculée à force d’être prononcée sans qu’elle n’entrebâille l’espoir du changement. D’aucuns rétorqueront que cela relève de l’utopie. D’autres qu’à l’impossible nul n’est tenu. Autant d’arguties qui alimentent la bonne conscience, et consacrent l’inaction. Corsica un averai mai bè, disait un certain Pasquale Paoli. Osons réfuter cette vision pessimiste au profit d’un volontarisme qui sied dans une communauté qui se targue de spécificité et de particularisme. La meilleure façon d’appliquer ces différences passant indubitablement par l’élévation matérielle et morale des habitants. Voilà qui implique de cesser les déclarations teintées de générosité. Et les remplacer par de louables actions qui brisent enfin les chaînes de cette indigence d’un petit peuple dont Rousseau disait qu’il étonnerait le monde. Le temps est venu d’associer enfin la parole aux actes. Afin que prenne tout son sens le bon di et bon annu e bon capu d’annu pace e salute per tuttu l’annu.

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