PIÚ CHE MAI, BACCALA PER CORSICA

nm-photo-297671_3Annus horribilis : elle commence à peine, et c’est ainsi que l’on est tenté de la qualifier. Avec en premier lieu, ce nouvel épisode mari- time sur le port de Marseille. Une nouvelle compagnie vient de naître : Corsica Maritima. Elle fait la démonstration que l’on peut transporter nos marchandises entre la Corse et le continent, sans subvention, sans argent public, avec un coût de transport inférieur de 40% à ce que nous avons dû payer avec les compagnies subventionnées pendant près de cinquante ans. Il y a plus de vingt ans, les bateaux jaunes avaient fait une démonstration similaire avec le transport de passa- gers. Le constat est accablant : il s’agit depuis des décennies d’un détour- nement de fonds publics portant sur plusieurs centaines de millions d’euros. C’est sans doute une des raisons pour lesquelles les bateaux de cette nouvelle compagnie se voient interdire l’accès à un port, en France, à Marseille précisément. Au mépris de toutes les règles de droit, un syndicat se permet d’y faire régner sa loi depuis bien longtemps. Dans aucune autre démocratie occidentale un fait de cette nature ne peut être observé. Quelle explication un état responsable peut-il donner ?  Certes, début juillet 2014, en pleine grève de la SNCM au cœur de la saison touristique, avec tous les dégâts que nous savons pour l’économie de l’île, un préfet de la République expliquait aux socioprofessionnels corses qu’on ne pourrait envoyer les forces de l’ordre sur le port de Marseille, au risque de perturber le départ de milliers de Maghrébins qui allaient faire le ramadan de l’autre côté de la Méditerranée. Mais en janvier, point de ramadan! Alors faut-il en déduire, comme l’avait déclaré un parlementaire corse, qu’il s’agit d’un simple problème «glandulaire» ? Peut-être aurons-nous la réponse prochainement, car la série est loin d’être terminée ; il reste malheureusement encore quelques épisodes.

Le bon grain de l’ivraie

Au même moment, nous vivons une crise des déchets sans précédent. Au-delà des conséquences économiques directes et indirectes, cette situation interpelle le citoyen, qui chaque matin voit s’accroître le tas de sacs poubelles au pied de son immeuble, ou au seuil de sa maison. Chacun semble déconcerté devant ce type de situation. Nous n’imaginions pas que cela pourrait se produire chez nous. Pendant ce temps, les élites (toutes catégories confondues) continuent leur gigantesque séance de masturbation intellectuelle pour savoir comment mieux trier, mais aussi continuer à enfouir des centaines de milliers de tonnes de déchets dans notre sol, offrant ainsi un cadeau inestimable aux générations à venir. Au même moment à Stockholm (dans un pays réputé pour son amour de la planète verte) on achève la construction d’un éco- quartier unanimement reconnu comme un must mondial en matière de développement durable. On a tout simplement décidé d’y traiter le problème des déchets grâce à un incinérateur.

Faut pas jouer les riches

Un incinérateur nouvelles normes, ultra-performant, ne rejetant rien dans l’atmosphère, ne présentant aucun danger en matière de santé publique. Plutôt que de rester arc-boutés dans une position dogmatique qui confine à la bêtise, nous ferions sans doute mieux d’étudier sans aucun à priori la piste du traitement des déchets par incinération, qui avec celle de l’exportation, sont sans doute les plus appropriées lorsqu’on vit sur une île. Mais nous ne sommes pas au bout de nos difficultés. En 2016, inévitablement le chômage connaîtra une nouvelle hausse. C’est la conséquence mécanique de l’état de défaillance globale de notre économie. Et on ne saurait voir à l’horizon le moindre signe de reprise, ni de redémarrage de la croissance. Globalement, l’état des finances publiques ne permet plus les politiques d’investissement dont nous aurions tant besoin. Des signes concrets viendront bientôt nous rappeler cruellement combien nous avons vécu au-dessus de nos moyens, avec des coûts de fonctionnement, et des milliers de recrutements que nous allons mettre quelques décennies à digérer. En se rendant « au village » dans cette Corse de l’intérieur à laquelle nous sommes tant attachés, nous voyons déjà ce triste spectacle des routes départementales que nous n’avons plus les moyens d’entretenir, et qui se retrouvent (pour longtemps sans doute) à l’état de pistes.

Par Jean-Marc Cermolacce / Président du Tribunal de commerce de Bastia

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